« Pareille à une flaque d'eau qui attire et absorbe une simple goutte, l'occupation se mit en place presque instantanément, avec la facilité d'une loi naturelle. L'essentiel avait eu lieu pendant que la ville dormait, et les habitants, surpris, s'accommodaient du nouvel état de choses comme un malade qui revient à lui après une anesthésie et qui apprend qu'on l'a déjà opéré et qu'il ne lui reste plus qu'à s'habituer à vivre sans ses jambes. ».
Cédric X est le souverain d'un royaume minuscule et glacé, fait de traditions immuables, qui se voit envahi par les troupes du IIIe Reich lors de la Seconde Guerre mondiale. Petit à petit, les libertés disparaissent, le roi et son peuple courbent l'échine et acceptent l'humiliation. Jusqu'au jour où les Juifs sont obligés de porter l'étoile jaune...
Un roman court à lire comme une véritable parabole sur la responsabilité individuelle face aux événements collectifs.
Quelque part en Suède, au mitan de la révolution industrielle, un homme se retrouve employé dans une banque. Si ce nouveau monde lui est au départ tout à fait étranger, à mesure que les mois passent et se ressemblent, l'institution financière finit par devenir son seul univers. Au sein de ce monde peuplé de nouvelles machines aux noms étranges se déploie un silence feutré, ponctué de menaces prononcées à demi-mot, et dans lequel circule, invariablement, l'argent. Mais de quoi ce dernier tire-t-il réellement sa valeur ? Et à qui profite-t-il ? Passant de main en main et d'un compte à l'autre, l'argent fait toujours l'objet de mystérieux tours de prestidigitation. Chacun à leur manière, les personnages de cette fable grinçante vont opérer une lente mais implacable dissection du système bancaire, dévoilant petit à petit la vacuité de ses logiques.
Passage en poche du premier roman féministe suédois qui a fait scandale à sa parution en Suède au milieu du XIXe siècle. Un texte d'une étonnante modernité, écrit par l'un des grands auteurs suédois de l'époque, sur le combat d'une jeune femme pour préserver sa liberté d'agir, son indépendance et sa franchise verbale. Une idylle atypique pour l'époque qui apparaît par conséquent résolument moderne.
Ida Brandt est de ces jeunes filles, trop discrètes, que l'on met facilement de côté. Elle possède pourtant l'élégance de sa classe et la générosité de coeur des honnêtes gens. Enfant, sa gentillesse intriguait, devenue adulte, elle paraît quasi suspecte. Trop altruiste pour être acceptée par la bourgeoisie danoise, mais trop riche pour l'être par ses collègues infirmières, Ida Brandt peine à trouver sa place dans la société de son temps. Jusqu'à l'amour fou, celui qui dépasse les préjugés et laisse la beauté parler...
Un roman intense, par lequel son auteur voulait « exprimer par les mots la douleur de ceux qui ne se plaignent jamais », et dont Jens Christian Grøndahl salue l'éternelle modernité.
August Strindberg (1849-1912) a non seulement mis à jour la violence des sentiments et la cruauté des mots dans son théâtre, ses romans mais il a aussi oeuvré en peintre et en critique d'art. Dans ses tableaux, d'où l'humain est banni, une nature sauvage, rude emplit la toile. Rien de joli, d'aimable. Une matière étalée au couteau qui magnifie les éléments de la nature face à l'homme et qui le renvoie à son insignifiance. Une déclinaison de tonalités, une symphonie de couleurs. L'intérêt de Strindberg pour la peinture se double d'un travail de critique. Un oeil perspicace avec une connaissance de la scène artistique nordique et une curiosité pour ce qui se passe ailleurs en Europe.
Formé par des cours d'esthétique à l'Université d'Uppsala, il étudie avec méthode les différentes théories esthétiques, lit ce qui est publié, se frotte aux classiques. Il s'intéresse à ce que produisent ses contemporains. Et subit l'attraction de Paris. Il y séjourne à plusieurs reprises, fréquente les cercles artistiques, découvre les impressionnistes naissants. Sa connaissance parfaite de la langue française qu'il pratique et écrit lui permet d'être publié sur place. Il voyage en Allemagne, en Suisse. Compare les peintres suédois influencés par l'école française, celles de Düsseldorf, de Munich. Et s'élabore peu à peu un corpus d'articles mettant en opposition la peinture française, produit du climat tempéré à une peinture suédoise, nordique plus âpre, plus rude. Aussi Strindberg développe une curiosité pour l'expérimentation photographique, nouveau média dont il comprit tout de suite les possibilités et comment les explorer grâce à son intérêt pour la chimie. À certaines périodes de sa vie, Strindberg éprouve un profond doute sur l'utilité sociale de toute activité artistique. Ses convictions à la fois politiques et sociales alliées à une sévère misanthropie l'amènent à un rejet de toute expression. Mais perdurent ces textes, ces analyses, dont vingt-six sont à lire au sein du présent recueil.
Jean Louis Schefer, écrivain, philosophe et critique d'art, s'est imprégné de ces textes « écrits pour un public à éduquer et non pas à satisfaire » et en a tiré une préface éclairante, où la langue de Strindberg fait écho à la sienne. Par la richesse de sa pensée et de son lexique, il dégage toute la poésie des Écrits sur l'art de Strindberg.
Ce recueil contemporain de neuf nouvelles nous plonge dans la Suède profonde.
Avec ce mélange d'humour, de noirceur et de lyrisme qui est sa signature, Stina Stoor raconte l'excursion désastreuse d'un jeune garçon et de son aîné en forêt, la pêche miraculeuse d'une gamine en colère, le cadeau inespéré d'un père défaillant ou une fête d'anniversaire mêlant deux mondes censés ne pas se croiser.
Dans cette gigantesque réserve naturelle au Nord du pays qui l'a vu grandir, la nature est vibrante, les gens esseulés, en mal d'espoirs, les relations délétères, mais l'on y pousse tout de même, en herbe sauvage et vigoureuse.
Donner une idée des écrits de Fredrik Sjöberg est à la fois facile et très difficile. Facile parce qu'il suffit d'évoquer la prose envoûtante et mélancolique de W. G. Sebald et de dire : voici la même famille d'esprits, en plus humoristique, plus ludique, mais tout aussi fascinant et profond. Difficile, parce que, comme chez Sebald, c'est une prose inénarrable : la décrire c'est comme décrire un morceau de musique, c'est-à-dire passer à côté de l'essentiel.
L'histoire ? Bien sûr, il y a une histoire : le narrateur, un entomologiste (comme l'auteur lui-même) commence à s'intéresser au destin d'un homme à facettes multiples : un scientifique, spécialiste des vers de terre, qui fut également historien d'art, viticulteur de renom, photographe, aquarelliste, mais aussi théosophe, ami de Strindberg et un des pionniers du mouvement écologique aux Etats-Unis. Gustaf Eisen (1847-1940) est le nom de cet étonnant personnage dont Fredrik Sjöberg raconte la vie - et ce faisant, il raconte la sienne propre : sa passion de collectionneur (d'insectes et de destins énigmatiques), son rapport à son travail, scientifique et littéraire, ses méditations sur la nature, sur la collecte et les collectionneurs, l'art et la science.
Point de spéculations abstraites, il ne s'agit pas de bâtir un système ; des histoires drôles, des anecdotes, des saynètes constituent la matière première de cette prose à la fois légère et profonde. Une pensée qui vagabonde sans jamais s'égarer ; des rêveries d'un « promeneur solitaire », mettant en scène une foule de personnages, aux destins souvent rocambolesques.
Gazdanov, comme des milliers de ses compatriotes en 1920, s'exile et se retrouve l'observateur fasciné et horrifié des bas-fonds parisiens. Au volant de son taxi, toutes les nuits, il parcourt le labyrinthe des rues de la capitale et de sa banlieue, en même temps que celui de sa mémoire.
S'élabore ainsi une géographie où s'entrecroisent les destins d'individus qui n'auraient jamais dû se rencontrer. Apparaissent les figures, tragiques et comiques à la fois, de Raldi, la courtisane déchue, de Fédortchenko, l'ouvrier russe content de son sort et de Vassiliev, son âme damnée, de Suzanne à la dent d'or et de Platon enfin, l'ivrogne philosophe, qui est comme le récitant de cette histoire.
Cette conduite nocturne, qui accuse les ombres et les lumières des âmes, vibre de nostalgie et d'une espérance ample comme un printemps russe.
Quand Martine Fauré meurt, son fils quitte Paris pour passer le mois d'août en Provence, chez un ami. La rencontre avec la forêt, ses senteurs, sa lumière, son immuabilité et son silence vivants fait pressentir à Pierre - cet homme simple, comptable dans une petite entreprise - un royaume insoupçonné où le temps, l'espace et les sensations sont souverains.
Une fois installé dans une petite ville de province grâce à Askanius le restaurateur, Libotz, l'étranger, fait le bien et résiste au mal, car la vertu est son destin. Mais Libotz le bouc émissaire ne parvient pas à sauver Askanius du désastre déclenché par le procureur Tjärne, pas plus qu'il ne se fait accepter dans la ville.
Dans le Paris de la fin du XIXe siècle, Le peintre Claude Zoret s'entretient avec son protégé, le jeune Tchèque Mikaël. Installés dans une vie de célébrité et de luxe, ils sont tout à la fois père et fils adoptif, maître et élève, peintre et modèle, et, sans que ce ne soit jamais dit, amants.
Lors d'un dîner dans la demeure du maître, celui-ci apprend à ses invités qu'il peindra bientôt le portrait d'une célèbre princesse russe, Lucia Zamikov. Malheureusement, il ne parvient pas à restituer fidèlement le regard de l'aristocrate et sollicite l'aide de son élève. Mikaël tombe alors éperdument amoureux de la princesse. Peu à peu, il s'éloigne de Zoret et ira même jusqu'à le trahir.
Printemps à Stockholm. La nature renaît, reprend peu à peu ses droits sur l'hiver et les rues grouillent de monde. Thomas Weber vient d'obtenir sa licence en médecine. N'exerçant encore aucune activité sérieuse, il flâne par les rues du centre-ville et non loin du port, prêt à se jeter dans l'aventure au grès des rencontres fortuites. Un seul but occupe son esprit : dépenser au plus vite l'argent que son père lui a offert en récompense de son succès universitaire. Son premier achat sera une élégante paire de gants rouges ; d'ailleurs la vendeuse, au cou gracile et à l'épaisse chevelure, va vite hanter sa rêverie.
Égarements est un roman de la sensation, d'une belle mélancolie, sur les soubresauts de la jeunesse et l'entrée dans l'âge adulte. À sa parution, en 1895, il provoque un scandale, car jugé indécent et pornographique ; depuis, il est devenu un classique de la littérature scandinave.
Contemporain de Strindberg, Hjalmar Söderberg fut aussi réputé que lui dans les pays nordiques où il demeure l'un des écrivains du XIXe siècle les plus lus.
Que signifie être une Allemande dans une petite ville danoise quelques années après la fin de la Seconde guerre mondiale ? Que signifie être le fils d'une telle mère et d'un père danois ? Que ressent-on quand on se fait traiter de "cochon d'Allemand" à chaque récréation ? Quand on est témoin de l'ostracisme permanent à l'égard de sa mère ? Knud Romer le sait - pour avoir été ce -cochon d'Allemand" à Nykøbing Falster où il est né en 1960 et où il a grandi. Il en a gardé des souvenirs épouvantables, qu'il a portés des années durant avant de décrire l'enfer vécu - déguisé en une enfance ordinaire - dans son roman Cochon d'Allemand, paru en 2006 au Danemark. Une oeuvre autobiographique donc, un roman à clé certes, un règlement de comptes sans doute. Mais avant tout une oeuvre littéraire de premier ordre, l'évocation d'un monde qui ne se réduit nullement à la petite ville de province : pour l'auteur, sa propre histoire est avant tout l'histoire de sa famille, de ses parents, de ses grands-parents. En parlant d'eux, il nous fait remonter dans le temps, et l'horizon s'élargit : une suite de brèves séquences fait défiler les personnages dans une Allemagne des années 30 et pendant la guerre ; puis au Danemark à la même époque. Le roman est détaillé et coloré, écrit avec un style vigoureux et scintillant. Tout en décrivant l'isolement croissant d'une famille, il dépeint ses prédispositions psychiques de plus en plus tordues : de la névrose autodestructrice à la cruauté malveillante, à la persécution, à la mort. Cochon d'Allemand, bourré d'hyperbole et d'ambiguïté, ressemble presque à une histoire à dormir debout. L'humour, que l'on retrouve de par le roman, unit ses fils divers et aide à rendre ses brutalités plus supportables. C'est un récit personnel, brut et sincère qui touche profondément le lecteur. En somme, un petit livre d'une grande beauté, sans une fausse note, dense et compact.
Chacune des nouvelles de Cygnes noirs est une fenêtre ouverte sur la destinée de Russes que l'auteur a côtoyés, perdus de vue ou retrouvés. Tout l'art de Gazdanov consiste à observer sans a priori ses frères humains, particulièrement les exilés, les déracinés en quête d'identité, pour les fixer d'un trait et en faire des personnages inoubliables. La révolution bolchevique gronde et des cohortes de Russes blancs ont rejoint la France, où leur sort a basculé. Les protagonistes des quatre nouvelles inédites rassemblées ici incarnent magnifiquement le tragique, l'absurde et le hasard des destinées. Les souvenirs, les portraits, les intrigues nous sont contés entre rêve et réalité, dans un Paris minutieusement détaillé. Le lecteur sera fasciné et se laissera hypnotiser par l'écriture d'un des plus grands auteurs russes du XXe siècle. Ces nouvelles ont été réunies et préfacées avec brio par Elena Balzamo, traductrice et spécialiste de Gaïto Gazdanov. Depuis 1990, les éditions Viviane Hamy poursuivent la traduction de l'ouvre de cet écrivain russe, souvent comparée à celle de Proust ou de Camus ; s'en dévoile ici une facette inconnue.
Qui ne s'est jamais retrouvé prisonnier d'une situation parce qu'il n'a pas dit ou fait ce qu'il fallait sur le moment ? Et plus le temps passe, plus il devient difficile de faire marche arrière... C'est à travers un panaché de scènes de la vie quotidienne dans lesquelles chacun peut se reconnaître que Jonas Karlsson explore, sourire aux lèvres, la facilité déconcertante avec laquelle nos comportements virent à l'absurde. Avec le sens de la relativité d'un Paul Auster et l'acuité pour le détail d'un Raymond Carver, il montre avec brio la douce folie de celui qui ne veut pas perdre la face. Une acrobatie existentielle délicieuse révélant l'équilibre fragile des rapports humains.
«Le Jeu sérieux est le seul roman
d'amour qui compte dans notre
littérature», écrivait un critique
suédois dans les années trente.
Allons au-delà de ce jugement et
disons simplement que Le Jeu
sérieux est un des plus beaux
romans d'amour de la littérature
mondiale.
Söderberg, écrivain célèbre et
controversé, y fait un magnifique
portrait de femme, d'une exceptionnelle
liberté, d'une
étonnante universalité.
Roman de la trahison, Le Jeu
sérieux est un classique de la
littérature suédoise, de nombreuses
fois réédité.
«Une prose brillante, romantique,
enfiévrée, où l'indomptable
objet de la flamme est dépeint lui
aussi comme un être souffrant,
libre, jamais condamné.»
Jean-Luc Douin, Télérama
Ce récit est un témoignage unique du périple d'un diplomate suédois entre Stockholm et Tanger.
S'il évoque la ville de Tanger et ses environs, la population (les « Maures », les Arabes, les juifs, les chrétiens et les « renégats »), l'administration et les us et coutumes des autochtones, l'auteur brosse surtout une description féroce de l'Arche de Noé diplomatique de Tanger avec ses antagonismes, intrigues et jalousies, du quotidien des Européens au Maroc et de leurs rapports avec la population et les gouvernants.
L'auteur se montre parfois critique - le plus souvent avec indulgence - à l'égard des faiblesses de ses collègues occidentaux, mais dans l'ensemble il adhère pleinement aux valeurs qu'ils incarnent. En revanche, ses écrits contiennent une critique virulente non seulement de certains Marocains, mais également de la société marocaine en tant que telle et de ce qui constitue à ses yeux son fondement, l'islam conservateur.
Observateur attentif doté d'un sens de l'humour mordant, l'auteur nous offre une narration faite de croquis et de descriptions, émaillée de nombreuses anecdotes dans lesquelles il oppose la gravité des situations à leur absurdité. Si la problématique de la rencontre entre un Européen (du Nord) et une Afrique musulmane n'est pas articulée explicitement, elle irrigue l'ensemble du récit.
La soirée était belle, quoique fraîche.
Les membres de la famille de M. Hugo se réunirent dans un des petits salons du Château de Chasse, où ils furent joyeusement accueillis par le premier feu de cheminée de l'automne. Les bougies brûlaient déjà dans les candélabres aux quatre coins de la pièce. Les auditeurs prirent place les uns à côté des autres, s'apprêtant à écouter le récit du soir.
« Après la mort de la mère - elle aurait été assassinée - , personne ne fit plus la cuisine ; les frères partirent, et Alrik resta seul avec son père qui n'ouvrait pas la bouche. C'est à cette époque qu'il apprit à jouer sans jouets, sans camarades, et sans connaître les jeux. La mer, l'air gris et l'eau grise, l'air bleu et l'eau bleue, les harles et les macreuses durent satisfaire son besoin de découvrir et de combiner ; quand cela devint insuffisant, son oeil puisa dans ses propres ressources pour combler ce manque ; son oreille avide, qui ne connaissait que le rugissement ou le murmure du vent, le clapotis ou le grondement des vagues, se nourrit de sa propre substance, et, exacerbée par cette autarcie, finit par distinguer des sons là où il n'y en avait pas, entendre la circulation du sang, la tension des nerfs, le déchirement des tissus, puis les sons enfin, qui, au fil des mois, se rassemblaient, s'ordonnaient, s'unissaient pour en engendrer d'autres ».
Alrik Lundstedt ce jeune surdoué monte à Stockholm pour apprendre la musique. Mais la « folle du logis » l'entraîne hors du chemin... Rêve et réalité se mêlent...
En près de dix mille lettres et plus d'un demi-siècle, la Correspondance de Strindberg, immense archipel de la littérature scandinave, révèle une formidable entreprise d'investigation intellectuelle et sensible.
Dès le premier volume, Correspondance, Tome 1 (1858-1885), on y découvre un homme d'une santé créatrice en perpétuelle effervescence qui se plaint de tous les maux imaginables, un moraliste intransigeant qui emploie les pires ruses de Don Juan pour s'attacher l'une ou l'autre des femmes de sa vie, un poète sincèrement désintéressé qui harcèle la profession du livre pour obtenir des subsides, un authentique expert de la sensibilité féminine versant dans la plus outrée des misogynies, un misanthrope occupé à sauver l'humanité.
Le deuxième volume, Correspondance, Tome 2 (1885-1894) couvre une dizaine d'années. Strindberg se marie une première fois, connaît la joie de la paternité, divorce, voyage en Europe, et convole à nouveau en noces, en proie à d'éternelles contradictions.
a la réflexion éminemment philosophique, à l'observation perspicace des individus s'ajoute chez strindberg une fascination pour le réel, jusque dans ses manifestations les plus prosaïques et les plus quotidiennes : écoute du chant d'un rossignol ou discussion à propos d'une technique de pêche.
peints par strindberg, les tableaux de la nature sont sobres - c'est le regard de l'initié, à la fois détaché et pénétrant. naturaliste, il parle en spécialiste de tout ce qu'il voit : fleurs, arbres, insectes, oiseaux. la description d'une plate-bande ("du pessimisme dans le jardinage moderne") lui sert de tremplin pour se lancer dans des considérations sur la sélection, la perception artistique, la théorie horticole.
"les secrets des fleurs" et "l'intelligence des animaux et des plantes" contiennent des observations et des thèmes qui, quelques années plus tard, vont être repris et développés. le mystère de l'écriture strindberguienne est sa capacité à maintenir un niveau stylistique toujours égal - et inégalable. la drôlerie, la richesse du registre, cette langue à la fois souple et musclée dont il a le secret, tout cela se retrouve dans ces courts textes écrits à l'ombre d'une oeuvre gigantesque.
Hareng salé, fêtes de fin d'année, collant ; ne s'agit-il pas de sujets anodins, pour ne pas dire frivoles ? Eh bien non, pas plus frivoles que le vin et le lait de Roland Barthes ou son bifteck-frites...
Dans hareng salé, il est bien sûr question de hareng salé, mais aussi de nostalgie de l'enfance, de méditation sur ce qu'est l'amour, le vrai. Chacune des vingt-six histoires présente avec humour et finesse une facette du régime soviétique. Katia Metelizza réinvente l'alphabet pour le plus grand plaisir de ses lecteurs: A comme à l'arrivée, B comme bol de soupe... Z comme zèbre !
Voici l'un des derniers documents inédits sur la Shoah.
Découvert en Allemagne à la fin des 1990, l'extraordinaire récit de Helene Holzman, écrit immédiatement après la défaite des Allemands, complète et recoupe les témoignages recueillis en Lituanie par Ilya Ehrenbourg et Vassili Grossman dans le Livre noir (Solin/Actes Sud, 1995).
Tout commence en 1923 quand Max Holzman et sa femme, Helene, des Berlinois d'origine juive, viennent s'installer, pour ouvrir une librairie de littérature étrangère, à Kaunas en Lituanie, ville cosmopolite où les communautés juive, polonaise, russe et allemande vivent en harmonie.
Jusque-là florissante, la librairie fut d'abord boycottée à la fin des années 30 par les Allemands, puis nationalisée, en 1940, à l'arrivée de l'Armée rouge.
Avec deux enfants à charge, Marie et Margarete, âgées respectivement de dix-huit et seize ans, les Holzman sont contraints à la précarité.
Mais le pire va advenir avec l'invasion de la Wehrmacht en 1941. Max Holzman est arrêté presque immédiatement et disparaît pour toujours tandis que sa fille Marie est fusillée quelques mois plus tard pour propagande pacifiste auprès des soldats allemands.
Helene Holzman, désespérée mais décider à sauver sa cadette (une demi-juive selon les critères nazis), raconte, dans son précis et précieux témoignage, le quotidien sous l'Occupation, la mise en place du ghetto et sa liquidation, les exécutions massives de Juifs avec la complicité d'une partie de la population locale - tout le cortège d'horreurs auxquelles on ne s'habituera jamais.
Mais elle montre aussi comment quelques femmes de sa trempe se sont employées dans cet enfer quotidien à sauver le plus possible de vies humaines. Sa fille Margarete, qui a survécu, vit aujourd'hui en Allemagne.
Le présent volume rassemble un choix d'une trentaine de nouvelles inédites, tirées en grande partie du recueil Historietter (paru en 1898), et complétées par des textes plus tardifs qui, thématiquement ou esthétiquement, y sont apparentées. Stockholm, toujours, et une suite de tableaux spontanés, d'anecdotes compatissantes, de remarques désabusées, de farces et de drames relatés sans artifices... On se promène, on rêve, on tombe amoureux, on gagne - ou l'on perd - au jeu : des cartes ou de l'amour. Le plus souvent par hasard... Flânerie réaliste, à travers les rues et la société de la capitale suédoise, d'un observateur perspicace et pessimiste, qui - comme il le dira d'ailleurs - ne croit qu'« au désir de la chair et à la solitude incurable de l'âme. »