« Vous entendrez la femme royale, la fille de la rue espiègle ; vous entendrez le prix de la survie de la femme noire et vous entendrez sa générosité. » James Baldwin.
Longtemps, Maya Angelou a été méconnue du public français, avant d'être célébrée à sa juste mesure depuis 2008 pour ses romans autobiographiques, dont le célèbre Je sais pourquoi chante l'oiseau en cage. Activiste et écrivaine, Angelou l'était bien sûr, mais elle se considérait aussi comme une poète. Au début de sa carrière, elle alternait la publication de chaque texte autobiographique avec un recueil. Et pourtant je m'élève, son troisième opus publié en 1978, demeure l'un de ses plus emblématiques. Composé de 32 poèmes, divisés en trois parties, il révèle une Maya Angelou dans sa pleine maturité poétique, tour à tour sentimentale ou engagée, évoquant aussi bien des motifs intimes (l'amour, la maternité, la famille), que les thèmes ouvertement politiques (les difficultés de la vie urbaine, la maltraitance, la drogue, le racisme du vieux Sud). Ce qui caractérise sa voix est une détermination sans faille à surmonter les épreuves, quelle qu'elles soient, et la confiance, la force, la fierté qu'elle puise dans son identité de femme noire. Si Maya Angelou réjouit le lecteur d'aujourd'hui, c'est parce que son sens de la provocation et de la formule ne se départit jamais d'humour et ne verse jamais ni dans le désespoir, ni le communautarisme ou la haine de l'autre. Elle est cette femme phénoménale dont le poème éponyme brosse le portrait, et nous enjoint de le devenir à notre tour :
Je dis, C'est le feu dans mes yeux, Et l'éclat de mes dents, Le swing de mes hanches, Et la gaieté dans mes pieds.
Je suis une femme, Phénoménalement, Femme phénoménale, C'est ce que je suis.
Après les Jours de travail, le journal des Raisins de la colère, Seghers publie la correspondance de Steinbeck à son éditeur, lors de la rédaction d'A l'Est d'Eden...
Alors qu'il commence la rédaction d'À l'est d'Eden, son roman le plus ouvertement autobiographique et sans doute le plus ambitieux, John Steinbeck se lance dans une longue lettre qu'il écrit quotidiennement à son ami et éditeur, Pat Covici. Pour lui, cette lettre ininterrompue a une triple vocation : elle le prépare physiquement et psychiquement à la rédaction de ses feuillets du jour ; elle offre un laboratoire dans lequel il revient sur les ambitions du chapitre en cours ; elle lui permet de tenir la chronique de la création, réflexion sur le temps, la littérature, l'inspiration, l'oeuvre à l'oeuvre.
Chaque jour, du 29 janvier au 31 octobre 1951, Steinbeck documente ainsi son processus d'écriture, se confie sur des sujets intimes, offrant ainsi un angle fascinant sur l'expérience du Nobel, une vision de l'homme et de l'écrivain, mais aussi de la relation qui unit un auteur et son éditeur.
Publié aux États-Unis en 1968, l'année suivant la disparition de Steinbeck, Journal d'un roman, Lettres d'A l'Est d'Eden, se situe dans la lignée de Jours de travail, Les journaux des Raisins de la colère : traduit par Pierre Guglielmina et paru chez Seghers en 2019, celui-ci avait été salué d'une presse unanime. Avec ce deuxième opus, les Editions Seghers poursuivent leur exploration de la fabrique de la création des chefs-d'oeuvre de la littérature américaine du XXe siècle.
La Ménagerie de verre, Un tramway nommé Désir, La Chatte sur un toit brûlant, La Nuit de l'iguane... On connaît surtout l'oeuvre de dramaturge de Tennessee Williams, exaltée, lyrique, très largement adaptée au grand écran avec la postérité que l'on sait. Pourtant, en privé, l'homme se définissait comme un poète avant tout, un poète solitaire et torturé, inspiré de la lecture de Keats, Shakespeare, Rilke et Rimbaud. Il publia Dans l'hiver des villes en 1956, mais sa célébrité en tant qu'auteur dramatique était déjà telle à l'époque qu'elle ne pouvait qu'éclipser son oeuvre poétique. Aujourd'hui, quarante ans après sa mort, on comprend à la lecture de ce recueil combien ses vers et son sens poétique nourrissent tout son travail d'écriture, destiné ou non à être mis en scène. Aussi, ses poèmes sont-ils, à l'image de ses pièces, caractérisés par l'intensité de son expression, sa passion de la sincérité, son sentiment de solitude et sa compassion envers les marginaux. À une nuance près : ils apparaissent dans une certaine mesure comme une confession. Contrairement à son théâtre qui se voulait exempt de toute thématique ouvertement homosexuelle, il parvient ici, au moyen de conventions poétiques ou de formes libres, à rendre acceptable le récit de ses expériences avec les hommes, ou de son amour pour Frank Merlo - son compagnon de longue date. « Orphée sous les tropiques », Tennessee Williams écrivit ces poèmes dans le but d'exprimer sa sexualité propre, ce que le théâtre lui interdisait. « Quand les poètes deviennent délibérément des hommes de lettres, nous nous mettons à les lire avec davantage de respect que de plaisir », écrivait-il. La lecture de ce recueil, traduit avec talent par Jacques Demarcq, vient le contredire avec bonheur.
« Cette jolie ville blanche.
De l'autre côté du pays.
Ne me sera plus.
Disponible.
J'ai vu le firmament bouger.
Ai dit « C'est la fin ».
Parce que j'étais fatigué.
De tous ces présages.
Et dès que vous aurez besoin.
De moi.
Appelez.
Je serai à l'autre.
Bout.
Attendant.
Contre le mur final ».
Extrait de « San Francisco Blues ».
Même si l'auteur de Sur la route n'est pas toujours célébré pour sa poésie, à l'inverse de son complice Allen Ginsberg, celle-ci représente une part essentielle de son oeuvre.
Pendant de son écriture romanesque, la poésie de Kerouac met en avant les aspects les plus caractéristiques de son écriture : là, plus encore peut-être que partout ailleurs, il cherche à se libérer de tous les carcans, faisant confiance à la spontanéité de sa plume, multipliant les libres associations, les mots-valise, les onomatopées, la recherche du rythme et de la sonorité pure... tout en créant de superbes métaphores.
« On écrit tout ce qui vous vient à l'esprit comme ça vous vient, dit Kerouac, la poésie retourne à son origine, à l'enfant barde, véritablement orale... » Ce recueil, publié pour la première fois aux Etats-Unis en 1971, sous le titre Scattered Poems réunit des textes écrits dans les années 50 et 60 et qui avaient paru dans des publications éphémères et underground.
Drôles, grossiers, émouvants, désordonnés, bruts, énigmatiques, ludiques, à fleur de peau, ils s'attaquent vigoureusement à l'american way of life et explorent les failles et les traces de folie causées par l'absurdité et la violence de la vie dans la société capitaliste. Ils parlent aussi de liberté, de beauté et d'évasion.
Ils sont une formidable porte d'accès l'univers poétique de Kerouac.
Parmi la pléthore d'ouvrages consacrés à Marilyn Monroe, le témoignage de Norman Rosten, paru en 74 aux Etats-Unis, est certainement le plus authentique. Poète, romancier, dramaturge et scénariste, Norman Rosten a été (avec sa femme Hedda) l'un des proches de Marilyn durant les sept dernières années de vie. Il l'avait rencontrée un jour de pluie par l'intermédiaire du photographe Sam Shaw (l'un des plus importants de la carrière de Marilyn, auteur de la photo de couverture). Shaw, en balade avec la comédienne à Brooklyn, s'était réfugié chez ses amis les Rosten pour échapper aux trombes d'eau. En comprenant à tort qu'elle s'appelait « Marion », les Rosten avaient d'abord pris la jeune fille aux cheveux trempés pour une starlette, petite amie de Shaw. Avant de comprendre que c'était la tête d'affiche de Sept ans de réflexion, récent triomphe au box-office. Ça ne les avait pas empêchés d'être d'emblée séduits par son charme. Toute leur relation sera ainsi placée sous le signe du naturel et de la spontanéité. Par la suite Rosten a d'autant plus fréquenté Marilyn qu'il était très ami avec son troisième mari Arthur Miller. Avec Arthur puis sans, Marilyn et les Rosten passeront quantités de dîners, week-ends, vacances ensemble, de Upper Manhattan à Brooklyn et aux plages de Long Island (où Norman la sauvera quasiment de la noyade un jour qu'elle voulait échapper à une horde de fans). Entre Norman et Marilyn, le lien était d'autant plus fort que la jeune femme, éprise de poésie, lui passait ses textes pour les soumettre à son jugement : « trouves-tu qu'il y ait de la poésie là-dedans ? ». Ils resteront proches jusqu'aux tout derniers instants de la vie de Marilyn. Tressé d'anecdotes drôles ou émouvantes, ce court témoignage, l'oeuvre d'un écrivain, raconte Marilyn avec respect, et affection, et dresse un portrait qui s'impose par sa sincérité, par sa délicatesse, la justesse de son regard. Un diamant brut pour qui veut saisir qui était vraiment Marilyn.
"Macchu Picchu, cité ou forteresse cyclopéennes, se dresse, au-dessus des lianes et des orchidées, sur une étroite plate-forme au flanc d'un pic des Andes. Découverte en 1911 par un professeur de Yale, Hiram Bingham, elle passe pour le dernier refuge où s'isola, après la conquête de Cuzco par Pizarre, un parti d'Incas irréductibles. [...] Nid d'aigle émergeant de l'inextricable et vivace entrelacs de la forêt-mère, les murs gigantesques demeurent un défi et une énigme de l'homme à l'Histoire. Ces blocs énormes, hissés à telle altitude, polis, strictement assemblés, témoignent d'un monstrueux et inutile effort." Pablo Neruda s'est approché de ces hauteurs en pèlerin, venu s'interroger sur un immense et obscur martyr. Dans ce deuxième chant du Canto general, le poète entreprend une longue méditation lyrique sur la grandeur et peut-être l'absurdité d'une telle entreprise. S'interrogeant sur l'homme face au temps et face à la légende, il signe le récit, la chronique dirait-il, de la vie et de la mort, puis de la renaissance des peuples natifs de l'Amérique du Sud, au coeur des vestiges de la grande civilisation rouge.
Quarante ans après sa mort, Pablo Neruda demeure l'une des voix les plus populaires du continent latino-américain et incarne, aux yeux de chacun, une figure immuable de la poésie de combat. Écrits entre 1956 et 1973, période de maturité du poète, et contemporains de La Centaine d'amour et du Mémorial de l'île noire, les poèmes de ce recueil se présentent de façon modeste, comme des fragments, souvent griffonnés à l'encre verte sur des brochures, des menus, des prospectus (reproduits en fin de recueil dans un carnet de fac-similés de trente pages en couleurs). Les motifs que développe ici Neruda sont ceux qui composent son oeuvre depuis Résidence sur la terre : l'amour pour les femmes (« De pain, de feu, de sang et de vin / est le terrestre amour qui nous embrase ») ; le voyage (« J'ai roulé sous les sabots, les chevaux / sont passés sur moi comme les cyclones ») ; le pays natal livré aux séismes (« Je dis bonjour au ciel / Plus de terre. Elle s'est détachée / hier et cette nuit du navire. / Derrière est resté le Chili »), à l'incertitude politique (« Cordillères / enneigées,/ Andes / blanches / parois de ma patrie, / que de silence / tout autour de la volonté, des luttes / de mon peuple. ») ; la poésie (« je dois écrire des lignes / que je ne lis pas, / je dois chanter pour quelqu'un/ que je ne connaîtrai / même pas un jour ») ; les forces telluriques et enfin la nature, toujours féconde et luxuriante (« Alors traversant l'incitation de ta cime son éclair parcourt / sables, coroles, volcans, jasmins, déserts, racines / et porte ton essence aux oeufs de la forêt, à la rose furieuse / des hannetons. ») Les lecteurs, nombreux, de Pablo Neruda ne seront pas déçus par cette dernière moisson de poèmes. Ils sauront y lire cette foi étonnante dans l'amour humain.
En solidarité avec le peuple ukrainien, Seghers republie la poésie de Taras Chevtchenko. Tous les bénéfices de cette édition seront reversés à la Fondation de France qui agit en faveur des réfugiés.
Tout au long de sa vie, Edward Estlin Cummings a composé des poèmes et des dessins érotiques avec une liberté de ton remarquable pour son temps. Pour lui, la crudité des corps et de la jouissance se présente au coeur même de l'aventure poétique.
Des années 1920 aux années 1960, son oeuvre reflète ses expériences d'homme : fugitives comme les rencontres tarifées de sa jeunesse, dans les boîtes de strip-tease à Boston ou à l'arrière du front en France ; émues, presque stupéfiées avec la « timide et luxurieuse » Elaine, sa première épouse, ou mystiques et rageuses avec Marion, la compagne de ses vieux jours.
En dépit de la variété de sentiments que chacune lui inspire, jamais les femmes ne sont réduites à de simples objets de désir dans la poésie de Cummings. L'érotisme y apparaît comme une esthétique du partage, une communion avec la nature et ses cycles, une fenêtre ouverte sur le mystère de la vie.
« si je frôle dit-il, (ça m'affole dit-elle, juste une fois dit-il).
Ma foi dit-elle, (si je touche dit-il, c'est louche dit-elle, pas qu'un peu dit-il), donc on peut dit-elle.
(allons viens dit-il, pas trop loin dit-elle, loin c'est où dit-il, là-dessous dit-elle) ».
No Thanks, 16.
Chaque livre semble être le combat de toute une vie. Et puis quand c'est fait... Pouf. Comme si ça n'avait jamais existé.
John Steinbeck a écrit Les Raisins de la colère entre juin et octobre 1938, dans un moment de bouillonnement et de tension extraordinaire. Tout au long de cette période, il a tenu un journal qui retrace scrupuleusement son expérience et le révèle dans les affres de la création. Face à la page blanche, aux doutes, aux obstacles qui le ralentissent, l'empêchent de penser, l'écrivain tient avec obstination le fil de l'écriture. Il défend ses personnages, son intrigue, guette le miracle qui pourrait lui offrir ce chef-d'oeuvre dont il est le premier à questionner la possibilité... En 1941, après le succès colossal du roman, après les controverses et les menaces, tandis que la guerre fait rage et que l'argent afflue, John Steinbeck reprend la plume. Seul son journal pourra le guider vers le nouveau livre d'une vie nouvelle.
Comme premier écrivain noir américain à vivre de sa plume, Langston Hugues a joué un rôle fondamental dans l'histoire de la culture au nouveau monde. En France, Pierre Seghers a publié ses mémoires en 1947, sans grand succès, ni postérité. Pourtant, The Big Sea est oeuvre littéraire de grande qualité, pleine de style, de vie, de vérité, d'humour. C'est aussi un document exceptionnel, sur la jeunesse mouvementée d'un grand écrivain, sur le sort des noirs américains au début du siècle dernier, sur les « Roaring Twenties », la « Black Renaissance »... Un récit d'apprentissage attachant, un croisement picaresque entre Fitzgerald, Baldwin et Fante... Evénement éditorial lors de sa parution et désormais considéré comme un classique aux USA, cet ouvrage est un trésor oublié du catalogue Seghers.
Né dans le Missouri en 1902, Langston Hughes a mené une vie aventureuse. Une enfance itinérante : il est écartelé entre sa mère, femme lettrée, mais toujours en quête de menues tâches pour survivre et de ce fait amenée à changer sans cesse de domicile comme d'Etat (avant sa douzième année, Langston a déjà parcouru une grande partie du territoire américain, du Kansas au Nevada, de l'Illinois au Colorado...), et son père, qui a fui les USA pour le Mexique afin de monter des affaires sans avoir souffrir de discrimination raciale. Après quelques temps passés à ses côtés au Mexique (le jeune Langston sera professeur d'anglais dans une école pour jeunes filles), il obtiendra que son père lui finance des études à l'Université de Columbia (NYC). Et s'essaiera avec succès à la poésie, bientôt publié dans des revues. Mais le goût de l'aventure et le besoin d'indépendance le pousseront à tout abandonner. Il enchaine les petits métiers : garçon de courses chez un chapelier, groom, employé chez un maraîcher, chez un fleuriste, sans jamais cesser d'écrire. Enfin, il embarque sur un vieux rafiot ancré sur l'Hudson river. Ainsi commence une vie de bourlingue qui le conduira sillonner le monde comme matelot a bord de navires de commerce naviguant entre l'Europe et l'Afrique...
Les deux étapes les plus marquantes de cet Odyssée juvénile seront Paris et Harlem. Vivre dans la capitale française était un rêve. Ce sera aussi une dure réalité. Cuisinier, garçon, portier de nuit dans les restaurants ou les boîtes de Pigalle tenus par des Noirs Américains, il côtoie la misère, mais aussi les musiciens, les danseuses, les noceurs... Paris est alors le centre du monde.
Les péripéties d'un voyage en Italie l'obligeront à regagner les Etats-Unis. Et ce sera sa chance. Jeune auteur plein de promesses, il se retrouve à Harlem quand le jazz et la culture noire deviennent l'attraction majeure du pays et que les blancs les plus riches et célèbres de New York et du monde se ruent au coeur de la cité noire, pour s'y enivrer dans les clubs, et s'y laisser inspirer... En compagnie de quelques-uns, intellectuels noirs, il participera, à travers revues et publications diverses, à ce mouvement qui portera le nom de « Renaissance de Harlem ». Et toujours l'écriture, de poésies, nouvelles, romans, articles. Le rêve de la Renaissance noire prendra fin avec la crise de 1929, mais le jeune poète aventurier sera alors devenu Langston Hughes.
6 novembre 1939, Cracovie.
Un million de soldats en marche et mille chiens aboyeurs, un endroit de peur et de froid où il ne fait pas bon grandir.
Anna a sept ans quand son père, professeur à la faculté, se rend à une convocation des autorités allemandes, puis disparaît.
Seule et à la rue, Anna rencontre alors l'Homme-Hirondelle, un grand et étrange personnage qui parle toutes les langues - même l'oiseau. D'instinct, elle est prête à lui confier sa vie.
Avec des mots et des images simples, il lui explique la guerre. Comment y survivre. Un long voyage va commencer pour eux, à travers champs et forêts, pour échapper aux forces nazies et soviétiques.
Mais dans un monde devenu fou, tout peut se révéler dangereux. Et l'Homme-Hirondelle aussi...
Découvert à l'occasion d'un minutieux travail de catalogage des manuscrits et tapuscrits originaux, ces poèmes ont d'ores et déjà créé l'événement : avant même qu'ils soient traduits en France, la nouvelle de leur publication en espagnol puis en anglais a été relayée par la presse internationale. Pourquoi cette ferveur, plus de quarante ans après la mort du poète ? Parce que Pablo Neruda demeure l'une des voix les plus populaires de langue latino-américaine et qu'il incarne, aux yeux de chacun, une figure immuable de la poésie de combat. Écrits entre 1956 et 1973, période de maturité du poète, et contemporains de La Centaine d'amour et du Mémorial de l'île noire, ces textes se présentent de façon modeste, comme des fragments, souvent griffonnés à l'encre verte sur des brochures, des menus, des prospectus (reproduits en fin de recueil dans un carnet de fac-similés de trente pages en couleurs).
Les motifs que développe ici Neruda sont ceux qui composent son oeuvre depuis Résidence sur la terre : l'amour pour les femmes (« De pain, de feu, de sang et de vin / est le terrestre amour qui nous embrase ») ; le voyage (« J'ai roulé sous les sabots, les chevaux / sont passés sur moi comme les cyclones ») ; le pays natal livré aux séismes (« Je dis bonjour au ciel / Plus de terre. Elle s'est détachée / hier et cette nuit du navire. / Derrière est resté le Chili »), à l'incertitude politique (« Cordillères / enneigées,/ Andes / blanches / parois de ma patrie, / que de silence / tout autour de la volonté, des luttes / de mon peuple. ») ; la poésie (« je dois écrire des lignes / que je ne lis pas, / je dois chanter pour quelqu'un/ que je ne connaîtrai / même pas un jour ») ; les forces telluriques et enfin la nature, toujours féconde et luxuriante (« Alors traversant l'incitation de ta cime son éclair parcourt / sables, coroles, volcans, jasmins, déserts, racines / et porte ton essence aux oeufs de la forêt, à la rose furieuse / des hannetons. ») Les lecteurs, nombreux, de Pablo Neruda ne seront pas déçus par cette dernière moisson de poèmes. Ils sauront y lire cette foi étonnante dans l'amour humain.
Si proche de Grenade est le premier ouvrage d'Antonio Carjaval publié en France.
Les poèmes qui le composent ont été empruntés à ses principaux recueils (Tigres dans le jardin, 1968 ; Les Yeux sur l'eau, 1993 ; Colombier d'été, 1999) et traduits de l'espagnol par trois universités - celles de Rouen, de Grenade et de Laval, au Québec - avec la participation de Claude Couffon. Ces textes nous font entrer dans l'univers d'un poète sensuel et raffiné, nourri de littérature classique, de musique et de peinture qui sait se montrer solidaire de l'humanité souffrante.
Cuba, les années 1980. Dans la guerre qu'il livre inlassablement à l'impérialisme américain, le grand auteur colombien Gabriel García Márquez dirige un atelier d'écriture pour former les scénaristes et les écrivains hispanophones de demain. L'ambiance y est décontractée, la parole ouverte, fluide, sans façon : on s'interpelle, on rit, on corrige, on s'interroge - aucun snobisme ne prévaut entre les gens de métier et ceux qui aspirent à le devenir. Ce livre rassemble la retranscription fidèle de deux sessions plénières, la première intitulée « Comment s'écrit une histoire » et la seconde « Mes rêves sont à louer », toutes deux parfaitement inconnues du public français. Au cours de la première, Gabo fait plancher ses élèves sur une série de romances, d'un format de vingt-six minutes, que lui a commandée la télévision : l'occasion de réfléchir ensemble sur la meilleure - et la seule ? - manière d'obtenir des histoires qui se révèlent satisfaisantes tant d'un point de vue dramaturgique qu'artistique. Dans la seconde, Gabo utilise un de ses fonds de tiroir, un conte au titre énigmatique, et demande à ses élèves de s'en servir afin de produire une série complète pour le petit écran, suivant un plan de travail qui leur permette d'arriver à un traitement, un nombre précis d'épisodes et un script susceptible d'être réalisé. Les deux sessions se révèlent parfaitement complémentaires pour qui s'intéresse à « l'esprit de création ». Car, ce que cherche avant tout García Márquez, c'est de comprendre le processus à l'oeuvre lorsque l'on écrit, ce moment indéfinissable où tout se fait, le fameux déclic - qu'il se produise chez une personne seule ou au sein d'un groupe - dont il avoue lui-même avoir tant de mal à l'identifier. Au-delà de tous les « trucs », de toutes les méthodes et conseils qui sont offerts ici à ceux qui ont le désir d'écrire, ce livre inspirant est une porte ouverte sur ce petit miracle dont chacun est peut-être capable...
Dans une forêt si dense qu'il y faisait toujours nuit, le roi clodovée, retour de guerre, chevauchait à la tête de son armée.
Il avait beau avancer parmi les arbres, la forêt n'avait pas l'air de finir. un conte à dormir debout d'un grand écrivain italien du xxe siècle. une postface humoristique à l'usage des enfants d'aujourd'hui. une collection pour découvrir ou redécouvrir la littérature, de 8 à 88 ans.
" Il y a des moments où l'on se demande si le meilleur des Mann, ce n'était pas Klaus, le fils, qui s'est suicidé à Cannes, un jour de pluie, le 21 mai 1949 ".
Bernard Frank, Le Nouvel Observateur. Très tôt, Klaus Mann perçoit les dangers du nazisme et quitte l'Allemagne dès 1933. Et c'est l'exil qui lui suggérera quelques-uns de ses grands livres, tels Le Volcan, Le Tournant et Méphisto, mis en scène par Ariane Mnouchkine, en France, en 1979, mais toujours officiellement interdit en Allemagne. Documents inédits à l'appui, cet ouvrage éclaire, sous l'angle de l'émigration des années 30, cette période si riche et douloureuse de la culture allemande et des liens noués alors avec l'intelligentsia française.
Il montre comment le séjour en France de Klaus Mann, de 1933 à 1938, bouleversa sa vie personnelle et intellectuelle. Il rappelle que l'écrivain, qui rencontre aujourd'hui un écho de plus en plus large, fut non seulement un opposant à Hitler résolument engagé, mais aussi un européen convaincu, pour qui l'édification de l'Europe passait par le rapprochement de la France et de l'Allemagne. Cette monographie bilingue constitue le catalogue de l'exposition du Goethe Institut " Klaus Mann et la France : un destin d'exil " (octobre 2002 - octobre 2004).
Avec Platero et moi, que l'on a souvent comparé au Petit Prince de Saint-Exupéry, le poète espagnol nous offre un conte plein de fraîcheur dans lequel nous découvrons les charmes secrets d'un village d'Andalousie. En compagnie du petit âne Platero, le narrateur de ce récit poétique nous fait entrer en communion intime avec les humbles, les mendiants, les pâtres, les Gitans, les braconniers et les enfants du village. Platero nous entraîne dans un monde, où rêves et réalité, prose et poésie se mêlent. Chemin faisant, les petits sabots de l'âne soulèvent des poussières d'étoile... Les dessins de l'artiste espagnol Baltasar Lobo ajoutent encore à la tendresse souriante du récit, auquel Jean Giono a consacré une longue étude publiée en postface. Enfin, un CD accompagne cette nouvelle édition du chef-d'oeuvre de Juan Ramon Jiménez, qui permet d'écouter l'enregistrement d'un spectacle produit par le comédien Claude Aufaure et deux musiciens: Gaspar Claus et son violoncelle espiègle, frondeur et grave, et Pedro Soler à la guitare andalouse, indomptable ou caressante.