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Littérature générale
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" Pour chanter les vingt ans du Pommier, mon éditrice me demanda d'écrire quelques lignes. Les voici. Pour une fois, j'y entre en morale, comme en terre nouvelle et inconnue, sur la pointe des pieds. On disait jadis de l'Arlequin de mes rêves, bienheureux comédien de l'art, qu'il corrigeait les moeurs en riant. Devenu arrière-grand-père, son disciple a, de même, le devoir sacré de raconter des histoires à ses petits descendants en leur enseignant à faire des grimaces narquoises.
Parvenus ensemble à l'âge espiègle, j'en profite pour leur dire de l'austère en pouffant de rire. " Michel Serres
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Les invasives entretiennent une relation compliquée avec les humains. Soigneusement collectées aux antipodes et acclimatées pour orner nos jardins ou nos intérieurs, elles nous tiennent sous leur charme tant qu'elles demeurent à ces places assignées. Mais il arrive qu'elles se libèrent de l'influence humaine, pour achever dans la nature leur course forcée autour de la planète. À l'aise dans les milieux perturbés par nos activités, elles s'y étalent au point de modifier le paysage. Alors, les anciens objets végétaux du désir deviennent des objets de rebut. Et même si des voix s'élèvent pour réhabiliter ces envahisseuses, notre représentation dominante de la nature, nourrie d'éco-anxiété, nous crispe sur une démarche d'éradication purificatrice, censée juguler le « métissage » en cours de la biodiversité. Pourtant, loin d'être à l'origine de la crise environnementale, les plantes invasives viennent plutôt la conclure. Robinier, ailante, renouée du Japon, buddleia, oponces de la région méditerranéenne... Marianne Roussier du Lac attire notre attention sur ces mal-aimées de notre environnement familier. Et révèle le rapport trouble que nous entretenons au vivant.
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Des renards sur une île sous la pluie, où plus aucun humain n'a permission de séjourner, une demeure endormie sous les ronces, un bosquet où calquer son souffle sur celui des arbres en attendant l'heure des métamorphoses. Mais aussi des femmes, aux prises avec les violences du monde, qui cherchent à se réparer.
Sophie Loizeau nous livre ici vingt et un récits brefs, à la langue incisive, aussi puissants que dérangeants. Vingt et un récits au féminin, envoûtants, inquiétants, tous plus ou moins apparentés au réalisme magique, où nature et animaux se taillent la part du lion. Vingt et un contes de fées revisités autour de la féralité - ou retour au sauvage. -
Fragments d'une montagne : les Alpes et leurs métamorphoses
Nicolas Nova
- Le Pommier
- 24 Mai 2023
- 9782746526693
Notes d'observation et de lecture, conversations entendues par hasard, bribes de réflexions ou encore recettes de cuisine... Ces Fragments ont été rassemblés par Nicolas Nova au fil de ses pérégrinations aux quatre coins du « château d'eau de l'Europe ». Plaçant ses pas dans ceux des grands arpenteurs de montagne, il renouvelle, chemin faisant, la tradition littéraire du « voyage dans les Alpes », et dresse en creux le portrait d'une terre de métamorphoses.
Glaciers en recul, effondrements géologiques, controverses animales : les Alpes, souvent perçues comme un territoire idyllique et préservé, reflètent pourtant singulièrement les mutations contemporaines - crise environnementale en tête. Elles sont en outre modelées par des rites et des légendes sans cesse réinventés.
Au détour de la mer de Glace, en empruntant le mythique train à crémaillère rouge du Montenvers ou le tunnel du Saint-Gothard, on découvre, pêle-mêle, des remontées mécaniques en voie d'obsolescence, des rituels de carnaval ou d'adieu aux glaciers, des réseaux d'aide aux migrants, des hybrides entre chien et loup, des bisses et des alpages en gestion partagée... Autant de pistes pour penser des solidarités nouvelles, des manières singulières d'habiter le monde comme de repeupler nos imaginaires. -
Nature ; société et solitude
Ralph Waldo Emerson
- Le Pommier
- Les Pionniers De L'ecologie
- 24 Mars 2021
- 9782746523357
Vers la fin de l'année 1844, Emerson acquiert à Concord, dans l'État du Massachusetts, un terrain au bord d'un vaste étang. Cet étang, c'est Walden. Thoreau y vivra pendant deux ans, dans une cabane, et de cette expérience tirera Walden, ou la Vie dans les bois. Sans Emerson, donc, pas de Walden. Ami et mentor de Thoreau, Emerson est l'un des premiers grands philosophes américains. Chef de file du transcendantalisme, il entre en scène avec un essai, Nature, où il défend l'idée que la nature est un grand tout, plein et harmonieux, dans lequel le Soi devrait se fondre. Il entérine par là une vision nouvelle de la nature, vivant de son existence propre, sans l'homme - à charge pour celui-ci de la célébrer et de la respecter. Nature s'ouvre sur ces mots : « Pour s'isoler l'homme a autant besoin de se retirer de son cabinet que de la société. » Trente-quatre ans plus tard, Société et solitude revient sur cette dialectique entre la vie en commun et la vie solitaire, et le moyen d'articuler « La civilisation » et « Les clubs » avec « La chose rustique »... Un parcours, du premier au dernier essai d'Emerson, qui a façonné une autre manière de voir (et de vivre) la nature. Présentation par Hicham-Stéphane Afeissa
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D'Arkham à Gotham, de l'Atlantide au Groland, de l'île au trésor à l'île de Lost, de la Syldavie à Twin Peaks, ce petit guide vous emmène à la découverte de destinations imaginaires. Imaginaires et néanmoins situées : ici, nulle contrée fabuleuse, fantasmatique ou farfelue, mais des « géofictions », autrement dit des lieux qui se glissent dans les interstices du réel pour rendre la narration plus crédible. Dans ce livre stimulant, riche en anecdotes et en histoires insolites, David Glomot nous montre que ces créations sont autant de reflets de notre réalité : Twin Peaks n'est-il pas l'archétype de la petite ville américaine ? la Syldavie et la Bordurie, l'image de l'imbroglio géopolitique des Balkans ? l'Atlantide de Platon, la métaphore du destin politique des cités grecques ? Ou quand tous les chemins qui mènent à Pétaouchnok sont les meilleurs raccourcis vers le monde réel...
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Poète originaire de Boston, établi en Provence près de son ami René Char, Gustaf Sobin se décrivait lui-même comme un « flâneur archéologique ». Marcheur infatigable, passant au peigne fin les vergers, vignes et champs de blé de son pays d'adoption, il y a glané des vestiges, « frais comme les rêves », qui ont jailli du sol. Avec la voix juste du poète et le savoir d'un archéologue, il a cherché à les faire parler.
Dans cet ensemble de vingt-six courts essais, Sobin mène une réflexion aussi bien anthropologique que poétique : quel lien unissait nos ancêtres à la terre qu'ils habitaient ? Quels mondes gisent sous le nôtre, et qu'en révèlent-ils ? De l'âge de pierre à l'Antiquité, d'une minuscule lame de hache, « svelte comme une truite » et vieille de quatre mille ans, à un imposant aqueduc de l'époque de Claude, il décrypte les débris collectés comme autant de signes qui parlent aussi de notre présent. « Car le passé, correctement interprété [...], nous donne - de temps en temps - de foudroyantes visions de notre réalité. » -
Petite Poucette a un grand-père et ce n'est pas un grand-papa ronchon !
Soucieux des générations futures, il réfléchissait déjà à comment former, c'est-a`-dire instruire et e´duquer, l'homme de demain. Vaste sujet, enjeu majeur de notre société!
Depuis les philosophes antiques et Rousseau, peu de philosophes, notamment contemporains, se sont intéressés à l'éducation...
Pour Michel Serres, l'éducation est indissociable du métissage des cultures. Le Tiers- Instruit est celui qui saura se nourrir des humanités comme des sciences, les unes n'allant pas sans les autres pour s'adapter aux évolutions du monde qui nous entoure.
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« Dans les moments de désespoir relatif tels que celui qu'il vivait en cette fin d'après-midi, une seule chose pouvait soulager Andréa. Il ne s'agissait pas de se servir un verre, ni plusieurs, encore moins de fumer un joint, mais simplement de se plonger dans la contemplation d'un tableau. Ou, plus précisément, dans le tableau lui-même. [...] Il ne fallait jamais longtemps au jeune homme pour entrer dans le tableau et s'y abandonner complètement, dans la chaleur du soleil et les parfums de pays lointains. Un jour même, il s'y était presque perdu. C'était peu après la mort de sa mère, ils n'avaient pas eu le temps d'en explorer ensemble tous les recoins, elle ne pouvait plus le guider et, de l'autre côté du bassin, le jeune garçon, se laissant distraire par la logique presque scientifique qu'il pressentait dans l'agencement des plantes, avait manqué ne pas retrouver son chemin. Mais depuis, les lieux lui étaient devenus familiers. Il avait ses habitudes dans le jardin et connaissait les moindres recoins de la villa... »
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La Fontaine n'a cessé d'accompagner Michel Serres, dans les différents moments de sa pensée.
Ce livre en est l'ultime témoignage.
Serres explore tout d'abord les Fables comme de prodigieux palimpsestes qui peuvent constituer autant de voyages vers les origines de notre pensée : sa « source corporelle et cognitive » inscrite dans toute une « gestuelle » de la fable, la « source des rapports sociaux » qui remontent par le biais de la fable jusqu'au totémisme. En des zones indécises ouvertes entre l'animal et l'humain, Serres montre alors comment ces fables mettent en oeuvre toutes sortes de métamorphoses qui concernent de très près notre manière de « faire l'homme ». Chemin faisant, Serres fait apparaître une pensée en réseau dont il scrute les balancements les plus subtils.
On l'aura compris : ceci n'est pas seulement un livre sur La Fontaine. C'est aussi et surtout un livre avec La Fontaine, où l'on voit Serres réfléchir pas à pas avec le « fablier », mettant joyeusement à l'épreuve ses propres hypothèses, et nos manières de vivre.
Jean-Charles Darmon
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Algérie, années 1950. Mokhtar grandit à l'ombre du figuier de son douar, contre lequel son grand-père Kouider aime s'adosser pour faire la sieste. Aussi vieux que le grandpère, peut-être plus, le figuier est un membre à part entière de la famille, prodiguant ses fruits deux fois l'an et une sève dont on fait des cataplasmes. Mais un jour, Moussa, le père, part avec femme et enfants vivre à la ville. Là, Mokhtar découvre la mer et ses poissons, le cinéma Lux, le hammam, les premières lectures et surtout l'écriture. Quand, un soir où il fait ses devoirs, sa mère lui trace maladroitement dans la paume les huit lettres de leur nom, il comprend qu'à ces lettres il faudra en ajouter beaucoup d'autres...
À hauteur d'enfant, Abdelkader Djemaï nous restitue l'Algérie à la veille de l'indépendance. Ses pages sentent l'encens et le benjoin qui se consument sur le kanoun ; la lumière y est celle des murs blanchis à la chaux et des paysages parcourus par un bus jaune de la compagnie L'Hirondelle. Non loin s'étend la ferme de Manhès, le Pied-noir dont la femme Martine arbore de belles toilettes. Et plus loin encore, mais à l'approche : le bourdonnement des hélicoptères et la danse des convois militaires... -
Défense et illustration de la langue française, aujourd'hui
Michel Serres, Michel Polacco
- Le Pommier
- Le Sens De L'info
- 20 Juin 2018
- 9782746517127
La défense de la langue française provoque toujours chez Michel Serres une montée d'émotion ! Devant l'invasion de l'anglais, il s'indigne : « Aujourd'hui, dans les villes de France, il y a plus de mots anglais que de mots allemands pendant l'Occupation ! » Et pour nous convaincre de la beauté de notre langue, il nous fait goûter aux subtilités et aux délices de cette langue... vivante !
Et qui évolue : plus de 35 000 mots nouveaux dans la prochaine édition du Dictionnaire !
Cela faisait longtemps - depuis Du Bellay ? - que n'était parue une si jolie Défense et illustration de la langue française !
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De l'Orénoque au Caxamarca
Alexander Von humboldt
- Le Pommier
- Les Pionniers De L'ecologie
- 24 Mars 2021
- 9782746523258
Autres climats, autre atmosphère : après Steppes et déserts , la suite des Tableaux de la nature nous conduit de l'embouchure de l'Orénoque jusque sur les hauteurs du plateau de Caxamarca (aujourd'hui Cajamarca, au Pérou). Et s'ouvre sur un mystère, resté non élucidé jusqu'en... 1951 : où l'Orénoque prend-il sa source ? À défaut de le découvrir, au moins Humboldt parviendra-t-il, accompagné du fidèle Bonpland, à établir qu'il existe un passage navigable entre ce fleuve et l'Amazone.
Dans ce récit de voyage qui est en même temps un relevé scientifique et topographique unique en son temps, Humboldt croise des animaux de nuit, se pique de volcanologie, fait un peu d'archéologie des civilisations précolombiennes, met en évidence l'étagement de la végétation et s'emploie à observer les plantes non comme des espèces isolées, mais dans leur environnement, pressentant par-là l'approche actuelle par écosystèmes.
Humboldt ? Un génie trop oublié, et dont la redécouverte n'en est que plus indispensable.
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Sur la D 911, à 15 kilomètres au nord du viaduc de Millau et à 40 kilomètres au sud du musée Soulages de Rodez, un village : Saint-Léons. Dans l'une de ses maisonnettes, le 21 décembre 1823, naquit Jean-Henri Fabre, le célèbre entomologiste, l'instituteur par excellence de la IIIe République, le scientifique préféré des poètes, le poète préféré des scientifiques.
À l'occasion de son bicentenaire, cette nouvelle biographie revient sur son long parcours et le compare aux carrières de Pasteur et Darwin, deux contemporains capitaux. Si Fabre ne fut pas le chercheur irréprochable campé par ses premiers biographes, ses faiblesses, notamment son opposition à l'évolutionnisme, n'enlèvent rien à sa passion communicative de l'insecte en particulier, de la nature plus généralement.
Son énergie, son indépendance de pensée et d'opinion, son mépris des honneurs, sa sobriété, sa simplicité, sa vie frugale au pied du Ventoux, sa générosité, sa tendresse pour les enfants, ses qualités de pédagogue, son opposition farouche au « progrès hostile à la nature, qui en déforme la beauté »... à toutes ces qualités, Henri Gourdin rend justice. Ressuscitant un Fabre familier et attachant, il narre avec verve, anecdotes et textes à l'appui, la vie de « l'inimitable observateur » (Charles Darwin). -
Ce premier combat ? C'est celui de quelques habitants de la vallée de l'Ennuye, et notamment de Liseron, adolescente déjà cabossée par la vie, de sa mère Zuita, directrice du centre équestre et compagne de Corentin l'instituteur, d'Émir, tout juste débarqué de Guinée, ou encore de l'infirmière Myriam qui se présente à la députation. Tous sont écologistes sans le savoir, résistent au monde désincarné qu'on leur propose, font de la politique sans le vouloir, écoutent la jeunesse militante et, au bout du compte, deviennent pour le pays entier des sortes d'icônes alors que le climat se dérègle et que, non loin, se fissurent les conduites de la vieille centrale nucléaire de La Baume.
Bref, l'histoire d'hommes et de femmes libres qui bataillent contre l'autorité, de lycéens qui se mobilisent, de paysans aux prises avec le climat et, au milieu des pièges, l'amour qui cherche sa voie, celui de Liseron pour Émir. Un premier combat qui peut renverser la table, jusqu'à mener aux portes du pouvoir ?
Dans cette fiction qui confine au roman d'anticipation, Yves Bichet nous livre une belle leçon d'utopie, avec ses espoirs et ses risques, ses joies et ses zones d'ombre... -
De bonnes nouvelles ; chroniques 2004-2018
Michel Serres, Michel Polacco
- Le Pommier
- Essais-manifestes
- 20 Janvier 2021
- 9782746519336
« Pendant quatorze ans, en la compagnie amicale de Michel Polacco, j'ai tenté de décrire notre monde à la manière des peintres pointillistes.
Voici en leur entier ces chroniques du dimanche.
D'un point de vue oblique, souvent inattendu, elles cherchent à passer partout, des sciences et des techniques aux usages familiers, du droit aux religions, des beaux-arts aux sports, et ainsi de suite. J'aurais dû intituler l'ensemble : « Passe-partout » !
Ainsi visité notre monde apparaît somptueusement nouveau. Or, la nouveauté engendre la joie, comme font l'aurore ou la naissance.
En leur temps et par leur style, ces chroniques plurent aux auditeurs, nous en eûmes mille témoignages ; reste à souhaiter aux lecteurs une même joie. » Michel Serres
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Réensauvagez-vous ! pour une politique du vivant
Andreas Weber, Kurt Hildegard
- Le Pommier
- 6 Janvier 2021
- 9782746522589
L'Anthropocène, cette " ère de l'humain ", nous met face à un défi sans précédent dans l'histoire de la Terre. Face à l'anéantissement total de la nature dont nous sommes les artisans, et donc aux dangers qui pèsent sur nos propres conditions d'existence, nous devons façonner une nouvelle éthique de la cohabitation - plus encore : de la solidarité profonde avec tous les autres êtres vivants. Dans ce manifeste, Andreas Weber et Hildegard Kurt posent les jalons de cette pensée neuve, qu'ils appellent " vitalité ".
Partie intégrante d'un système terrestre où la culture est inséparable de la nature, l'être humain doit désormais se faire créateur. Une responsabilité nouvelle qui nous incombe et que le discours de l'Anthropocène entend affirmer. Plaidant pour une nouvelle politique du vivant, ce texte courageux, lumineux, écrit dans une langue fluide et puissante, touchera tous ceux qui cherchent des réponses à la crise globale que nous traversons.
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Mais que se passe-t-il, dans nos sociétés occidentales, pour que les Anciens de naguère soient devenus des « vieux », auxquels « il reste peu de chocolats dans la boîte »?? Et pour que, dans le même temps, les jeunes n'aient plus le droit d'être jeunes... On nous impose, à tous, de fonctionner / de « performer »... plutôt que d'exister. Comment en est-on arrivé là?
Contre le nivellement des générations que l'époque contemporaine impose, contre la course à l'adaptation permanente, contre la perte des liens qui, l'une comme l'autre, nous disloquent, Miguel Benasayag réaffirme l'importance des différents âges de la vie, de leurs rythme propres, du passage des uns aux autres. Et nous réapprend à habiter nos existences, plutôt qu'à n'en être que des passagers clandestins.
Quand la philosophie rend à la biologie ses lettres de noblesse, cela donne une vraie leçon de vie. Par quelqu'un qui, par ce qu'il a vécu, en connaît la valeur...
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« Seuls quelques gestes démodés suscitent encore l'intérêt du public, ceux du tailleur de pierre par exemple, du stucateur, du cintreur. La main du bâtisseur moderne est ennuyeuse. Sa tâche est rebutante même si son entêtement à la poursuivre quelle que soit la saison, qu'il pleuve ou qu'il vente, mérite le respect ou l'admiration. Le maçon éprouve son savoir-faire jour après jour. Il l'améliore discrètement, en silence. Il affine sa technique sans revenir sur les erreurs du passé. Il se fiche de la beauté. Ce qui est fait est fait. Que dire de plus ?...
« Qu'avec les mots, bien sûr, c'est l'exact opposé. Qu'on n'en finit jamais de retravailler les phrases, qu'on rature et corrige indéfiniment et que vouloir concilier ces deux activités est une illusion... » -
Delta?: une lettre d'alphabet pour ces «?dunes que le vent déplace et que l'eau transporte?»?; une lettre pour une zone vivante, modelée par la nature, que la main humaine a modelée à son tour. Delta?: une forme parfaite, un triangle anthropocène - car, au fil des siècles, le pouvoir aménageur a fait du delta du Rhône une zone de ressources, avec des conséquences multiples, parfois désastreuses et toujours complexes, sur le biotope. Dans ce territoire à la fois sauvage et pratiqué depuis des millénaires, se superposent strates géologiques et mythologiques, tandis que l'empire de l'humain sur le non-humain se diffracte en des myriades d'autres rapports de domination, et d'autres mémoires.
Débordant la monographie documentaire, Fanny Taillandier poursuit sa série «?Empires?» et excelle ici, avec la Camargue pour creuset, à mêler les voix afin de donner à voir les logiques antagonistes qui innervent le territoire et d'évoquer des paysages somptueux, travaillés par nos mythes et nos croyances. Ce delta vaut pour tous les deltas du monde. Et, alors que la géographie s'entremêle de récits et de poésie, on croise, au hasard des paysages changeants d'eau et de sel, une diseuse de bonne aventure, des hors-la-loi magnifiques, des ingénieurs fantasques, un tueur en série et un grutier mystique, qui, tous, rappellent le tissu magique de nos représentations -
Du temps où les pingouins étaient nombreux... Jean-Jacques Audubon (1785-1851)
Henri Gourdin
- Le Pommier
- 20 Avril 2022
- 9782746524712
Nantais d'origine, Jean-Jacques Audubon (1785-1851) fut le pionnier américain par excellence. Célèbre pour son ouvrage illustré Les Oiseaux d'Amérique, il se donna pour projet d'identifier, de décrire et de peindre tous les oiseaux du continent nord-américain. Son originalité ? Tous les volatiles sont représentés non pas isolés sur la page, mais dans leur environnement, ou plutôt leur écosystème.
Henri Gourdin est parti sur les traces d'Audubon et nous donne de sa vie et de son oeuvre un double éclairage : le peintre des oiseaux est un représentant à la fois d'un certain romantisme d'inspiration français et du sentiment écologiste en train de naître. Est-ce si étonnant quand on sait, comme le résumait Jean d'Ormesson, que « le romantisme, c'est l'introduction de la météorologie dans la littérature » ?
Dans cette narrative non fiction rédigée dans un style enlevé, fourmillant d'anecdotes et d'analyses percutantes, précieuses pour repenser notre rapport au vivant, le héros de la National Audubon Society apparaît dans toute sa vérité et sa complexité : artiste et scientifique, peintre et écrivain, chasseur et amoureux de la nature...
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Théâtre de la catastrope, expérience des situations extrêmes et création artistique
François Laplantine
- Le Pommier
- 7 Septembre 2022
- 9782746525719
Tsunami, pandémie, attentat, guerre, menace nucléaire... Les catastrophes égrenées à longueur de journaux semblent s'emballer. L'oeil se rive, sidéré, sur les mêmes images répétées à l'envi ; les chaînes d'info en continu, comme les fils Twitter qui ressassent les dépêches AFP, en disent à la fois trop et pas assez. Comment appréhender et dire les catastrophes ? Que font-elles au langage ? C'est cette brèche entre les mots et les choses, propre à la violence subie de l'épreuve, intime comme collective, que François Laplantine tâche ici de circonscrire. Si, selon la conclusion du Tractatus, « ce dont on ne peut parler, il faut le taire », Wittgenstein luimême n'a-t-il pas proposé de le montrer ? Dans cet essai, François Laplantine le prend au sérieux et explore, du buto à Beckett, des films sur la Shoah à Maguy Marin et Antonin Artaud, comment la création montre ce qui résiste à être dit. Les formes artistiques explorées signalent alors des voies permettant d'éviter les écueils du silence mais aussi du catastrophisme tapageur. Ce que peut le langage, mais aussi ce qui l'excède.
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Vous êtes-vous déjà demandé ce qui, dans la vie, vous a le plus émerveillé ? C'est la question qu'aime à poser Marie Rouanet à ceux qu'elles croisent, gens de peu ou d'ailleurs, voisins, amis ou inconnus. Avec ces courts textes, qui empruntent à la nouvelle, au poème en prose et au verset, l'auteur de Nous les filles et de Luxueuse Austérité nous invite à bien soupeser un coupe-papier, à regarder danser une araignée funambule, à parcourir l'iris des chats comme autant de cartes de marine, à accueillir le soleil de l'été dans la transparence des doigts, à conférer à un coquillage la dignité d'une porcelaine... Un parcours initiatique qui nous mène de l'Amazonie aux déserts, de l'orée des sous-bois au pas de la porte. Marie Rouanet livre ici la quintessence de son art, une écriture pure et acérée, simple et profonde. L'émerveillement ? « C'est un jour comme les autres. Et tout d'un coup, en regardant une chose, en permanence sous nos yeux (voir, ce n'est pas regarder), enfin on découvre son originalité, sa beauté méconnue, son mystère. Et le bonheur balaie en nous tout ce qui pèse. »
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De l'amitié aujourd'hui
Michel Serres, Michel Polacco
- Le Pommier
- Essais ; Le Sens De L'info
- 6 Juin 2017
- 9782746512542
L'amitié est, depuis bien longtemps, un sujet prisé des philosophes. Pour Aristote, elle est une condition de l'équilibre politique ; pour Platon, elle est nécessaire à l'élévation des âmes. Montaigne disait pour parler de ses liens avec La Boétie : " parce que c'était lui, parce que c'était moi ". Michel Serres, lui aussi, sait de quoi il parle lorsqu'il évoque l'amitié : on se souvient de la complicité intellectuelle qu'il entretenait avec René Girard ou avec Hergé, son " ami de vieillesse ".
Il l'évoque au travers de ses voyages, de ses rencontres, dans des chroniques aussi diverses que Japon, Vouvoiement ou Belgique. On dit souvent que l'on ne choisit pas sa famille, mais que l'on choisit ses amis. Vraiment ? Voici une réflexion jubilatoire sur l'un des piliers des sociétés humaines.