Littérature
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François Sentein raconte dans les Nouvelles minutes d'un libertin sa rencontre avec un improbable voleur de livres, en particulier d'éditions originales des classiques, surnommé Corneille. Avec Jean Genet, alias Corneille, se noue très vite une relation amicale, et Sentein discerne immédiatement les capacités littéraires d'un jeune malfrat qui n'a jusqu'alors rien publié. Il lira tout le premier théâtre, détruit depuis, de Genet, et assistera à la composition de Notre-Dame-des-Fleurs qu'il corrigera et ponctuera. Dans les quelques années qui précèdent sa gloire littéraire, Genet est comme l'on sait menacé de relégation, et c'est de prison qu'il s'adresse surtout à Sentein, seul à l'aider ou presque, prenant soin des moindres demandes d'un ami plutôt exigeant. Annotées par Claire Degans avec l'aide de François Sentein, ces lettres offrent pour la première fois une vision directe, et extrêmement émouvante, des débuts d'un des plus grands écrivains de notre siècle.
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À la fin des années 40, Antonio Pellizzari, directeur de la Scala, démissionne pour changer radicalement de vie : il transforme sa somptueuse villa en orphelinat, tâche à laquelle il se dévoue avec une apparente passion. Ce changement apparaît pour le moins inexplicable au narrateur qui connaît bien la nature égoïste et rusée d'un homme exclusivement dédié à ses propres plaisirs.Pellizzari justifie sa «conversion» par la rencontre, aussi touchante qu'invraisemblable, d'un enfant malade au cours d'un voyage en Italie - l'enfant mourra peu de temps après. Larmes et arguments du «père des orphelins» n'arrachent pourtant pas la conviction de son interlocuteur, qui ne voit dans le récit qu'un étrange mélange de douleur réelle et d'hypocrisie.Ce n'est qu'au moment de quitter la villa que le narrateur voit se découvrir à lui la vérité par un tour bizarre : il découvre sur le bureau de son ami des boutons de manchette identiques à ceux qu'on lui a volés quelques mois plus tôt...
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Découvrez Sept érotiques, le livre de Jacques Drillon. Tout est affaire de lieu : une cuisine, un couloir, une cage d'escalier, un bureau ne portent pas la même charge érotique, ne font pas naître les mêmes histoires. Sept pièces font sept atmosphères. Mais ces tons divers, ces formes littéraires diverses (dialogues, portraits, nouvelles, inventaires, lettres, récit dans le récit) sont moins des décors dissemblables pour une scène unique et toujours revécue qu'un point de vue renouvelé sur un rapport humain toujours changeant. Ils ont en commun d'opposer clairement le très sophistiqué et le très hard, et sont des objets littéraires d'autant plus obscènes dans la position que précieux dans le drapé. La visite de ces lieux est rythmée par des gravures érotiques de la Renaissance italienne d'Augustin Carrache (1557-1602), qui ont pour avantage, parce qu'elles réconcilient aussi le pornographique et l'académique, de tirer définitivement le texte du côté littéraire, d'effacer le moindre doute sur sa nature raffinée, mais sans rien lui ôter de son caractère troublant.
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Le train de l'espérance
Mario Soldati
- Gallimard
- Le Cabinet Des Lettres
- 21 Février 2008
- 9782070119226
Chargé par un journal d'effectuer un reportage, Mario Soldati monte à Turin à bord du Train Vert qui conduit malades, infirmières et prêtres à Lourdes. Après un premier élan d'agacement à la vue de tant de personnes évidemment charitables, il se décide à accomplir son devoir et à poursuivre le voyage entre bigots et infirmes. Périple qui nous vaut un portrait féroce de la bourgeoisie bien-pensante et qu'éclairent, seuls, quelques moments de grâce : une rencontre sur un quai de gare avec une séduisante Espagnole, la beauté de certains paysages, le son d'une guitare dans un bistrot. Dans une prose lumineuse, d'une grande poésie, Mario Soldati offre descriptions, réflexions et dialogues dignes d'un véritable roman dont la tonalité est à la perfidie mais aussi à la joie, et dans laquelle l'angoisse existentielle n'est jamais loin.
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Lettre à son père sur la mort d'Etienne de la Boétie
Michel de Montaigne
- Gallimard
- Le Cabinet Des Lettres
- 27 Avril 2012
- 9782070137992
Découvrez Lettre à son père sur la mort d'Etienne de La Boétie, le livre de Michel Montaigne. Le portrait que Montaigne a tracé de lui-même comprend bien des lacunes. Raisons politiques, scrupules, goût du secret, il a jugé nécessaire de rester muet sur certains épisodes, de voiler certains faits. La Saint-Barthélemy par exemple : il n'en souffle mot. Rien d'étonnant si, dans les Essais, on ne rencontre aucune représentation solide d'Etienne de La Boétie. Même le chapitre qui lui est consacré, De l'amitié, n'évoque qu'une silhouette. Pour remplir les blancs on pourrait imaginer des fictions, mais quels éléments choisir ? selon quels critères ? Mieux vaut s'en tenir aux documents, si minces soient-ils. En ce qui concerne La Boétie, ils sont plus que minces : infimes. Montaigne nous le révèle avec parcimonie. Seule la lettre qu'il adresse à son père l'expose dans sa présence effective. Cette lettre fut imprimée à Paris sept ans après la mort de l'ami. Mais quand, précisément, l'a-t-il écrite ? juste après la disparition d'Etienne ? Ou, l'ayant écrite alors, l'a-t-il retouchée ensuite ? Ou bien l'a-t-il écrite peu avant de la publier, voire dans l'intention de la publier ? Mystère. Cependant une chose est sûre : le 23 juillet 1570, Montaigne résigne sa charge de magistrat au parlement de Bordeaux. D'août à novembre, il consacre son loisir à la publication de quelques feuillets de La Boétie. L'air de l'époque est pesant : Montaigne renonce à publier le Discours de la servitude volontaire ainsi que certain Mémoire de nos troubles sur l'édit de janvier 1562. Cette absence symbolise parfaitement le peu de matière que La Boétie nous a laissé. Sauf dans la lettre sur sa mort. Un récit sans rhétorique où on ne le voit guère, mais où il parle. On lit. On souffre avec lui. On l'écoute. Et l'émotion nous emporte.
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Discours de la momie et de la licorne
Ambroise Paré
- Gallimard
- Le Cabinet Des Lettres
- 17 Novembre 2011
- 9782070136193
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Paru en 1910, le William Blake de Chesterton fait partie de la série de biographies littéraires qu'il consacra à des figures aussi diverses que Charles Dickens, Robert Browning ou Robert Louis Stevenson. Elle est l'une des premières au XXe siècle, après celle que lui dédia Gilchrist en 1863, à proposer une réévaluation de l'auteur des Chants d'innocence et d'expérience.
Au centre du livre se pose la question du génie - ou de la folie - de Blake, et le fait de savoir si sa supposée « maladie mentale » limite son oeuvre aux marges du bizarre ou si son excentricité n'est, au contraire, que l'à-côté d'une oeuvre singulière et unique (« Les critiques prétendent que ses visions étaient fausses parce qu'il était fou. Je dis, moi, qu'il était fou parce que ses visions étaient réelles. »).
Prenant appui sur l'intérêt de Blake pour Swedenborg et l'occultisme, Chesterton trace aussi le tableau d'un XVIIIe siècle secret et situe l'oeuvre picturale et mystique de Blake dans un contexte littéraire et artistique encore largement méconnu.
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S'inscrivant dans la suite de La réfutation majeure (2004) mais sur le mode de l'essai, Environs et mesures propose de comparer géographie réelle et géographie imaginaire. Les tentatives menées, d'un bout à l'autre de l'histoire, pour fixer sur une carte des lieux imaginaires font naître, sous la plume de Pierre Senges, un étonnant catalogue, écrit à la manière de Sir Thomas Browne ou de Robert Burton. Regroupant des catégories hétérogènes qui auraient ravi Borges (" paradis ", " enfer ", " lieux de l'Odyssée ", etc.), le texte s'attarde aussi sur quelques figures étonnantes : l'historien Victor Bérard qui passa vingt ans de sa vie, au tout début du siècle dernier, à chercher l'île de la nymphe Calypso, ou la dizaine de chercheurs qui tentèrent de localiser, sur une carte de l'Espagne, la " bourgade dont je ne veux pas me rappeler le nom ", évoquée par Cervantès au tout début de Don Quichotte. Au-delà du plaisir encyclopédique à énumérer noms de lieux exotiques et figures de géographes sérieusement cocasses, ce bref essai tente d'expliquer les raisons qui ont poussé tant de savants à assigner en un endroit précis des territoires de pure fiction; il montre comment l'imaginaire et le réel, le flou et la précision se prolongent l'un l'autre, nourrissant notre curiosité et notre émerveillement. Et ces explications ne sont pas là pour servir de leçon, mais au contraire pour inviter le lecteur à découvrir une autre forme de gai savoir, par le voyage ou par la lecture.
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Personnage historique, artiste, actrice ou simple compagne d'un homme illustre : d'Elisabeth 1?? à Virginia Woolf, de Dorothy Wordsworth à George Eliot, c'est toute la singularité de la femme anglaise, sa façon, discrète ou flamboyante, de trouver et d'affirmer sa voix, de ne rien céder de ses exigences propres ni de ses désirs qu'expose et varie la vingtaine de vies brèves qui composent ce livre. Il n'y manque sans doute que la biographie de l'auteur, car non contente d'être une poétesse reconnue et une militante du modernisme, Edith Sitwell construisit sa vie même comme une oeuvre et cultiva résolument un fascinant alibi de rebelle excentrique.
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« Dans les reculées provinces persistait, il y a peu, le néolithique, qui est un bref et tardif épisode de l'âge de pierre. Il n'était pas dit que le temps des grandes chasses était révolu. Les bêtes agissaient comme si le jeu continuait. Comment ne pas s'y prêter ? Voici quelques scènes prises sur le vif. » Pierre Bergounioux.
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28 paradis
Dominique Zehrfuss, Patrick Modiano
- Gallimard
- Le Cabinet Des Lettres
- 2 Novembre 2012
- 9782070139378
«Les Orientaux aimaient réduire le monde à l'infiniment petit, certains peintres japonais du XVIIIe siècle ont même réussi l'exploit de peindre un jardin sur un grain de riz. D'autres ont sculpté des scènes du Déluge sur des noyaux de cerise. Je ne pourrais prétendre à tant de virtuosité, mais j'ai toujours été attirée par les mondes infimes, au point de me constituer au fil des années un musée personnel du Minuscule.
Paradis, Enfers : quoi de plus impressionnant, gigantesque, de plus surhumain en même temps - à commencer par leur version littéraire, cette Divine Comédie, dont la lecture, il y a quelques années, m'a ouvert la voie à ces univers parallèles?
Un été où j'étais triste à Paris, je ne voyais pas d'issue à mon chagrin, sinon le rêve. Pour donner vie à ces rêveries, je commençai à dessiner des mondes minuscules, paradis terrestres, paradis perdus, où je m'imaginais avec celui que j'aime, où nous étions d'infimes particules d'un monde minéral et végétal, tels des feuilles, des étoiles, des grains de sable...
Oublions le Purgatoire, que j'imagine plutôt gris, mais que seraient mes paradis sans leurs enfers? Rome sans les sept collines, la Joconde sans son sourire?... Aussi n'avais-je d'autre choix, à un moment moins chagrin, que de donner vingt-huit enfers miniatures comme antipodes à mes paradis. Lorsqu'on se "fait tout petit", on peut disparaître, mais c'est peut-être pour mieux renaître dans un autre monde, un jardin d'Éden.» Dominique Zehrfuss.
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« J'ai longtemps hésité à publier ces pages de journal de mon séjour en U.R.S.S.
Tout d'abord la crainte de compromettre des amis, en me contraignant à de nombreuses coupures, édulcorait si fort mon texte que je doutais que l'on pût y prendre intérêt.
Enfin l'on trouverait là le reflet sans fard de mes impressions, de mon inquétude - et j'avais un extrême souci de ne rien livrer qui desservît l'Union soviétique au moment même où elle se préparait, peut-être, à triompher de ses erreurs. Cette illusion, que les communistes s'entendent à entretenir, je l'ai trop passionnément partagée pour m'étonner que certains de mes camarades continuent à s'en nourrir. »
Pierre Herbart.
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L'Inde prive, pour Giorgio Manganelli, tout visiteur de ses certitudes, de sa souveraineté et de ses repères. Ce pourquoi on ne peut que «faire l'expérience» de l'Inde, c'est-à-dire d'un soi désarmé, libre, affronté à cette «maison mère de l'absolu», à ce «seul lieu où il existe encore des dieux, mais comme délégués par un Dieu qui a sombré en lui-même et, simultanément, s'est réincarné en toute chose, lieu des temples et des lépreux, où le sourire du Bouddha et de Siva n'ont jamais été abolis, doux et impénétrables, extatiques et mortels».
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En 1636, Gracian rencontre Vicencio Juan de Lastanosa, influent érudit de Huesca dont l'amitié et le soutien à son égard ne se démentiront jamais. C'est à cette époque qu'il entreprend la rédaction du Héros, premier d'une série de traités dans lesquels les ressources de l'intelligence et du langage sont portées à leur plus haut degré d'analyse. Le pseudonyme de Lorenzo Gracian, sous lequel il publiera l'essentiel de son oeuvre afin de se dérober à la censure ecclésiastique, ne prête à aucune illusion, ni sur son identité véritable, ni sur les fondements de sa morale : pour vivre en ce monde, il s'agit moins de tromper autrui que de se détromper soi-même. Cherchant à épouser au plus près nuances et variations de l'original, Catherine Vasseur propose ici pour la première fois un véritable essai de traduction française du Héros.
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La toilette de la dame hebraique
Thomas De Quincey
- Gallimard
- Le Cabinet Des Lettres
- 3 Mars 1992
- 9782070725878
Infatigable lecteur des textes anciens, Thomas De Quincey passa une bonne partie de son existence à rêver un roman des origines, s'attardant sur les rites, codes, coutumes, bizarreries de la vie quotidienne dans l'Antiquité. C'est ainsi qu'à côté d'un essai sur l'art culinaire des Romains, ou sur la secte des Esséniens, vint prendre place La toilette de la dame hébraïque.Étrange blason de l'ornement, ce texte énumère, avec une précision passionnée, jusqu'au plus minime des atours dont pouvait se parer une ancienne habitante de Judée:des colliers de lunes et de soleils aux sandales de cuir et à une femme absente dans laquelle un De Quincey aussi érudit qu'imprévisible voit finalement se profiler les racines supposées d'un art et d'un style proprement hébraïques.
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La bile noire (mélainè cholè), l'une des quatre humeurs constitutives de notre corps selon la doctrine médicale antique, est aussi - comme le suggère l'étymologie - la substance génératrice de la mélancolie. De la bile noire, ici traduit pour la première fois en français et présenté en version bilingue, est le seul traité antique consacré à cette substance qui soit parvenu dans son intégralité jusqu'à nous. Son auteur, Galien, y met en lumière l'importance du débat qui entoura la bile noire durant l'Antiquité, tout en montrant l'enracinement physiologique de cette humeur. Humeur que la tradition médico-philosophique chargea d'effets psychologiques aussi variés que le génie ou la folie et qui inspira à R. Klibansky, F. Saxl et E. Panofsky leur célèbre Saturne et la mélancolie, première interprétation moderne de ce thème central de la culture antique.
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La pantomime, le cinéma muet, le cirque : ces trois spectacles sans paroles (mais pas toujours silencieux) sont loin d'être privés de sens, même si le visage, les gestes, le corps tout entier s'expriment en se passant de tout discours, ce qui dans le monde d'aujourd'hui est presque une forme de résistance. Ces trois arts si proches de l'enfance à proprement parler, puisqu'ils sont muets, proposent d'autre part un traité du style et de la composition, car l'impeccable enchaînement de leurs figures est un savant dosage d'audace et de rigueur, de mémoire et d'improvisation. Ce ne sont pas pour autant des refuges à l'abri des violences de l'histoire : sur la scène, l'écran ou la piste, la réalité fait parfois irruption comme un courant d'air déséquilibrant les funambules que nous sommes ou comme une bête fauve dévorant les dompteurs que nous prétendons être.
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«Sous l'un de ses portraits, Nerval a écrit de sa main : Je suis l'autre. Cette formule, qui n'est pas moins troublante que celle de Rimbaud, Je est un autre, est sans doute plus dangereuse pour son auteur, dont l'identité vacillante est un trait constant de son génie poétique, mais l'entraîne dans la folie. Cette façon de se confondre avec un autre, jamais le même en apparence, est d'ailleurs à l'origine d'El Desdichado, l'un des plus beaux poèmes de la langue française, dont la musique est celle d'un chant funèbre en même temps qu'une paradoxale affirmation de soi. Des Illuminés à Aurélia, en passant par Les Filles du feu, les poésies allemandes et Les Chimères, j'ai interrogé à mon tour un portrait de Nerval, le portrait changeant qu'il a laissé dans son oeuvre, et je l'ai complété par le témoignage d'un contemporain, si vraisemblable qu'il a le charme d'un propos saisi sur le vif, si peu connu qu'il a l'intérêt d'un inédit.» Gérard Macé.
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Le 14 septembre 1943, dans la gare de Rome, Soldati fait ses adieux à sa femme, Jucci, avec le sentiment de vivre un moment historique. Les Allemands étant maîtres de la ville, il est décidé à rejoindre les Américains, qui ont débarqué à Salerne. Dans le train, où s'entassent des femmes partant s'approvisionner à la campagne et surtout des militaires vêtus en civil qui rentrent chez eux après la débâcle, il fait la connaissance d'Agostino. Ce soldat originaire de Campanie devient son compagnon de voyage. Avec lui, il entreprend un périple singulier en train, puis à pied et enfin à bicyclette sur les routes d'une Italie dévastée par la guerre et la pauvreté. En chemin, ils rencontrent paysans, ouvriers, Allemands, fascistes, familles entières qui fuient, tandis que les bombardements font rage. Les deux hommes atteignent leur but, un village voisin de Naples, le 19 septembre, mais Soldati, malade, doit s'aliter. Neuf jours plus tard, il retrouve des amis antifascistes et, le 3 octobre, gagne Naples, libérée par les Américains, en leur compagnie. Ce récit, qui est un peu l'équivalent littéraire des grands films du néoréalisme italien (Rome, ville ouverte), est aussi une occasion pour Soldati de développer un thème marquant dans toute son oeuvre : la fuite, qui n'est pas chez lui synonyme de peur, mais bien de plaisir intellectuel et physique.
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Pages du journal de la reine Victoria
Reine Victoria
- Gallimard
- Le Cabinet Des Lettres
- 2 Octobre 2008
- 9782070122868
Tout au long de sa vie, la reine Victoria (1819-1901) a tenu un journal, sensiblement remanié et élagué après sa mort par sa fille cadette, la princesse Béatrice, soucieuse de bienséance. Les premières décennies du règne ont cependant été préservées, comme ces pages où Victoria évoque le séjour qu'elle effectue à Paris en 1855, à l'occasion de l'Exposition universelle. Celle qui n'est pas encore la vieille douairière grand-mère de l'Europe mais une jeune reine curieuse et pleine de vie décrit le Paris que remodèle Haussmann, relate les cérémonies et les réceptions données en son honneur, campe les personnages du second Empire qu'elle croise, révèle ses conversations avec Napoléon III et Eugénie, décrit les lieux où elle passe avec une attention portée au détail et une spontanéité pleines de charme. Ce texte, jusqu'à présent inédit en français, est aujourd'hui conservé dans les collections de la reine, à Windsor Castle. Il apporte des lumières originales sur un moment des relations franco-britanniques, l'histoire diplomatique et celle de Paris, la question du goût et la figure d'une reine qui a fasciné son siècle avant de subir l'ironie dévastatrice d'un Lytton Strachey et de se figer en une icône du conformisme puritain.
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Vie de Samuel Johnson
Giorgio Manganelli
- Gallimard
- Le Cabinet Des Lettres
- 18 Février 2010
- 9782070127511
Objet d'une monumentale biographie par James Boswell, devenue un classique des lettres anglaises, Samuel Johnson (1709-1784) se voit ici consacrer par Manganelli une fulgurante «brève vie», que l'on pourrait à juste titre considérer comme le pendant, ou le négatif, de celle de Boswell. «Biographie synthétique», évocation d'une Londres fascinante et sordide, ce livre offre aussi la peinture de ce sans quoi Johnson n'eût été lui-même : son cercle d'amis et suiveurs, Richard Savage, écrivain malheureux, déréglé et scélérat, Topham Beauclerk, libertin joyeux et irresponsable, et Boswell lui-même, «calque littéraire, écrit Manganelli, fidèle jusqu'à l'hallucination, de l'existence et de la façon d'être du Docteur». Mais le Johnson de Manganelli est autre chose encore : le premier héros d'une civilisation moderne, un monstre sacré, admiré pour son exigence, sa capacité de juger et de rassembler auditeurs et lecteurs par la seule vertu de sa bizarrerie et d'une conversation railleuse. Il est enfin et surtout un troublant alter ego de l'auteur d'Hilarotragoedia dans ses aspects les plus secrets : la mélancolie, l'hypocondrie, l'infélicité, auxquelles ne peuvent faire rempart que la lecture, l'exaltation de l'intelligence et la morale de la littérature.
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Charles d'orleans
Robert Louis Stevenson
- Gallimard
- Le Cabinet Des Lettres
- 5 Janvier 1993
- 9782070728763
Charles d'Orléans (1391-1465) fut un des premiers «captifs amoureux» qui aient hanté la littérature française, et l'aient émue de leurs plaintes. Né duc, neveu de roi, il eut à venger l'assassinat de son père, perpétré par Jean sans Peur. Ce délicat adolescent, poète-né, enterra la première partie de sa vie dans les combats de cette noire époque. En 1415, lors de la défaite d'Azincourt, il est fait prisonnier. Il passe vingt-cinq ans de sa vie dans les geôles anglaises ; là, il sombre dans la poésie comme d'autres dans l'alcool, confiant au parchemin ses amours mortes, sa liberté perdue, son pays déchiré. De retour à Blois, devenu sage, il s'abandonne à la contemplation du monde, dans une des poésies les plus exquises qui aient jamais été écrites.Cette courte étude en dit autant sur l'homme Charles que sur cette civilisation finissante, qui, comme une chenille, allait se métamorphoser en un papillon insouciant : la Renaissance.
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C'est dans le palais du Louvre que Racan rencontra Malherbe en octobre 1605. Racan avait seize ans et demi et s'essayait aux vers. Malherbe avait cinquante ans. Ils ne se quittèrent plus. En 1628, Malherbe mourut. En 1649, Gilles Ménage conçut le projet d'une édition des oeuvres de Malherbe que précéderait une «vie» du poète. Il fit naturellement appel à Racan. Celui-ci ne se fit pas prier. Il rassembla sans plan prémédité des notes sur la vie de Malherbe. Mais Ménage abandonna son projet. Cette édition est la première version intégrale du manuscrit conservé à la Bibliothèque nationale.
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«Pour fuir les Allemands et passer la ligne, maître W. se dirige vers les Abruzzes et trouve refuge dans un couvent. Il veut rejoindre les Alliés. Il a en poche une lettre d'introduction signée de la main de B. B., Bernard Berenson : peut-on rêver meilleure introduction ? En arrivant au couvent, il trouve le percussionniste Romualdi, déjà installé, qui se fait passer auprès des moines crédules pour un célèbre chef d'orchestre contraint à la clandestinité pour cause d'antifascisme. Romualdi est un homme mesquin, suffisant, hautain, plein de morgue dans sa ridicule veste verte portée comme un signe distinctif, comme un emblème. Il fait partie de ces hommes insignifiants, médiocres, pour lesquels il n'est rien de grand au-delà de leur propre médiocrité. Maître W. pourrait le démasquer, mais, pour une raison mystérieuse, faite de pitié et d'altruisme, de cynisme et de plaisir de la mystification et du jeu, il se laisse séduire par cette médiocrité.» Cesare Garboli.