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Gallimard
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"Trahir qui disparut, dans La disparition, ravirait au lisant subtil tout plaisir. Motus donc, sur l'inconnu noyau manquant - "un rond pas tout à fait clos finissant par un trait horizontal" - , blanc sillon damnatif où s'abîma un Anton Voyl, mais d'où surgit aussi la fiction. Disons, sans plus, qu'il a rapport à la vocalisation. L'aiguillon paraîtra à d'aucuns trop grammatical. Vain soupçon : contraint par son savant pari à moult combinaisons, allusions, substitutions ou circonclusions, jamais G.P. n'arracha au banal discours joyaux plus brillants ni si purs. Jamais plus fol alibi n'accoucha d'avatars si mirobolants. Oui, il fallait un grand art, un art hors du commun, pour fourbir tout un roman sans ça !"
Bernard Pingaud. -
"Il y a dans ce livre deux textes simplement alternés ; il pourrait presque sembler qu'ils n'ont rien en commun, mais ils sont pourtant inextricablement enchevêtrés, comme si aucun des deux ne pouvait exister seul, comme si de leur rencontre seule, de cette lumière lointaine qu'ils jettent l'un sur l'autre, pouvait se révéler ce qui n'est jamais tout à fait dit dans l'un, jamais tout à fait dit dans l'autre, mais seulement dans leur fragile intersection.
L'un de ces textes appartient tout entier à l'imaginaire : c'est un roman d'aventures, la reconstitution, arbitraire mais minutieuse, d'un fantasme enfantin évoquant une cité régie par l'idéal olympique. L'autre texte est une autobiographie : le récit fragmentaire d'une vie d'enfant pendant la guerre, un récit pauvre d'exploits et de souvenirs, fait de bribes éparses, d'absences, d'oublis, de doutes, d'hypothèses, d'anecdotes maigres. Le récit d'aventures, à côté, a quelque chose de grandiose, ou peut-être de suspect. Car il commence par raconter une histoire et, d'un seul coup, se lance dans une autre : dans cette rupture, cette cassure qui suspend le récit autour d'on ne sait quelle attente, se trouve le lieu initial d'où est sorti ce livre, ces points de suspension auxquels se sont accrochés les fils rompus de l'enfance et la trame de l'écriture."
Georges Perec. -
"Avec ces Nouvelles, écrites au cours des dix années qui ont précédé la guerre, la tentation de l'Orient est clairement avouée dans le décor, dans le style, dans l'esprit des textes. De la Chine à la Grèce, des Balkans au Japon, ces contes accompagnent le voyageur comme autant de clés pour une seule musique, venue d'ailleurs. Les surprenants sortilèges du peintre Wang-Fô, qui "aimait l'image des choses et non les choses elles-mêmes", font écho à l'amertume du vieux Cornélius Berg, "touchant les objets qu'il ne peignait plus".
Marko Kraliévitch, le Serbe sans peur qui sait tromper les Turcs et la mort aussi bien que les femmes, est frère du prince Genghi, sorti d'un roman japonais du XIe siècle, par l'égoïsme du séducteur aveugle à la passion vraie. L'amour sublime de Vania l'Albanaise ou le deuil sacrilège de la veuve Aphrodissia répondent au sacrifice de la déesse Kâli, "nénuphar de la perfection", à qui ses malheurs apprendront enfin "l'inanité du désir".
Légendes saisies en vol, fables ou apologues, ces Nouvelles orientales forment un édifice à part dans l'oeuvre de Marguerite Yourcenar, précieux comme une chapelle dans un vaste palais. Le réel s'y fait changeant, le rêve et le mythe y parlent un langage à chaque fois nouveau, et si le désir, la passion y brûlent souvent d'une ardeur brutale, presque inattendue, c'est peut-être qu'ils trouvent dans l'admirable économie de ces brefs récits le contraste idéal et nécessaire à leur soudain flamboiement."
Matthieu Galey -
Lily Bart, orpheline ruinée, cherche désespérément à faire un beau mariage pour assurer sa position sociale. Cependant, difficile de naviguer dans les courants traîtres d'un monde fondé sur les apparences. Tiraillée entre son éducation futile et ses idéaux de liberté, d'amour et de grandeur, Lily évolue jusqu'à l'inévitable au milieu des bals somptueux, des dîners extravagants. Détruite par le scandale, minée par des dilemmes moraux, elle devient le symbole d'une vie violentée.
À sa sortie en 1905, ce grand roman de moeurs a suscité la controverse mais a rencontré un succès immédiat.
Situé dans la haute société new-yorkaise du XIXe, où seule compte la richesse affichée, La maison de liesse explore l'impact des normes sociales sur le destin des femmes.
Dans cette nouvelle traduction, Edith Wharton est au sommet de son art, subtilement cynique et bouleversante. -
Dans un futur lointain, les humains vivent enfermés dans une cité de verre, la nature étant bannie derrière la Muraille Verte. Assujettis au bonheur obligatoire dicté par le tout-puissant Bienfaiteur, les hommes sont devenus de simples numéros à qui chaque écart peut coûter la vie. Les rêves et l'amour sont considérés comme des maladies mentales, l'activité sexuelle régulée par l'État Unique.
A-503, le constructeur du vaisseau spatial l'INTÉGRALE, tient un journal à la gloire de cet univers totalitaire. Grâce à sa rencontre avec I-330, une femme extravertie et rebelle, le héros redécouvre peu à peu l'essence de son âme. Autour, la révolution gronde...
Anti-utopie prophétique, Nous est considéré comme le premier chef-d'oeuvre de la science-fiction, celui qui inspirera 1984 à George Orwell et Le meilleur des mondes à Aldous Huxley. Cet ouvrage traverse le temps pour nous délivrer un message d'une puissance philosophique et politique inouïe.
Cette toute nouvelle traduction propose le texte complet établi d'après l'unique manuscrit d'auteur retrouvé à ce jour. Il est suivi de Seul, la première nouvelle du grand écrivain russe. -
"Marelle est une sorte de capitale, un de ces livres du XXe siècle auquel on retourne plus étonné encore que d'y être allé, comme à Venise. Ses personnages entre ciel et terre, exposés aux résonances des marées, ne labourent ni ne sèment ni ne vendangent : ils voyagent pour découvrir les extrémités du monde et ce monde étant notre vie c'est autour de nous qu'ils naviguent. Tout bouge dans son reflet romanesque, la fiction se change en quête, le roman en essai, un trait de sagesse zen en fou rire, le héros, Horacio Oliveira, en son double, Traveler, l'un à Paris, l'autre à Buenos Aires.
Le jazz, les amis, l'amour fou - d'une femme, la Sibylle, en une autre, la même, Talita -, la poésie sauveront-ils Oliveira de l'échec du monde ? Peut-être... car Marelle offre plusieurs entrées et sorties. Un mode d'emploi nous suggère de choisir entre une lecture suivie, "rouleau chinois" qui se déroulera devant nous, et une seconde, active, où en sautant de case en case nous accomplirons une autre circumnavigation extraordinaire. Le maître de ce jeu est Morelli, l'écrivain dont Julio Cortázar est le double. Il cherche à ne rien trahir en écrivant et c'est pourquoi il commence à délivrer la prose de ses vieillesses, à "désécrire" comme il dit. D'une jeunesse et d'une liberté inconnues, Marelle nous porte presque simultanément au paradis où on peut se reposer et en enfer où tout recommence."
Florence Delay -
Dans ce récit autobiographique, Gisèle Halimi écrit à son père tant aimé pour lui dire « ce qui n'a pas été dit ». Tout commence en Tunisie au pied de l'oranger. Tous les matins, la petite fille se cache pour jeter son café au lait dans les racines de l'arbre. Gisèle Halimi revient sur son enfance rebelle et ses combats précoces contre les stéréotypes de genre véhiculés par la religion et l'école. La haine de l'injustice chevillée au corps, Gisèle Halimi devient l'avocate la plus célèbre du XXe siècle. Actrice et témoin de notre époque, elle a secoué l'Histoire par des combats difficiles qui résonnent encore fortement aujourd'hui. De la guerre d'Algérie à la reconnaissance du viol comme crime, en passant par le procès de Bobigny et la bataille pour la légalisation de l'avortement, tout en côtoyant Mitterrand, Simone Veil, Bourguiba ou encore Camus, Sartre et Beauvoir, elle retrace ici son parcours hors du commun.
Julie Gayet offre une lecture poignante de ce texte emblématique, miroir émouvant tendu à la société du XXe siècle. -
"Tu as craint longtemps que les baisers, même parcimonieux, que tu te résolvais toujours difficilement à leur donner, fussent des douceurs empoisonnées, ne continssent de la mort, une mort invisible que tu aurais inoculée sciemment."
Alors que l'épidémie de sida fait des ravages, Christophe Bourdin apprend sa séropositivité. Il n'a pas encore trente ans. Étudiant en lettres, bientôt professeur, il est habité par le désir d'écrire.
Dans le roman et les pages du journal, il raconte la crainte de la maladie, puis la maladie elle-même. L'auteur s'y donne tout entier, sans rien cacher. Le livre, l'un des premiers grands textes littéraires sur le sida, forme une prouesse d'écriture inouïe, dont la structure épouse le cours du temps. Celui des hypocondries, d'une vie qui bascule l'air de rien. Celui de l'agonie, racontée sans détourner le regard. Et le "temps du rêve", pourtant sans futur.
Dans la veine d'Hervé Guibert, le texte est à la fois récit d'apprentissage, vision d'une souffrance qui arrache le coeur et souvenir d'une mémoire commune. -
"Le 10 octobre suivant, nous nous embarquions sur l'Impossible. Nous étions huit, on s'en souvient. [...] Il avait été convenu entre nous que nous ne dirions pas, dans nos entourages, le but exact de notre expédition ; car, ou bien on nous aurait jugés insensés, ou, plus probablement, on aurait cru que nous racontions des histoires pour dissimuler le vrai but de notre entreprise, sur lequel on aurait toutes sortes de suppositions. Nous avions annoncé que nous allions explorer quelques îles de l'Océanie, les montagnes de Bornéo et les Alpes australiennes. Chacun avait pris ses dispositions pour une longue absence d'Europe."
L'auteur fait le pari que les mythologies disent vrai. Il existerait un centre originel du monde, un mont sacré qui ouvrirait une possibilité de communication avec l'au-delà.
Réunissant une expédition pour découvrir ce Mont Analogue resté jusqu'alors inaccessible au commun des mortels, René Daumal fait le récit vertigineux de cette escalade en forme de quête. -
Pensé comme un roman de formation et d'émancipation, l'ouvrage retrace l'itinéraire amoureux de Thérèse, l'alter ego de Violette Leduc, de l'adolescence à la maturité. Thérèse aime Isabelle, puis Cécile, puis Cécile et Marc, puis Marc.
Jugé obscène, Ravages est censuré en 1955. Le livre paraît amputé des cent cinquante premières pages (Thérèse et Isabelle) et de plusieurs passages clés (les scènes du taxi, de la chambre d'hôtel et de l'avortement final). "C'est un assassinat" pour Violette Leduc. La censure déséquilibre l'ouvrage et en modifie la portée. Ravages est un roman mort-né.
Aujourd'hui, pour la première fois, Thérèse et Isabelle retrouve Ravages. L'Imaginaire propose une édition hors-série annotée et augmentée des passages censurés, repérés à l'encre violette. L'occasion unique de redécouvrir le roman subtil et engagé d'une pionnière féministe. -
La tour d'amour, un des plus célèbres romans de Rachilde, met en scène le huis clos oppressant de deux hommes isolés dans le phare d'Ar-Men.
Comme des prisonniers, Mathurin Barnabas et le jeune Jean Maleux luttent contre les vagues déchaînées et entretiennent les feux pour guider les navires au large d'Ouessant. Tout autour, la mer gronde. Un jour, alors que des marins viennent de s'échouer sur les côtes, Maleux découvre la morbide passion que nourrit Barnabas...
Conte caustique, romantique et tourmenté, La tour d'amour nous précipite dans un cauchemar qui fait se rencontrer la cruauté de la mer et celle des hommes. Terrible et puissant, le livre brûle d'une beauté noire et crée le scandale dès 1899. Chef-d'oeuvre de la littérature fin-de-siècle, il marie symbolisme et naturalisme, tout en révélant la face obscure de la Belle Époque. -
Les héroïnes de ces cinq nouvelles semblent avancer à tâtons, hésitant entre parole et silence, caressant un langage qui étouffe autant qu'il délivre. Si les mots sont des masques et de frêles passerelles, si la conversation se fait mouvement désarticulé, faut-il alors croire à l'ellipse pour se rapprocher de soi-même ?
Pauline, Geneviève, Julie, Stéphanie et Valentine, les héroïnes des Mots de hasard, peinent à se rencontrer dans l'ordinaire de la vie, comme si une mince membrane les éloignait du monde, toutes entraînées cependant par un élan qui les porte vers l'Autre. Un quotidien fait d'amour anxieux, de pur désir, d'une mélancolie en points de suspension.
Délicat, le livre mêle rêve et réalisme dans une langue sensible et libre. Avec ce recueil, son premier, Mireille Best atteint sa vérité. "Simplement le nom donné à ce qu'on cherche et qui se dérobe sans cesse", comme l'écrit Annie Ernaux, qui a longtemps correspondu avec cette autrice injustement oubliée. -
"Un lac est le trait le plus beau et le plus expressif du paysage. C'est l'oeil de la terre, où le spectateur, en y plongeant le sien, sonde la profondeur de sa propre nature."
Au XIXe siècle, en plein coeur des États-Unis, le jeune Henry David Thoreau décide de tourner le dos à la civilisation et s'installe seul, loin de tout, dans une cabane qu'il construit lui-même au bord de l'étang de Walden. Il ne doit alors sa vie qu'au travail de ses mains.
C'est au beau milieu des bois qu'il commence à écrire Walden, monument de la littérature américaine, hymne épicurien à la nature, à la vie frugale, aux relations authentiques, aux saisons, aux plantes et aux bêtes.
Récit de deux années vécues loin de la civilisation, traité philosophique intemporel, précis d'écologie politique, roman du retour à la nature, hymne à l'anticonformisme, ce livre culte nous invite à vivre des vies pleines de sens. -
Fin XIXe. La jeune Joan Ogden vit dans une petite ville anglaise étouffante. Sa mère, soumise à un mari tyrannique, voue à sa fille un amour excessif. L'arrivée d'Elizabeth, une gouvernante, vient illuminer leur quotidien. Elizabeth croit en Joan, l'aime et dessine son avenir. Ensemble elles luttent pour des droits qui restent encore à conquérir : étudier, travailler, vivre dans l'indépendance. Elizabeth devient sa compagne mais, écartelée sans cesse entre ses sentiments et son devoir dans un triangle amoureux dérangeant, Joan doit faire face à sa mère pour gagner sa liberté.
Deuxième ouvrage publié par l'autrice, La flamme vaincue est en réalité le premier que Radclyffe Hall a écrit. Vaste roman psychologique, étude poignante et philosophique sur l'émancipation, il dit la difficulté d'assumer ses choix. Les passions tristes guettent et, si l'on n'y prend garde, peuvent l'emporter sur le désir de vivre.
L'autrice propose ici toute une réflexion sur la condition de la femme; en cela, La flamme vaincue préfigure Le puits de solitude. -
États-Unis. Années 1960. Bettina Munvies Balser, femme au foyer de trente-six ans et mère de deux filles, décide un matin de tenir un journal pour tenter d'y voir plus clair dans sa vie.
Pendant six mois, au fil d'une écriture qu'elle dissimule à son entourage, nous entrons dans l'intimité la plus crue de cette "ménagère" au bord de la dépression. Mariée depuis dix ans à Jonathan, avocat et producteur de théâtre, elle voit son mariage se déliter peu à peu.
Bettina éprouve le besoin de se raconter, de s'éprouver par les mots. Avec une sincérité bouleversante, du cynisme et beaucoup d'humour, elle dévoile impudemment ses névroses. Si le récit est mené depuis le point de vue de la narratrice, le roman déborde vite de la chronique d'une trajectoire personnelle. Sue Kaufman dénonce ici les violences symboliques que subissent les femmes de la classe moyenne. Elle explore, avec une repartie rugueuse, la "folie" d'un être qui perd pied dans une société américaine paternaliste. -
Fruit d'une correspondance entretenue de l'été 1980 à l'hiver 1991 avec Jean-Luc Hennig - journaliste et écrivain -, La Passe imaginaire dresse un autoportrait singulier de Grisélidis Réal, écrivaine et prostituée.
À travers une écriture engagée et vivante, l'autrice raconte ses jours, ses nuits, ses clients, ses amants imaginaires, ses rêveries, ses coups de gueule, ses révoltes contre Dieu, ses verres de royal-kadir, ses usures.
Alternant poésie, hyperréalisme documentaire et onirisme, ces lettres révèlent celle qui se nommait "la catin révolutionnaire", une grande amoureuse, une militante passionnée, épicurienne et libertaire.
Loin du misérabilisme et du sentiment de honte, Grisélidis Réal donne ici à la prostitution une portée puissante : celle d'un combat à la fois individuel et collectif pour changer la société tout entière. Publiée pour la première fois en 1992, cette oeuvre maîtresse de l'autrice reste aujourd'hui cruciale dans le combat pour les droits des travailleuses du sexe et au sein de la littérature féministe. -
Préfaces de Simone Fattal et Laure Adler.
Dans un Liban mutilé où des groupes identitaires combattent sans relâche se noue le destin de Sitt Marie-Rose, une femme chrétienne qui essaie de vivre et de lutter. Alors que la guerre civile éclate, Beyrouth prend la forme d'un champ de bataille. Violence et mort se répandent et Sitt Marie-Rose, malgré sa religion, continue de tendre la main aux Palestiniens. Devenue une traîtresse aux yeux de ses amis, elle voit se dessiner sa propre tragédie.
Porté par une écriture poétique et poignante, ce récit à sept voix nous projette en plein coeur d'un Beyrouth balafré, aux côtés d'un peuple que d'autres ont choisi de diviser. Portrait nuancé d'une héroïne courageuse et authentique, cet ouvrage raconte la guerre, l'Histoire et interroge notre rapport à autrui. Traversée de couleurs, de lumière et de grâce, la voix d'Etel Adnan offre une meilleure compréhension de l'âme humaine. -
"QUICHOTTE : Considère bien, Panza, que ce qu'ils appellent folie, moi je l'appelle réalité."
Détournement fantasque, féministe et poétique de Don Quichotte, Le voyage sans fin offre une nouvelle lecture du roman de Cervantès. Ici, Quichotte est une femme chevalier errant, passionnée de livres et d'écriture, en quête de justice et de liberté. Accompagnée de son écuyère, Panza, elle traverse nombre de péripéties et imagine un nouveau monde.
Flanquée de ces deux "guerrillères", Wittig trouve une nouvelle occasion de déjouer les marques du genre et d'éclater les conventions. Elle nous offre dans cette courte pièce une expérience hybride, entre théâtre, cinéma et geste d'écriture : une profonde aventure politique.
Représenté pour la première fois en 1985 au Théâtre du Rond-Point, coréalisé avec Sande Zeig, Le voyage sans fin avait alors été publié dans le supplément de la revue féministe Vlasta. "L'Imaginaire" souhaite aujourd'hui donner l'occasion aux lecteurs de redécouvrir ce texte d'avant-garde hors du commun. -
La fée cinéma : autobiographie d'une pionnière
Alice Guy
- Gallimard
- L'Imaginaire
- 16 Juin 2022
- 9782072960796
La Fée-Cinéma est le récit autobiographique d'Alice Guy : première femme cinéaste du monde.
Écrire vite. Raconter son enfance, d'abord : la jeune Alice est élevée entre le Chili, la Suisse et la France. Puis le pensionnat et la vie à Paris. Suivent des études de sténographie, avant qu'elle ne devienne en 1895 la secrétaire de Léon Gaumont au Comptoir général de Photographie. C'est à la suite de la première projection du cinématographe des frères Lumière qu'Alice a l'idée de tourner de courtes fictions pour soutenir la vente des caméras Gaumont.
Déjà "mordue par le démon du cinéma", elle n'a qu'une obsession : raconter des histoires en réalisant ses propres films, dont le plus célèbre, La Fée aux choux, considéré comme le premier film de fiction...
Longtemps effacée de l'Histoire, Alice Guy décrit ici avec précision les débuts du cinéma, la magie des accidents, des expérimentations et autres bouts de ficelle. Sans détour et sans romance, d'une écriture intime et urgente, elle dit la beauté du 7e art qu'elle a "aidé à mettre au monde" ; elle se réhabilite.
Elle meurt en 1968 et ses Mémoires, pourtant achevés en 1953, ne seront publiés qu'en 1976. -
Van Gogh, le suicidé de la société
Antonin Artaud
- Gallimard
- L'Imaginaire
- 17 Juillet 2024
- 9782072272073
"Je vois à l'heure où j'écris ces lignes, le visage rouge sanglant du peintre venir à moi, dans une muraille de tournesols éventrés, dans un formidable embrasement d'escarbilles d'hyacinthe opaque et d'herbages de lapis-lazuli.
Tout cela, au milieu d'un bombardement comme météorique d'atomes qui se feraient voir grain à grain, preuve que Van Gogh a pensé ses toiles comme un peintre, certes, et uniquement comme un peintre, mais qui serait, par le fait même, un formidable musicien."
Dans Van Gogh le suicidé de la société, publié en 1947, quelques mois avant sa mort, Antonin Artaud rend au peintre un éblouissant hommage. Non, Van Gogh n'était pas fou, martèle-t-il, ou alors il l'était au sens de cette authentique aliénation dont la société et les psychiatres ne veulent rien savoir. -
"Ils parlent. Ils tapent sur la table. Ils reniflent. Ils se grattent dans les poils. Ils se grattent la tête. Ils se renversent sur leurs chaises. Ils mettent leurs pouces dans leurs bretelles. Ils font semblant, mais ils ne sont pas bien. Ils griffent de l'ongle le bois de la table. Ils parlent. Ils se comprennent. Et pourtant, c'est quoi 14, c'est quoi l'Armistice, c'est quoi Daladier, c'est quoi les Boches, c'est quoi Hitler, c'est quoi la politique, c'est quoi le Taureau du Vaucluse, c'est quoi Chamberlain, c'est quoi le pape, c'est quoi la guerre ?
- C'est quoi, la guerre ?
- Occupe-toi de ta soupe. Mange."
Pendant l'Occupation, Louis Calaferte a onze ans. Il raconte la guerre telle que la vit un enfant, au jour le jour. Lorsque l'on sort à peine de l'enfance, comment comprendre ce que sont l'exode, la Gestapo, les trahisons, la déportation, les arrestations, le marché noir ? Peut-être faut-il simplement écrire les choses comme elles viennent sans laisser passer aucun détail.
Sans temps mort, dans une langue incisive, Calaferte a écrit un récit de guerre dont on ne ressort pas indemne. -
CLÉO : J'en étais sûre. C'est grave, n'est-ce pas ?
IRMA : Oui, c'est grave, mais il ne faut rien exagérer.
Tirez encore une carte. Il faut réfléchir, il faut voir.
Cléo tourne une carte. C'est le Squelette.
Cléo, une chanteuse à qui l'on suspecte un cancer, appréhende les résultats de ses analyses médicales. Au cours d'une attente interminable, vécue minute après minute, l'héroïne déambule dans le Paris des années 60. De la rue de Rivoli au Dôme, de Vavin au parc Montsouris, Cléo considère le monde qui l'entoure d'un oeil nouveau. Tic, tac, une tension subtile et précise grandit peu à peu. On vit l'errance angoissée du personnage en temps faussement réel, de 5 à 7, jusqu'au verdict.
Publié dans la collection "Blanche" en 1962, le scénario d'Agnès Varda va bien au-delà du document de travail. Poétique et fantasque, il interroge l'inexorabilité du temps qui passe.c
Illustré par des photogrammes restaurés d'un des films les plus célèbres de la Nouvelle Vague, le deuxième d'Agnès Varda, ce livre raconte l'histoire d'une époque libre et inquiète. -
"Je ne me lasse pas du même menu : tomates fraîches, charcuterie, vache qui rit, pêche, chocolat menier, citron pressé ou bien vin rouge selon ma tempérance ou mon intempérance. Mon dos à midi cherche un double dans un fossé, contre un poteau télégraphique, contre une meule, contre un cabanon. Il est sept heures du soir au mois de juillet dans les campagnes. Je m'arrête, je demande à ma mort qu'elle me prenne en été à la même heure, lorsque la lumière a mûri, lorsque dehors est une douce véranda. Que je meure lorsque l'aboiement du chien de l'infini baisse d'un ton, que je meure après le sursaut : le cliquetis au coeur des soucoupes du café où je vous ai attendue, Madame..."
Sur les conseils de Simone de Beauvoir, Violette Leduc décide de parcourir la Provence en sac à dos. Trésors à prendre est le fruit de cette aventure : un authentique journal de voyage, qui décrit les endroits qu'elle traverse, ses rencontres fortuites, ses réflexions, ses flâneries et mésaventures qui lui permettent de se rapprocher d'elle-même. Ici Violette Leduc nous offre une écriture en mouvement, qui cherche son équilibre ; toujours à la conquête des mots.
Écriture sensible et sensuelle qui éveille nos sens le long d'un chemin parcouru ensemble. -
Et c'est vers la fin de ces deux années passées dans la chirurgie qu'il écrivit, avec cette pointe de hargne par laquelle se caractérise déjà sa plume impatiente : Tout ce qui se fait ici me paraît bien inutile, les décès se succèdent avec simplicité. On continue à opérer, cependant, sans chercher à savoir vraiment pourquoi tel malade succombe plutôt qu'un autre dans des cas identiques.
Et parcourant ces lignes on peut dire que c'est fait !
Que son panthéisme est enterré. Qu'il entre en révolte, qu'il est sur le chemin de la lumière ! Rien désormais ne l'arrêtera plus. Il ne sait pas encore par quel côté il va entreprendre une réforme grandiose de cette chirurgie maudite, mais il est l'homme de cette mission, il le sent, et le plus fort est qu'un peu plus, c'était vrai. Après un brillant concours, il est nommé maître en chirurgie le 26 novembre 1846.
Louis-Ferdinand Céline.