- Vous êtes le degré zéro de l'évolution ! trancha Filipp Filippovitch. Une créature en formation, à l'intellect sous-développé, aux comportements bestiaux ! Et, avec une odieuse impertinence, vous prétendez donner à des universitaires des leçons d'ordre cosmique, d'une bêtise encore plus cosmique, sur le partage ! Alors que vous en êtes encore à manger du dentifrice !
- Et ce pas plus tard qu'avant-hier, précisa Bormenthal.
Coeur de chien est l'un des six romans laissés par Mikhaïl Boulgakov (1891-1940). Farce anticommuniste virulente teintée de fantastique, le texte valut à son auteur de sérieux ennuis avec la censure, et ne parut en U.R.S.S. que plusieurs décennies après sa mort.
Aux commandes d'un petit vapeur, le capitaine Davidson parcourt les recoins les plus obscurs de l'archipel malais, qu'il connait mieux que personne. Réputé pour son intégrité et sa gentillesse, il se voit un jour confier une tournée des plus petits établissements de l'île de Célèbes, pour y collecter de vieux dollars d'argent qui doivent bientôt cesser d'avoir cours.
Une mission parfaitement ordinaire, que l'intervention d'un Français sans mains, flanqué de trois acolytes peu recommandables, va transformer en aventure dangereuse...
Figure incontournable du Paris littéraire de l'entre-deux-guerres, compagne de Sylvia Beach et proche amie de James Joyce, Adrienne Monnier fut également l'auteur de plusieurs brèves nouvelles, dont Vierges folles est sans doute la plus marquante. Chronique de l'existence farouchement indépendante d'une petite bande de jeunes femmes, Vierges folles nous donne à voir la pauvreté, les amours malheureuses, les espoirs déçus - toujours vaincus par une irrépressible envie de vivre.
Frank Saltram est un des plus brillants orateurs que l'Angleterre ait connu ; bien lancé, il peut tenir en haleine n'importe quel auditoire, sur n'importe quel sujet. A ses qualités, il joint malheureusement de nombreuses tares: il est mauvais mari, mauvais père, porté sur la boisson, et plus généralement indigne de toute confiance. Quand son talent est découvert par une petite coterie appartenant à la meilleure société londonienne, débutent les vraies difficultés : comment protéger cet oiseau rare de ses propres défauts, et comment le faire accéder à la notoriété qu'il mérite ? Le chemin de croix de ses bienfaiteurs sera long, et mènera certains d'entre eux bien plus loin qu'ils ne l'auraient souhaité... Paru en 1894, Le Fonds Coxon est l'une des plus célèbres nouvelles d'Henry James (1843-1915), ici dans une nouvelle traduction.
Inédit en français, le Portrait de Monsieur Podjabrine fait le récit des tribulations d'un séducteur infatigable. Epicurien de pacotille, Monsieur Podjabrine est d'une vanité et d'une superficialité qui le rendent presque touchant. Difficile de savoir s'il prend plus de plaisir à triompher auprès de demoiselles rarement farouches, qu'à narrer ses exploits à ses amis : reste qu'aucune de ces jouissances ne lui évite d'être proie autant que chasseur. Avec drôlerie et vivacité, Gontcharov, dix ans avant son chef-d'oeuvre Oblomov, dépeint le Saint-Pétersbourg des oisifs, des viveurs et des petits rentiers. Lucide, caustique, il s'abstient de toute complaisance, sans jamais céder à la tentation de moraliser.
Qu'il s'agisse des démêlés d'un trafiquant d'opium avec la prostituée dont il est amoureux, de la misère d'un orphelin à Téhéran ou des mesquineries sordides d'une mère maquerelle, le regard que pose Sadegh Tchoubak sur l'Iran de son époque conserve la même acuité et la même finesse.
Les trois nouvelles qui composent le présent recueil, écrites dans les années 1940, sont le portrait des bas-fonds d'un pays disparu. Religion et bigoterie sont partout, des salles de classe aux quartiers de prostitution, mais elles s'accommodent de moeurs très libres et, sans surprise, d'une violence impitoyable envers les faibles, les démunis - tous ceux pour qui la survie est une lutte chaque jour recommencée.
Romancier, nouvelliste et traducteur, Sadegh Tchoubak (1916-1998) fut une des figures marquantes de la vie littéraire iranienne du XXe siècle.
Bûcheron d'une trentaine d'années, Guglielmo vient de perdre sa jeune épouse, mère de ses deux petites filles. Après avoir confié ses enfants à sa soeur, il achète à bon prix le droit de faire une coupe dans la forêt d'une lointaine vallée de montagne. Lui et l'équipe qu'il a recrutée ont devant eux plusieurs mois de labeur, qui les tiendront éloignés de leur foyer durant l'automne et l'hiver.
Pendant ces saisons que lui et ses hommes passeront isolés du reste du monde, Guglielmo va peu à peu découvrir, avec une gravité muette, l'étendue du courage et de la résignation qui lui seront nécessaires pour faire face au deuil qu'il doit porter.
Superbement traduit par Philippe Jaccottet, La Coupe de bois est sans doute l'un des textes les plus marquants de Carlo Cassola (1917-1987).
Né serf dans une petite ville de la Russie profonde, Ilya Charonov s'avère dès l'adolescence un peintre exceptionnel : son ardeur au travail, sa piété et ses prédispositions sont telles que son seigneur l'envoie faire son apprentissage à Rome. De retour en Russie après plusieurs années, Ilya trouve son seigneur marié à une jeune femme d'une beauté sans pareille, qui semble la seule à même de comprendre la portée de son talent. Il naît entre eux une passion contre laquelle il serait surhumain de lutter, et pourtant sans issue...
À l'âge de 14 ans, Panaït Istrati, orphelin de père, est contraint de s'employer comme apprenti dans les docks de Braïla, sa ville natale, en Roumanie. Il y découvre l'égoïsme et la froideur de la classe dirigeante, mais aussi la férocité des travailleurs les uns envers les autres.
Écrit à l'époque de la grande désillusion que vécut Istrati après avoir visité l'URSS à la fin des années 20, Dans les docks de Braïla évoque l'espoir d'un changement, mais fait aussi le constat lucide de l'ignorance, du désespoir, d'un amoralisme calqué sur celui d'une élite corrompue.
Par une belle soirée d'été, un terrible incendie éclate chez le bon docteur Trescott, dans une petite ville de l'État de New York. Le feu prend au piège le jeune fils du docteur, mais Henry Johnson, le palefrenier noir de la maison, se rue courageusement dans le brasier et parvient à sauver le petit garçon. Son héroïsme lui coûtera cher: Johnson reste atrocement défiguré et à demi fou. Dans la petite ville, très vite, le héros d'hier n'est plus considéré que comme un monstre... Stephen Crane (1871-1900) est l'un des très grands écrivains de langue anglaise. Ami de Joseph Conrad et d'Henry James, il se fait un nom en publiant La Conquête du courage, en 1895. Épuisé par son métier de correspondant de guerre, il meurt de la tuberculose sans même avoir atteint sa trentième année.
Le Chevalier et la Mort est l'un des derniers écrits publiés par Leonardo Sciascia (1921-1989). Rédigé alors qu'il se sait atteint d'une maladie incurable, ce roman ironique et érudit, forme de testament littéraire, met en scène l'un de ces policiers lettrés et blasés, sorte de double de l'écrivain, que l'on retrouve souvent dans son oeuvre.
Une dernière fois, son personnage tente d'affronter l'hydre mafieuse, insaisissable, invisible et partout présente, contre laquelle Sciascia aura lutté aussi bien comme auteur que comme homme public.
Roman crépusculaire, d'une élégance et d'une humanité rares, Le Chevalier et la mort compte parmi les grands textes de Sciascia.
En 1790, Xavier de Maistre, jeune officier, est condamné à quarante-deux jours d'arrêts pour s'être battu en duel avec un camarade de régiment. Par indulgence particulière, on lui permet de purger cette peine à son domicile, et non dans une prison militaire : ainsi débute l'écriture du Voyage autour de ma chambre. Ce n'est qu'en 1794 que Xavier de Maistre en achève la rédaction. Succès immédiat, le texte connaît d'incessantes rééditions, au point que son auteur se décide à lui donner une suite, l'Expédition nocturne autour de ma chambre, écrite de 1799 à...
1825. Le ton a changé, se teintant de mélancolie : tandis que le Voyage est une parfaite incarnation de l'esprit et de la verve des salons du XVIIIe siècle à leur crépuscule, l'Expédition, elle, est placée sous le signe du romantisme naissant. Le premier des deux textes est le plus célèbre, mais Stendhal préférait le second - les lecteurs en jugeront !
Le Plaidoyer d'un fou est le récit de l'échec terrible d'un mariage.
Nuée d'oiseaux blancs est écrit entre 1949 et 1952, dans un pays en pleine reconstruction, par un auteur déjà considéré comme l'un des plus grands romanciers japonais de son temps. Le héros est un trentenaire, fils unique ayant perdu ses parents. Célibataire, jouissant d'une fortune confortable, il ne sait pas bien quelle direction sa vie est en train de prendre. Il appartient à une génération qui a garndi sous les bombardements et ne sait plus que faire du legs esthétique et philosophique du Japon ancien. De la façon la plus inattendue, il se trouvera confronté à un dangereux héritage spirituel, sentimental et amoureux. Traduction d'Armel Guerne et de Bunkichi Fujimori
À côté d'un livre comme Les Fleurs du mal, comme l'oeuvre immense d'Hugo paraît molle, vague, sans accent ! Hugo n'a cessé de parler de la mort, mais avec le détachement d'un gros mangeur, et d'un grand jouisseur. Peut-être, hélas ! faut-il contenir la mort prochaine en soi, être menacé d'aphasie comme Baudelaire, pour avoir cette lucidité dans la souffrance véritable, ces accents religieux dans les pièces sataniques :
Il faut que le gibier paye le vieux chasseur..
Avez-vous donc pu croire, hypocrites surpris, Qu'on se moque du maître et qu'avec lui l'on triche, Et qu'il soit naturel de recevoir deux prix, D'aller au Ciel et d'être riche ?
Peu de temps avant la parution d'En ménage, Huysmans écrivait à son ami Théodore Hannon (lettre du 10 février 1881) : Je suis très inquiet avec mon damné volume. Il est si différent, si bizarre, si intimiste, si loin de toutes les idées de Zola, que je ne sais vraiment si je ne vais pas faire un vrai four. C'est du naturalisme assez neuf, je crois. Mais dame, le terre à terre de la vie et le dégoût de l'humaine existence ne seront peut-être que peu goûtés par ce sacré public. Enfin c'est poivré en diable et ça attaque tout ce qui est respectable, donc j'ai des atouts.
En ménage divisa la critique et resta l'un des romans préférés de son auteur.
Pour quelles raisons les habitués des cafés parisiens s'entêtent-ils à consommer dans un lieu public des alcools de qualité moindre et de prix plus élevé que ceux qu'ils pourraient savourer dans le confort de leur salon ? À quelle « hantise du lieu public » ce besoin peut-il correspondre ?
On trouve dans les cafés des bavards en mal d'interlocuteurs aussi bien que des taciturnes en quête de tranquillité ; des joueurs, des ivrognes, des filous - et, invariablement, quelques phénomènes. C'est à cette sociologie que Huysmans s'attaque, avec la minutie et l'acidité qu'on lui connaît.
Le présent recueil comprend quatre textes de Huysmans consacrés aux cafés, brasseries et autres cabarets : Les Habitués de café, Le Buffet des gares, Une goguette et Le Point-du-Jour.
En 1787, à Vienne, Mozart est en butte à d'incessantes intrigues qui ont empêché le succès des Noces de Figaro. La première de son nouvel opéra, Don Juan, doit avoir lieu à Prague, où il peut compter sur un meilleur accueil. Accompagné de son épouse Constance, il se voit en chemin offrir l'hospitalité par une famille d'aristocrates, qui célèbrent les fiançailles d'une des leurs. Dans la joyeuse intimité qui se crée en cette occasion imprévue, Mozart présente son Don Juan à venir, évoque sa genèse - et c'est toute sa personnalité, radieuse, souriante, si vivante mais imperceptiblement assombrie de pressentiments funestes qui se montre à nos yeux.
Publié en 1855, Le Voyage de Mozart à Prague est considéré comme la plus belle réussite en prose d'Eduard Mörike (1804-1875).
En 1821, quand paraissent les Confessions d'un mangeur d'opium, De Quincey est âgé de trente-six ans et sa réputation d'homme de lettres n'est plus à faire. Il consomme de l'opium depuis quinze ans ; père de plusieurs enfants, il est très lourdement endetté.
Ecrites en quelques semaines dans un appartement londonien où il se dissimule pour échapper à ses créanciers, les Confessions sont d'abord pour lui un moyen de s'assurer un succs de librairie. Elles resteront le plus grand texte qu'il ait jamais écrit, l'un des plus touchants, plongée introspective sans équivalent dans la littérature de son époque.
Au tout début du XXe siècle, la célèbre et richissime cantatrice Cressida Garnet annonce son quatrième mariage avec Jerome Brown, un homme d'affaires bien plus jeune qu'elle, mondain accompli mais sans fortune.
Grande dame à la générosité inépuisable et travailleuse acharnée, elle n'a jusque-là pas été fort heureuse en amour, et se trouve de surcroît affligée d'une nombreuse famille sans moyens ni scrupules. Cette nouvelle union fait vraisemblablement courir un risque à la « mine de diamants » qu'elle est devenue pour la cohorte de ses parasites...
Quand un ancien camarade coupable de malversations vient demander du secours au lieutenant Wilhelm Kasda, ce dernier, n'ayant guère de ressources, propose d'aller jouer aux cartes le peu d'argent qu'il possède. L'entreprise prend un tour inattendu, et le fait basculer dans un cauchemar dont il va devoir sortir au plus vite...
Arthur Schnitzler (1862-1931) naquit dans une famille de la bourgeoisie viennoise. Ses pièces de théâtre le rendirent célèbre (La Ronde) mais il composa également des récits et nouvelles (Mourir, Mademoiselle Else, La Nouvelle rêvée) qui amenèrent Freud et Zweig à le considérer comme l'un des grands écrivains de son temps.
Grigori Tsyboukine, homme d'âge mûr à l'énergie inépuisable, est l'un des principaux commerçants de son village. Il y tient l'épicerie et se livre à toutes sortes de trafics, en prenant soin de tromper et flouer tant ses clients que ses fournisseurs.
L'un de ses fils, sourd et faible d'esprit, est marié à une très belle jeune femme, qui seconde à merveille son beau-père dans son commerce mais pourrait bien nourrir secrètement de plus vastes ambitions. L'autre est devenu policier et mène une joyeuse vie de célibataire dans la ville voisine. Guère aimés de leur entourage, ils vivent dans l'aisance, parfaitement satisfaits de leur sort, jusqu'au jour où l'agent de police est accusé de trafic de fausse monnaie...
Quelques années après la fin de la Première Guerre mondiale, Maxime, un jeune vétéran, revient de Vienne, où il était parti faire fortune après l'armistice. N'ayant réussi à rien, sans un sou en poche, il reprend contact avec un ancien ami, André Blutel, dès son arrivée.
Blutel, devenu médecin, l'invite à dîner dans le bel appartement que lui a installé sa maîtresse. Cinq invités les rejoignent. Au fil de la soirée vont se faire jour la somme des luttes, des mesquineries, des résignations par lesquelles tous ces petits-bourgeois ont dû passer pour conquérir leur statut social et s'y cramponner.
Maxime n'a jamais su ni autant qu'eux voulu réussir. Ce soir-là, chez Blutel, il parviendra enfin à l'admettre, et peut-être même à comprendre pourquoi.
Encore enfant, Nathanael est terrifié par un des familiers de sa maison, l'avocat Coppelius, géant malveillant qui semble doué de pouvoirs surnaturels. Après la mort tragique du père de Nathanael, Coppelius disparaît, sans que son rôle dans ce décès soit éclairci.
Bien des années plus tard, Nathanael, étudiant, croit retrouver Coppelius en la personne d'un étrange colporteur italien, railleur et venimeux, répondant au nom de Coppola...
L'Homme au sable reste l'un des plus célèbres contes d'Hoffmann, notamment pour avoir inspiré à Freud le concept d'« inquiétante étrangeté »