Le monde a tellement changé que les jeunes doivent tout réinventer !
Nos sociétés occidentales ont déjà vécu deux révolutions : le passage de l'oral à l'écrit, puis de l'écrit à l'imprimé. Comme chacune des précédentes, la troisième, tout aussi majeure, s'accompagne de mutations politiques, sociales et cognitives. Ce sont des périodes de crises.
De l'essor des nouvelles technologies, un nouvel humain est né : Michel Serres le baptise "Petite Poucette" - clin d'oeil à la maestria avec laquelle les messages fusent de ses pouces.
Petite Poucette va devoir réinventer une manière de vivre ensemble, des institutions, une manière d'être et de connaître... Débute une nouvelle ère qui verra le triomphe de la multitude, anonyme, sur les élites dirigeantes, bien identifiées ; du savoir discuté sur les doctrines enseignées ; d'une société immatérielle librement connectée sur la société du spectacle à sens unique...
Faisons donc confiance à Petite Poucette pour mettre en oeuvre cette utopie, seule réalité possible !
« Seuls quelques gestes démodés suscitent encore l'intérêt du public, ceux du tailleur de pierre par exemple, du stucateur, du cintreur. La main du bâtisseur moderne est ennuyeuse. Sa tâche est rebutante même si son entêtement à la poursuivre quelle que soit la saison, qu'il pleuve ou qu'il vente, mérite le respect ou l'admiration. Le maçon éprouve son savoir-faire jour après jour. Il l'améliore discrètement, en silence. Il affine sa technique sans revenir sur les erreurs du passé. Il se fiche de la beauté. Ce qui est fait est fait. Que dire de plus ?... « Qu'avec les mots, bien sûr, c'est l'exact opposé. Qu'on n'en finit jamais de retravailler les phrases, qu'on rature et corrige indéfiniment et que vouloir concilier ces deux activités est une illusion... »
Réchauffement climatique, espèces menacées, océan de plastique... de tous côtés, on s'alerte, on s'alarme, on s'affole. Et on fait bien : après des années de controverses, la communauté scientifique, unanime, exprime son inquiétude. Malheureusement, les mauvaises nouvelles sont répétées ad nauseam et l'envie d'agir s'émousse, pour céder la place à un catastrophisme angoissant. Car si nous fonçons dans le mur, pourquoi changer quoi que ce soit ? Au passage sont escamotés les succès, grands ou petits, obtenus par la volonté militante, citoyenne ou politique. Pour désamorcer l'effet paralysant des perspectives d'effondrement, Sophie Chabanel fait le choix de parler de réussites significatives, incontestables et encourageantes. Les énergies renouvelables gagnent du terrain plus vite que prévu, sur de nombreuses îles la biodiversité reprend ses droits, la qualité de l'air s'améliore... Autant de bonnes nouvelles de la planète, glanées auprès de chercheurs, de grands spécialistes ou de membres de la société civile, et qui redonnent de l'espoir. Si l'avenir paraît sombre, de nombreux résultats montrent qu'il dépend encore de nous !
Avant ? Justement j'y étais ! Je vais vous raconter...
« Dix Grands-Papas Ronchons ne cessent de dire à Petite Poucette, chômeuse ou stagiaire qui paiera longtemps pour ces retraités : "C'était mieux avant." Or, cela tombe bien, avant, justement, j'y étais. Je peux dresser un bilan d'expert. Qui commence ainsi : avant, nous gouvernaient Franco, Hitler, Mussolini, Staline, Mao... rien que des braves gens ; avant, guerres et crimes d'état laissèrent derrière eux des dizaines de millions de morts. Longue, la suite de ces réjouissances vous édifiera. »
Michel Serres
Depuis novembre 2022, la Terre compte 8 milliards d'êtres humains. Et forcément, au moment où les Nations unies ont publié ce chiffre, le débat traditionnel a ressurgi pour faire le lien entre démographie et ressources naturelles. Frédéric Spinhirny et Nathanaël Wallenhorst y prennent part au travers de ce manifeste joyeux, destiné en particulier aux jeunes. À contre-courant du récit pessimiste ambiant, mais loin de tout discours nataliste, ils remettent en cause l'assertion selon laquelle notre salut dépendrait d'une réduction drastique du nombre des naissances. Ne quittons pas le combat en nous retirant du monde, disent-ils, car ce n'est qu'en relation avec ceux qui feront celui de demain que nous pourrons refonder nos relations au vivant.
Communément célébré pour sa parole lumineuse, Michel Serres a été souvent critiqué pour la complexité de ses livres, notamment les premiers. Paru en 1992, Éclaircissements s'était donné pour mission de rendre le travail du philosophe transparent et limpide. La discussion menée par Bruno Latour, qu'il connaissait bien, a permis à Michel Serres de s'exprimer librement et sincèrement tout en simplifiant son propos. Un dialogue amical mais sans concession où l'on apprend beaucoup sur sa formation intellectuelle (la guerre, les sciences renouvelées), sur les enjeux de ses livres et le dessein global d'une oeuvre qui, à ce moment, n'en était encore qu'au premier tiers : 24 livres sur 80 ! Michel Serres explicite les raisons de son passage des sciences à la philosophie, sa position singulière, construite sur la remise en cause du progrès des sciences devant Hiroshima et la responsabilité scientifique : « J'ai été formé intellectuellement par les révolutions intérieures à la science, et philosophiquement par le rapport de la science à la violence. » Pour construire l'avenir, notamment celui de la cohabitation des hommes et de la nature, il insiste sur l'importance du droit, du récit, incarnation nécessaire, de la beauté de la langue, qu'il cultive, ou celle de la pluridisciplinarité, qu'il prônera activement. Avec le recul, on est étonné de voir à quel point il était lucide sur l'état du monde et sur ce qui nous attendait.
On part en exil pour fuir la guerre, la famine, des conflits politiques ou familiaux ; on part en voyage pour découvrir le vaste monde, changer d'horizon. Mais pourquoi revient-on ? Qu'est-ce qui pousse Ulysse à abandonner Calypso et à retourner à Ithaque ? Pourquoi l'explorateur du bout du monde rentre-t-il chez lui ? Pourquoi quitter l'extraordinaire, l'aventure, le dépaysement pour retrouver le quotidien dans sa banalité ? Du désir de retour, les livres parlent peu. En français, d'ailleurs, il y a des mots pour désigner celui qui part (le voyageur, l'aventurier, l'exilé), non celui qui revient. Revenant ? Trop spectral. Rapatrié ? Celui-là n'a pas le choix du retour. Quant au « rescapé », ses épreuves passées intéressent plus que l'épreuve de son retour. Pourquoi ce manque, qui en dit long ? Et si revenir n'était pas le contraire de partir ? C'est à ces questions que Céline Flécheux tente d'apporter des réponses. En s'appuyant sur de nombreux exemples tirés de la culture commune, de Homère au Nietzsche de l'Éternel Retour en passant par la parabole du Fils prodigue et ses réinterprétations picturales, elle montre que revenir chez soi, c'est d'abord faire l'épreuve d'un retour à la vie normale. Mais c'est aussi et surtout revenir dans le temps.
« Pour chanter les vingt ans du Pommier, mon éditrice me demanda d'écrire quelques lignes. Les voici. Pour une fois, j'y entre en morale, comme en terre nouvelle et inconnue, sur la pointe des pieds.
On disait jadis de l'Arlequin de mes rêves, bienheureux comédien de l'art, qu'il corrigeait les moeurs en riant. Devenu arrière-grand-père, son disciple a, de même, le devoir sacré de raconter des histoires à ses petits descendants en leur enseignant à faire des grimaces narquoises. Parvenus ensemble à l'âge espiègle, j'en profite pour leur dire de l'humain en pouffant de rire. »
Michel Serres
Un éloge de l'humilité et de l'espièglerie qui fait du bien en ces temps bousculés !
Tout enseignant connaît ce moment où les élèves sont si attentifs que leurs yeux s'illuminent. Un moment où le contact entre esprits devient palpable. À l'inverse, il connaît aussi le sentiment de parler dans le vide. Ses efforts restent sans écho, rien ne répond. Enseignement et apprentissage ne sont en effet possibles que lorsque l'école devient un espace de résonance. Inversement, ils échouent là où les interactions restent muettes. Mais comment l'école peut-elle devenir cet espace ? Hartmut Rosa, le penseur de la résonance - concept qu'il a introduit pour répondre à l'accélération contemporaine -, s'interroge ici sur ce qui se passe quand, selon son expression, « la classe crépite ». En répondant aux questions de Wolfgang Endres, un pédagogue de profession, il expose concrètement en quoi pourrait consister une pédagogie de la résonance. Compétence, performance et résonance, relation de confiance, humour, retours d'expérience réciproque, « emmétamorphose »... Autant de pistes qui nourriront la réflexion des enseignants désireux de repenser les processus d'apprentissage, mais aussi de toute personne dans la situation d'apprendre quelque chose à quelqu'un - donc tous les parents !
Jean-Henri Fabre, ce « grand savant qui pense en philosophe, voit en artiste, sent et s'exprime en poète » (Jean Rostand), a consigné la vie rêvée des hyménoptères et des coléoptères dans des Souvenirs entomologiques, somme de plusieurs milliers de pages dont les meilleures sont rassemblées dans la présente édition. Chef-d'oeuvre de vulgarisation, ces Souvenirs mêlent observation minutieuse, recherche de terrain et expérience scientifique à des réflexions d'ordre plus philosophique et à des souvenirs personnels. D'étranges personnages y sont mis en scène, et l'on s'y attache : cigale victime des préjugés de la fable, sphex languedocien solitaire, scarabée sacré... Rien ne manque : joies de la découverte, drames de la vie. Où l'on verra aussi que Jean-Henri Fabre, en instituteur de la IIIe République rompu aux leçons de choses, a indéniablement creusé le sillon d'une connaissance sensible du vivant. Choix de textes et présentation par Henri Gourdin
C'est le paradoxe du siècle : nous savons que la catastrophe écologique est là, pourtant rien ne se passe. Pourquoi la science et la politique peinent-elles à mobiliser ? Perçues comme des blocs spécialisés, elles restent hermétiques à la société civile. Pour y remédier, les auteurs de ce manifeste proposent d'emprunter une voie inusitée : l'écologie culturelle. Inscrite dans notre roman national (La Fontaine, Rousseau, George Sand, Michelet...), l'écologie est loin d'être une nouveauté. Trop souvent négligées, son histoire, ses dimensions psychologiques et artistiques sont pourtant la clé : l'éducation à l'écologie devrait s'imposer comme une priorité. Tel est le pari de ce manifeste : approprions-nous l'écologie par la culture, ciment de la société, rendons compte de son inscription dans notre passé, situons-la dans une continuité et non dans une rupture anxiogène, et rompons avec une approche trop technicienne pour prendre en compte la dimension sensible et empathique de l'humain.
« C'est quoi, "être émerveillé" ? Est-ce être heureux quand on est embrassé par celui que l'on aime ? Quand il me dit un gentil mot ? Quand on sait que le soir, il y aura un repas entre amis ? - Non, cela arrive tout d'un coup. C'est imprévisible. C'est un jour comme les autres, peut-être même plus monotone. Et tout d'un coup, en regardant une chose, en permanence sous nos yeux (voir, ce n'est pas regarder), on découvre enfin son originalité, sa beauté méconnue, son mystère. Et cela balaie en nous tout ce qui pèse. »
Et si on cessait d'opposer fin du mois et fin du monde ? Pour en avoir le coeur net, Damien Deville s'est rendu dans l'un de ces territoires de la France périurbaine, précaire et délaissée, et a mené l'enquête. Alès, capitale des Cévennes, fut longtemps le pays des hommes du charbon (les mineurs), des hommes du feu (la chaudronnerie) et des femmes du fil (le textile). Aujourd'hui, les industries ont fermé. Quoi pour les remplacer ? Peut-être une piste intéressante se trouve-t-elle du côté des jardins potagers. Là, pour les anciennes populations ouvrières, se vit une façon de retour à la terre. Là, chacun plante, bêche?; tout le monde échange outils, semences et savoir-faire. Si bien qu'à la motivation économique, forcément première, viennent se mêler des préoccupations d'ordre social, écologique ou paysager... Cernant les contours d'une écologie de la précarité, l'auteur souligne comment de simples lopins de terre deviennent d'authentiques lieux d'émancipation. Partant, il ébauche le modèle ce que pourrait être la société si elle était jardinière.
Le Bronx, 1945. Par une moite après-midi d'août, un gamin dont la famille a fui le nazisme écoute la radio. Surgit la voix du président Truman : une seule bombe, « atomique », a rasé Hiroshima. « Le plus grand succès de la science organisée de toute l'histoire. » De cet événement, le petit garçon retiendra notamment la photo d'une absence?: un homme retiré de son ombre par la déflagration. Adulte, le gamin deviendra physicien : ancien directeur de laboratoire au CNRS, Harry Bernas est aujourd'hui un scientifique reconnu dans le domaine des nanosciences, et son histoire n'a cessé de croiser celle de la science nucléaire. Jusqu'à Fukushima. Fruit d'un programme nucléaire ayant occulté les risques d'un tsunami pourtant documentés, le drame de 2011 a agi comme un révélateur de la cécité volontaire des hommes sur les conséquences de leurs choix techniques et sociaux. Dans ce captivant récit qui entremêle souvenirs personnels et réflexions scientifiques, Harry Bernas tente de comprendre d'où vient cet aveuglement délibéré. Lucidement, mais sans aucun fatalisme, il met au jour comment, du projet Manhattan aux réacteurs GEN-IV en passant par la politique « Atomes pour la paix » d'Eisenhower, on en est venu à modifier insensiblement la finalité même de la science, dont l'objet ne consiste plus à connaître le monde, mais à la rendre perméable au pouvoir. Ou comment Newton et Einstein ont été supplantés par Jeff Bezos et Elon Musk. Nous pensions vivre paisiblement sur l'île au Bonheur. En japonais, « île au Bonheur » se dit Fukushima... Traduction de Nancy Huston
« Voici sans doute mon dernier livre. Il varie sur les deux origines du mot religion, l'une probable, l'autre usuelle : relire et relier. Il ne cesse, en effet, de relire les textes sacrés tout en cheminant le long des mille et une voies qui tissent le réseau global de nos vies, de nos actes, de nos pensées, de nos cultures. En cela, il conclut quelques décennies d'efforts consacrés à lier toutes opérations de synthèse.
À l'âge analytique - celui des divisions, décompositions, destructions, y compris celle de notre planète - succède celui de la synthèse et de la reconstruction. Nos problèmes contemporains ne peuvent trouver que des solutions globales.
Comment ne point finir par le religieux, dont on dit qu'il relie, selon un axe vertical, le ciel à la terre, et, horizontalement, les hommes entre eux ? »
Michel Serres
«?Un matin, comme si elle voulait lui présenter un membre de la famille qui lui était cher et que Mokhtar ne connaissait pas, Aïchouche le prit par la main et l'emmena au pied du figuier qu'elle aimait, lui dit-elle, pour sa bonté et sa générosité. Avec les yeux encore vierges et étonnés de la petite enfance, Mokhtar vit d'abord le tronc, tellement plus haut et plus vieux que lui. Il était aussi plus robuste que son grand-père et n'avait pas besoin de s'appuyer sur un bâton en bois d'olivier. Malgré son âge, ses cicatrices et les traces de sève qui ressemblaient à du sang blanc coagulé, il était solidement planté sur le sol en terre battue où cheminaient, au milieu des feuilles mortes et des brindilles d'herbes, des fourmis. En regardant les fourmis, Mokhtar imagina que les racines descendues du tronc se mettaient elles aussi à marcher, à courir sous la maison avant de se disperser et de se perdre dans le grand ventre de la terre qu'il croyait brûlant comme le four en boue séchée d'Aïchouche.?»
Sur la D 911, à 15 kilomètres au nord du viaduc de Millau et à 40 kilomètres au sud du musée Soulages de Rodez, un village : Saint-Léons. Dans l'une de ses maisonnettes, le 21 décembre 1823, naquit Jean-Henri Fabre, le célèbre entomologiste, l'instituteur par excellence de la IIIe République, le scientifique préféré des poètes, le poète préféré des scientifiques. À l'occasion de son bicentenaire, cette nouvelle biographie revient sur son long parcours et le compare aux carrières de Pasteur et Darwin, deux contemporains capitaux. Si Fabre ne fut pas le chercheur irréprochable campé par ses premiers biographes, ses faiblesses, notamment son opposition à l'évolutionnisme, n'enlèvent rien à sa passion communicative de l'insecte en particulier, de la nature plus généralement. Son énergie, son indépendance de pensée et d'opinion, son mépris des honneurs, sa sobriété, sa simplicité, sa vie frugale au pied du Ventoux, sa générosité, sa tendresse pour les enfants, ses qualités de pédagogue, son opposition farouche au « progrès hostile à la nature, qui en déforme la beauté »... à toutes ces qualités, Henri Gourdin rend justice. Ressuscitant un Fabre familier et attachant, il narre avec verve, anecdotes et textes à l'appui, la vie de « l'inimitable observateur » (Charles Darwin).
La nature, George Sand la connaît bien : elle gère de main de maître les 250 hectares de son cher domaine de Nohant ; jardine trois à quatre heures par jour avec une « passion d'abrutie », selon ses propres mots ; herborise, dans le Berry, à Toulon, dans les Alpes ; constitue avec son fils Maurice un herbier fantastique... Sa curiosité s'étend aux oiseaux, aux papillons, aux fossiles. Qu'elle conteste certaines classifications de son temps, et la postérité lui donnera souvent raison. Sa plus belle preuve d'amour pour la nature : une série de textes qu'elle écrit pour la protection des forêts, et notamment celle de Fontainebleau. Dans une tribune parue dans le journal Le Temps en 1872, elle pose le problème de la déforestation dans les termes actuels de l'écologie politique. Si, en 1830, elle défendit la cause des femmes, en 1848, la République, son dernier combat, en 1872, sera en faveur de la nature. Écoféministe avant l'heure, George Sand ? C'est cet aspect de son oeuvre que Patrick Scheyder se propose de faire découvrir dans ce recueil de ses textes les plus importants consacrés à la nature.
Avec la « résonance », Hartmut Rosa a proposé un concept pour remédier à l'accélération hégémonique et réifiante du capitalisme rentier et spéculatif, qui nous condamne à la croissance et à la surchauffe. Pour lui, la transformation en profondeur de nos sociétés ne se réalisera que si nous acceptons d'entrer dans un nouveau rapport au monde, marqué par une relation « responsive » avec lui. En quoi cette résonance peut-elle bien consister concrètement ? Et surtout en quoi pourrait-elle aider les jeunes générations à vivre avec la réalité de l'Anthropocène, chaque jour plus prégnante ? La résonance, au contraire de l'éducation au « développement durable », semble un nouveau paradigme à même de faire advenir un autre monde, où ne s'opposeraient plus humains et non-humains. Avec Hartmut Rosa, le temps est venu d'écouter ce que le monde a à nous dire... Traduit de l'allemand par Sophie Paré et Nathanaël Wallenhorst.
Sur le modèle de l'Histoire naturelle de Buffon, Audubon, pour accompagner la réédition de ses superbes planches ornithologiques, rédigea des «?Vies d'oiseaux?» (Bird Biographies). Mais pour lui, contrairement au savant français de Montbard, ces vies sont saisies, non à partir de la morale, mais à partir de la réalité physique et de l'observation. Souci scientifique, donc, mais qui ne l'empêche pas de donner libre cours à un style alerte, mâtiné de romantisme, aux origines de la nature writing américaine, rappelant en cela les «?épisodes?» qui forment ses Scènes de la nature. Du plus petit (l'oiseau-mouche à gorge de rubis : 3 grammes, 9 centimètres de la tête aux pattes) au plus grand (la grue blanche d'Amérique?: jusqu'à 8,5 kilos et 230 centimètres d'envergure, 160 centimètres de la tête aux pattes), du plus paisible (le pewee peut-être) au plus combattif (l'aigle royal certainement), des plus menacés (le pic à bec d'ivoire, la grue blanche...) aux plus assurés de leur avenir (la tourterelle de Caroline, l'hirondelle, les grives...), voici une sélection de portraits de ces «?habitants du ciel?» restitués dans toute leur variété, avec une préférence pour les espèces endémiques d'Amérique du Nord. Présentation par Henri Gourdin
Héroïsme, ascèse, folie... les préjugés sur le jeûne confinent parfois au fantasme. Pourtant, si cette pratique peut paraître exotique, elle n'en renoue pas moins avec des millénaires d'évolution naturelle. C'est donc une autre histoire que nous raconte le corps : le jeûne s'inscrit dans une mémoire ancienne de l'organisme, tout en permettant une véritable jouvence pour l'esprit. Rompant avec un dualisme qui nous a fait dénigrer les puissances critiques du corps, Sébastien Charbonnier et Eva Lerat explorent philosophiquement le jeûne comme une expérience reconfigurant notre rapport à nous-même, aux autres et au reste du vivant - une expérience radicalement politique. Dans ce livre, ils s'adressent aussi bien aux personnes qui n'ont jamais jeûné qu'aux jeûneurs chevronnés. Ils espèrent aiguiser la curiosité, par des chemins complémentaires aux arguments biologiques sur les bienfaits du jeûne, et proposent des perspectives sur les dimensions éthiques, politiques et écologiques de cette expérience profondément humaine.
Auteur réputé aux États-Unis, William Bartram (1739-1823) est encore peu connu en France et en Europe. Or, ses Voyages (1775-1778) ont influencé de grands écrivains européens, comme le poète anglais Coleridge ou encore Chateaubriand, qui a puisé abondamment dans ses récits pour nourrir ses oeuvres américaines, Atala (1801), Les Natchez (1826) et Voyage en Amérique (1827). Dans cette édition, Sébastien Baudoin a retenu les pages qui forment le coeur de son parcours dans les Florides afin de restituer l'intensité de son rapport à la nature exotique?: loin de se contenter de recenser et d'analyser les espèces végétales et animales qu'il repère au fil de ses promenades botaniques, ce savant éclairé sait rendre avec poésie la beauté des scènes et des paysages qui s'offrent à lui. Et plus encore?: il les transcende dans une vision providentialiste. C'est sans doute cet aspect, davantage que la rigueur scientifique de ses observations, qui a pu charmer toute une génération d'écrivains en mal d'exotisme, célébrant la Nature comme une nouvelle muse. Bartram donne enfin un témoignage essentiel sur les Indiens et leurs rapports aux hommes blancs de cette époque. Adoptant le regard d'un ethnologue avant l'heure, il se montre curieux de leurs moeurs, célébrant leur grandeur, déplorant leur décadence... Présentation par Sébastien Baudoin
Selon Albert Einstein, « nous ne pouvons pas résoudre nos problèmes avec la même pensée que nous avons utilisée lorsque nous les avons créés ». Pour le collectif « Osons les territoires », là est la clé : c'est tout le système de pensée sur l'économie, la gouvernance, le droit, les relations entre sociétés, humains et biosphère, qu'il convient de transformer. Dans notre modernité, l'efficacité opérationnelle, la spécialisation et la séparation en sont venus à produire des effets délétères. Aux origines des crises contemporaines ? Une crise plus ancienne et profonde : celle des relations. Mais comment refonder une modernité qui proposerait au contraire de tisser des liens ? Quelles doctrines, quels acteurs former pour inventer une nouvelle éthique et une nouvelle gouvernance ? Dans ce manifeste, le collectif a décidé de relever le gant en proposant une boussole et des réformes à engager d'urgence. Et c'est parce que les territoires sont l'espace par excellence des relations qu'ils sont ici au coeur de sa réflexion.
La question de l'âge de la Terre se rattache à l'une des interrogations les plus fondamentales qui se pose à l'esprit humain : comment expliquer notre présence sur Terre et, plus généralement, comment expliquer l'existence de toute chose ? Dès les premières traces de l'écriture, l'imagination des hommes n'a pas tari pour produire des récits répondant à ces interrogations. Des mythes, des paraboles et des récits d'une variété infinie ont expliqué comment nous en sommes arrivés là, proposant au passage des façons d'organiser la vie en société. À partir du XVIIIe siècle, toutefois, lettrés et savants élaborèrent d'autres discours, s'appuyant sur des connaissances immédiatement universalisables et défiant toute parole d'autorité autoproclamée, soumises par construction à la critique des pairs et contrôlables par la raison. Si une lecture littérale des mythes et des textes religieux avait abouti à des estimations erronées, la recherche de chronomètres objectifs, d'abord grossiers, puis plus précis, a permis de stabiliser nos connaissances dans les années 1950 : le système solaire s'est formé voici 4,5672 milliards d'années, avec une incertitude de quelques millions d'années. C'est la fabuleuse histoire de cette longue quête de vérité que Jacques Treiner retrace dans ce livre, où il mêle avec bonheur cosmogonie, cosmologie, histoire des idées et des idées scientifiques.