Yellow Now
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Deux séjours à Berlin, en été puis en automne, vont sensiblement changer l'existence de Bernart, un professeur des collèges nouvellement à la retraite. Peu préparé, il appréhende avec inquiétude cette nouvelle vie. Le premier voyage s'organise autour des souvenirs de quelques jours passés en RDA, alors qu'il n'était encore qu'un adolescent. à Berlin, il cherche les traces de sa jeunesse, les traces d'un Berlin qu'il n'a en réalité pas connu, celles d'une histoire qui est la sienne sans pour autant lui appartenir, l'histoire d'une ville détruite puis séparée en deux. Ordonnant ses notes et ses photos, il comprend progressivement combien les films de Wenders font partie de sa vie. Il se met alors en tête de repartir à Berlin, d'y retrouver les lieux de tournage des deux principaux films que le cinéaste y a réalisés, Les Ailes du désir et Si loin, si proche !. Troisième volet d'une trilogie des villes et des lieux, après Antonioni / Ferrare et Jean-Pierre et Luc Dardenne / Seraing,Wenders / Berlin tente de répondre à deux questions : comment écrire autrement sur le cinéma ? Comment associer la vie et le cinéma dans un même mouvement ? Plutôt que de s'appuyer sur des films, Thierry Roche part de la ville elle-même et des lieux de tournage pour tenter de comprendre comment des histoires inventées trouvent à s'inscrire dans la réalité du paysage. L'hypothèse est que la vie et le cinéma, c'est la même chose. Le recours à un personnage de fiction est comme un point d'aboutissement, montrant l'intrication entre la vie et le cinéma, entre la réalité et nos imaginaires. De ce point de vue, ce livre est, à la lettre, un essai. Le travail de Guy Jungblut fait totalement partie du projet. Son regard sur la ville a guidé le texte. Les photos sont le plus souvent le moteur de la narration ; d'autres épousent le texte, dans un dialogue incessant et fructueux.
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Menjant garotes [en mangeant des oursins] de Luis Bunuel
Jordi Xifra
- Yellow now
- Cote Films
- 20 Octobre 2023
- 9782873405014
Quatre minutes et treize plans seulement - sans paroles, sans intertitres ni le moindre son - composent Menjant Garotes (En mangeant des oursins), cet inédit de Luis Buñuel réalisé en 1930, pendant le tournage de L'Âge d'or, et retrouvé dans une boîte à biscuits, en 1988, après avoir passé soixante ans dans un placard. Portrait documentaire discrètement ironique du père de Salvador Dalí, notable de province, et de son épouse, filmés dans leur demeure cossue dominant la plage du Llané, à Cadaqués, cet étrange objet f ilmique, manifestement inspiré par le naturalisme du Kammerspiel allemand, présente à première vue toutes les caractéristiques du film de famille, voire d'un home movie amateur. De fait, devant l'évidente platitude d'un quotidien aisé et l'insignifiante répétition des gestes familiers - faire tourner le phonographe, lire au salon, bercés par un rocking-chair, arroser les plantes, déjeuner au jardin - de ce très court métrage, si peu spectaculaire, il n'y aurait en apparence rien à signaler et encore moins à raconter. Telle est bien la prouesse de ce petit essai érudit, en forme d'archéologie d'un film fossile, celle de nous tenir en haleine jusqu'au bout, comme on lirait une enquête policière. Jordi Xifra y démontre que loin d'être un accident, voire une anomalie, Menjant Garotes s'inscrit rigoureusement dans l'oeuvre du cinéaste au point d'apparaître comme la matrice de tous ses films à venir, scrutant ce couple de grands bourgeois à la manière d'un entomologiste comme il aurait aimé filmer les scorpions. Entre autres documents, l'ouvrage propose au lecteur un lien lui permettant à son tour de découvrir ce film insolite
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Comment tourner autour du pot ? Trône souillé, les toilettes offrent aux cinéastes un objet par trop infâme pour ne pas le regarder sans cligner des yeux. Cela explique sa durable absence des écrans : réellement entrée au cinéma avec Psychose d'Alfred Hitchcock, en 1960, la cuvette continue d'en meubler des coins rarement filmés, et alors avec cérémonie.
Ce livre suit l'histoire de cet attrait contrarié. Anthologie plombière, il recense quelques dizaines de sièges ou de fosses d'où émanent des signes maudits et les relents d'une terreur archaïque qu'aucune transgression ne peut vraiment dompter. De la tentative de banalisation entreprise par Stanley Kubrick à l'euphorie de l'égout entretenue par Quentin Tarantino ou Robert Rodriguez ; de la place que la comédie américaine a réservé aux lieux saints au théâtre sexuel en quoi les transforment les comédies queer, de la sublimation spéculative d'Une sale histoire de Jean Eustache à l'avilissement fécal d'Il est difficile d'être un dieu d'Alexeï Guerman, ces pages couvrent assez de trous pour hasarder quelques hypothèses sur ce que de tels regards torves disent de notre modernité hygiéniste. Car si l'on a souvent pointé la contemporanéité de l'invention des frères Lumière avec la psychanalyse, la radio, les rayons X ou les aquariums, on s'est rarement penché sur sa communauté de berceau avec le tout-à-l'égout, pierre de touche de la révolution sanitaire ayant abouti aux disciplines fécales des siècles industriels. Une telle concomittance pousse l'auteur à croire qu'il peut faire un observatoire de ce sanctuaire tombal, parce que, fosse commune des vanités privées, les béances tuyautières éclairent de leur malédiction deux phénomènes au fondement de ce qui fut l'ordre bourgeois : le sacre de l'individu et la croyance en une maîtrise sans reste de l'environnement. Ce refuge où chaque sujet se dérobe aux regards pour liquider ses reliquats conditionne l'apparition des prométhées démocratiques du vingtième siècle. C'est du moins ce que laisse songer la contemplation du monde à travers la lunette telle qu'on la trouve chez Tsaï Ming-liang, Jean-Luc Godard, David Cronenberg ou Alain Cavalier, qui en font autant le dernier bastion d'un cinéma digérant son passé que le seul isoloir qui vaille pour les derniers des hommes. Avec eux et d'autres, le livre s'efforce de jeter les bases d'une scatocritique transformant en indices de fèces tous les détours propres à l'esthétique excrémentielle, où les toilettes signifient le fécal en lui faisant écran. Par là, et non sans audace dans ses raccourcis, il entend montrer que le sort figuratif réservé au trône dit quelque chose de l'hygiénisme aux commandes de bien des politiques écologiques actuelles, parce que dans la cuvette se cristallise le mythe de la suppression de l'incompressible à la racine du refoulement des externalités industrielles. Pour le dire en un langage empruntant sa forme à sa matière, les chiottes nous disent dans quelle merde nous sommes. -
Cinéma documentaire : manières de faire, formes de pensée
Catherine Bizern
- Yellow now
- Cote Cinema
- 3 Février 2023
- 9782873404932
« Les manières de faire sont toujours des manières de penser » disait Jean-Louis Comolli. Avec le cinéma pour désir partagé et le documentaire comme territoire commun, des cinéastes échangent leurs idées, leurs expériences, leurs points de vue. Réunis par petits groupes en ateliers, ils ont élaboré au fil des années une réflexion qui croise choix d'écritures et questions éthiques. Les textes réunis ici sont des synthèses des débats qui ont rendu publiques quelques notions-clés du cinéma documentaire : celles d'« histoires », de « personnages » ou de « héros documentaire », ou d'autres questions récurrentes et essentielles : le sujet, l'autre, la peur, la parole, le réel... Des réflexions tantôt personnelles, tantôt communes, des tâtonnements ou des positions fermes et éprouvées se côtoient pour éclairer les démarches, nourrir la pratique et la pensée de celles et ceux que passionnent le cinéma documentaire et ses enjeux. À l'occasion de ses trente ans en 2022, Addoc réédite cet ouvrage - publié en 2002 - augmenté d'une postface de Catherine Bizern. Créée en France en 1992, l'association des cinéastes documentaristes - Addoc - est ouverte à tous les cinéastes engagés dans une pratique du cinéma documentaire et désireux
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Passe montagne de Jean-François Stevenin
Pierre Jailloux
- Yellow now
- Cote Films
- 7 Avril 2023
- 9782873404956
C'est l'histoire d'un citadin qui tombe en rade dans un coin paumé du Jura, se fait dépanner par un gars du cru, passe une première nuit dans sa grange, y croise des mines patibulaires sans comprendre ce qu'elles racontent, y déambule de fond en comble, finit par ne plus trop savoir ce qu'il fait là, improvise des repas arrosés avec son hôte, bavarde parfois et souvent se tait, commence à entendre parler de combe magique et d'oiseau en bois dans la forêt, se laisse embringuer par son nouveau copain dans la neige, se fait embarquer dans des bars clandestins et une auberge qui ne ferment jamais l'oeil de la nuit, y écoute un chien qui chante, y flirte avec des dames, s'y engueule avec des montagnards, étudie des cartes, enterre une vie de garçon, puis finit par s'en aller au petit matin, après avoir mis sa vie et celle du spectateur en pointillés. Cet ouvrage se propose non pas de combler les trous du gruyère, ni de redresser la barre d'un film irrésistiblement biscornu, mais de se lover dans ses parenthèses, de sauter à cloche-pied sur ses points de suspension et ses plans, et de se laisser dériver avec lui, sans jamais espérer atteindre aucun récif. Suivons Jean-François Stévenin et sa bande, son monteur et complice Yann Dedet en tête, dans leurs échap-pées enfantines et barbares, leur labeur et leur paresse, leurs images baladeuses et leurs découpages fleuris.En complément de cette essai tout en rebonds et ricochets, on trouvera un portrait vibrant de l'acteur Jacques Villeret par le critique Jean-Marie Samocki.
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De zéro de conduite à Tomboy : des films pour l'enfant spectateur
Hervé Joubert-Laurencin
- Yellow now
- 4 Mars 2022
- 9782873404772
De Zéro de conduite à Tomboy. Des films pour l'enfant spectateur est le projet éditorial d'une association d'éducation artistique à l'image - Les enfants de cinéma - en charge pendant près d'un quart de siècle - de 1994 à 2018 - du dispositif national « École et cinéma ». Elle a constitué au fil des années un patrimoine exceptionnel, et jusqu'ici inaccessible sur le marché du livre, de nombreux textes sur le cinéma, à travers des monographies sur des films de toutes époques et de tous pays, les Cahiers de notes sur ...
Ces cahiers étaient destinés aux instituteurs engagés dans le dispositif, ils leur étaient offerts comme matériel pédagogique accompagnant les sorties de leurs classes au cinéma.
En près de 25 ans d'une politique éditoriale exigeante, la collection de 114 Cahiers de notes a ainsi constitué une histoire et une traversée de l'art cinématographique, des origines jusqu'au cinéma le plus contemporain.
Chaque cahier était confié à un auteur unique, spécialiste ou non du cinéma. Dans ces monographies, plusieurs pages étaient réservées à l'expression d'un « point de vue », celui de leur auteur, regard personnel sur l'oeuvre envisagée. Parmi ces 114 « points de vue », une trentaine ont été retenus pour constituer l'ouvrage aujourd'hui proposé.
Le choix des 30 titres a reposé sur le principe d'une mise en regard, deux par deux, des films, chacun s'enrichissant de la confrontation avec son voisin, créant ainsi de nouveaux points de vue, suscitant de nouvelles idées.
Une brève introduction de chaque couple de films - rédigée par Hervé Joubert-Laurencin - justifie leur sélection et leur mise en relation. Une double page de photogrammes, qui eux aussi se répondent, illustre à son tour les liens entre les films.
L'ouvrage, de 488 pages, présente un vaste panorama de la pensée du cinéma en France ces vingt-cinq dernières années.
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La fête foraine, qui a en partie déserté la vie, hante le cinéma. Il est né en son sein alors qu'elle se modernise au crépuscule du XIXe siècle. Cette parenté indique un désir commun : exciter la vue et façonner une expérience du mouvement et de l'extraordinaire, faire de ce que l'on voit ce que l'on vit. Dès lors, quand elle surgit dans le film, que fait la fête foraine au cinéma ? Pour élucider cette question et cerner cette intime relation, le livre revient aux années vingt, de Coeur fidèle d'Epstein à L'Aurore de Murnau. Il propose de regarder ensemble Entr'acte de René Clair et Anticipation of the Night de Stan Brakhage, de faire tenir ensemble Borzage et Ophuls, Bresson et Demy, Minnelli et Fuller, Welles et Hitchcock dont L'Inconnu du Nord-Express, comme on tourne sur un carrousel, revient régulièrement. Le cinéma s'invente depuis les attractions mécaniques : elles lui apprennent à tourner et révèlent une relation des cinéastes à leur art, une possibilité d'improvisation ou de machination. Certains trouvent dans leur rythme et leur narration un lieu puissant de figuration du désastre et de l'extase, de la réunion et de la désunion des corps. D'autres, parce que le cinéma et la fête foraine partagent un même plaisir du simulacre, mesurent la fiction aux histoires que suscite la foire. Si le cinéma apparaît comme le frère siamois de la fête foraine, il s'y frotte aussi à ses limites : parce qu'elle est avant tout un renversement, la fête foraine est une force qui déforme le film, l'excède et se joue de lui. Elle le réfléchit, dans un miroir déformant.
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Considéré par la critique comme un des pires films du cinéma fran-çais, La Soupe aux choux n'en fait pas moins partie intégrante de la culture populaire. Exemple même du mauvais objet, l'avant-dernier film de Louis de Funès est ici et pour la première fois pris au sérieux, sans hauteur ni mépris, sans complaisance non plus, avec juste une pointe de provocation. Le présent essai propose une nouvelle lecture d'une oeuvre qui pourrait bien représenter ce que ses concepteurs avaient précisément et délibérément voulu qu'elle soit. À savoir, une adaptation fidèle du roman éponyme de René Fallet, auteur à l'écriture jubilatoire et rabelaisienne ; un ultime pari pour l'acteur, tournant ici le dos à sa caricature de père de famille normatif et de patron tyran-nique ; un hymne au langage truculent ; un surprenant portrait de femme, défiant les codes du cinéma commercial alors en vigueur ; et plus encore un film visionnaire conspuant l'expansion économique qui transforme les campagnes en déserts, voire en parcs d'attraction. Avec nuances et mesure, l'analyse de Thibaut Bruttin tend à rétablir dans sa dignité ce qu'il qualifie de conte voltairien. Gageons avec lui que si La Soupe aux choux fume encore, c'est probablement qu'elle avait quelque chose à nous dire. En complément, on trouvera un entretien avec le réalisateur François Ruffin à propos de la culture populaire, une fantaisie paradoxale du cinéaste Olivier Smolders autour du mauvais objet, un portrait vibrant de l'acteur Jacques Villeret par le critique Jean-Marie Samocki.
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La figure du ventriloque accompagné de sa marionnette sur les genoux est contemporaine de l'invention du cinéma. Simple coïncidence ? Son art, remarquons-le, s'inscrit dans l'histoire des médias techniques qui ont dissocié le corps de la voix, qu'il s'agisse du phonographe ou du téléphone, actualisant les puissances de la voix acousmatique. Curieusement le ventriloque apparaît à l'écran dès l'âge du muet en jouant sur le registre de l'étonnement et de l'inquiétude par des effets de dissociation et de dédoublement. Nombreux sont les films qui explorent sa personnalité insolite, ambivalente, en proie au larcin, à la simulation, au désordre psychique.
Au-delà de la présence littérale du ventriloque, on peut observer un usage plus métaphorique de la ventriloquie dans les effets fantastiques de la voix dissociée, le rôle du bonimenteur ou du traducteur, le contrepoint du visuel et du sonore. Autant de stratégies qui permettent, en dénudant le procédé cinématographique, en renversant le principe d'autorité, de donner à entendre des voix dissidentes.
Sans doute la ventriloquie trouble-t-elle l'opposition par trop schématique de la lettre et de la métaphore au gré de ses jeux de symétrie et de réversibilité. Qui est le ventriloque de qui ? Le critique est-il le ventriloque du film, ou l'inverse ? Ne sommes-nous pas devenus désormais les ventriloques de l'histoire du cinéma ?
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Modeste proposition pour un precis de flatulence : cabinet de curiosites à l'usage des poètes et autres impétrants
Olivier Smolders
- Yellow now
- A Cote
- 2 Juin 2023
- 9782873404987
Rêvassant après avoirrevu récemment La Soupe aux choux*, l'auteurs'est surpris à inventorier quelquespetsnouveaux, envued'une étudepluslargequ'unlecteurunpeudélicat entreprendra sans doute sans désemparer, en ces temps de bouleversements climatiques.
L'enjeu de cette entreprise dépasse de loin l'ambition d'établir une nouvelle rhétorique du langage pétomane, programme pourtant déjà nécessaire en soi et fort ambitieux. En réalité, il ne s'agit de rien moins que de redéfinir notre rapport au monde sous le prisme de notre fascination pour la fange, étant entendu qu'elle côtoie souvent avec insolence le sublime. Armé d'une acuité qui défrise, Olivier Smolders inventorie toutes les nuances des pets contemporains, n'épargnant ni les dogmes établis, ni les révolutionnaires de service. On ne s'étonnera donc pas si un grand bol d'air frais souffle dans ses pages. -
La Belgique : l'air de rien
Bernard Plossu, Bernard Marcelis
- Yellow now
- 22 Octobre 2021
- 9782873404789
Bernard Plossu est un photographe français parmi les plus importants et les plus influents. Cet ouvrage, en forme de bilan, montre une sélection des photographies effectuées au cours de ses nombreux voyages en Belgique, au fil des années (des années 1980 à aujourd'hui).
Photographies prises en passant, l'air de rien, à Anvers, à Gand, à la côte, à Bruxelles, à Liège - et même à Crisnée -, en Ardennes... pour y rencontrer son « galeriste » et ami Jean-Louis Godefroid, son éditeur belge Guy Jungblut ou son « collègue » Marc Trivier.
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Le piano n'est pas un objet ordinaire à l'écran. Dans les films habités de sa présence, ce meuble joue un rôle clef, qui éclaire la poétique des cinéastes. Cet essai s'attache à la cinégénie secrète de l'instrument de musique par excellence. On a cherché à identifier quelques figures majeures du piano, telles que de grands auteurs les ont façonnées. Douze haltes ponctuent ce chemin, depuis Max Ophuls et ses pianos-miroir et horloge, Jean Renoir et son piano-boîte à musique, et Jean Grémillon avec son piano-moteur. On rencontre le piano-coeur de Lubitsch, le piano-rêve que partagent Dreyer et Bunuel, le piano-radio de Borzage et le pianopensée de Sirk ; ainsi que le piano-outil d'Hitchcock et le piano-sentiment de McCarey. Enfin, on s'aventure dans les séries du piano-démon (avec Robert Wiene, Karl Freund, John Brahm, Robert Florey et Edmond T. Gréville) et du piano-porte-voix (en compagnie de Roy Rowland, Nicholas Ray, Jean-Claude Guiguet, Robert Bresson, Pier Paolo Pasolini et Jean-Luc Godard), le piano-ange de Jacques Demy demeurant à part. En prélude et postlude, on fête le piano-cinéma d'Oliveira et Grémillon, et le piano-âme d'un trio de poètes d'aujourd'hui :
Todd Haynes, Pere Portabella et Peter Sülyi. Après ce voyage, le lecteur ne considérera plus un piano dans un film du même oeil ni de la même oreille, c'est le bonheur qu'on lui souhaite.
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Lire / écrire
Bernard Plossu, Bernard Noël
- Yellow now
- Cote Photo - Images
- 15 Mars 2019
- 9782873404420
Cet ouvrage s'inscrit dans la collection Les carnets, une collection - mise au point avec Bernard Plossu - qui se propose de revisiter les archives d'un photographe ou d'un collectionneur et d'en extraire des séries thématiques (des faits, des objets, des situations, des évocations...).
Bernard Plossu a extrait de ses archives des images montrant des lecteurs ou des lectrices - au Mexique en 1966, en Inde en 1989 ou à Paris en 2017 - en train, en rue (souvent) ou au lit (parfois) ; des écrivains au travail - Perec, Butor, Bailly ou Noël ; des librairies et des bibliothèques - à Palerme, à Berkeley ou à Delhi ;
Des hiéroglyphes et des graffitis - en Égypte ou à Toulon. Pour notre plus grand bonheur de lecteur.
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Née en 1957 à Toulouse, Françoise Nuñez est d'origine espagnole. Elle a commencé à photographier en 1975. Elle apprend le tirage noir et blanc dans l'atelier de Jean Dieuzaide dont elle est l'assistante entre 1979 et 1980. Elle épouse Bernard Plossu en 1986 et, depuis, en plus de son travail personnel, elle réalise une part importante de ses tirages. C'est une photographe voyageuse : l'Inde, l'éthiopie, l'Amérique du Sud, le Japon ... « Je ne photographie pratiquement qu'en voyage. Quand je pars, je ne pense qu'à ça. Je veux être réceptive à tout, loin d'un quotidien et d'endroits que je connais trop bien. J'aime l'inattendu, la surprise, l'émotion de la découverte. Et j'essaye de faire ressentir toutes ces émotions. » « L'Inde, Françoise y avait pris goût, au point d'y retourner souvent, pour continuer à la photographier, du Nord au Sud, à Calcutta et à Madras. [...] Son dernier voyage, en 2009, a été pour les ruines de Hampi, qu'elle rêvait de voir, tellement on nous en avait parlé. Voici les photographies inédites de ces nombreuses ruines perdues dans un espace gigantesque, où elle a fait des merveilles, marchant avec sa soeur Isabelle, calmement, avec son objectif de 50 mm. Tout simplement. » nous dit Bernard Plossu dans sa préface. En décembre 2021, Françoise Nunez nous quittait. Ce petit livre, le troisième de Françoise publié par nos soins, lui rend hommage.
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À l'heure où les biographies filmées se multiplient et, en particulier, les biopics de peintres, il est bon de se rappeler que l'un des plus illustres d'entre eux a fait l'objet de centaines d'essais, livresques et cinématographiques. Cinq ans après la mort de Vincent Van Gogh naissait le cinéma. Documentaires et fictions ont, depuis, rivalisé de moyens pour raconter sa vie, approcher son art.
Regarder Van Gogh à travers l'objectif d'une caméra se distingue de l'observation et de l'analyse opérées par l'historien d'art, le critique ou le simple amateur. On ne s'étonnera pas de constater qu'il y a à peu près autant de Van Gogh que de cinéastes l'ayant filmé. Mais, après tout, la quarantaine d'autoportraits du peintre ne révèle-t-elle pas autant de facettes différentes de son visage ? Ainsi l'autoportrait dit au chevalet n'a-t-il pas grand-chose à voir avec celui à l'oreille bandée.
Suivre les aventures de cette vie confinant à la légende est une manière d'accompagner les fluctuations d'un discours sur le peintre et, plus généralement, sur l'art.
Plutôt que d'empiler les titres en mélangeant videos muséographiques et documents pédagogiques, j'ai jugé préférable de choisir neuf films réalisés en l'espace d'un demi-siècle, approximativement depuis le centenaire de la naissance de Van Gogh jusqu'à celui de sa mort. Ces films ont pour point commun d'être d'abord des oeuvres de cinéma. Le peintre est leur prétexte et non leur but. Ce faisant, ils se soucient d'abord d'art cinématographique avant de rendre justice - si tant est qu'il faille le faire - à leur sujet, leur « motif ».
En retour, comme un miroir tendu à la caméra, la figure vangoghienne éclaire le cinéma dans sa recherche d'authenticité et, surtout, d'autonomie. Il s'agit donc de faire oeuvre avec et par l'oeuvre d'un peintre, c'est-à-dire un confrère. Et, dans la multiplication des images, Vincent disparaît peu à peu en persévérant dans son art.
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Le cinéma a été inventé à la fin du siècle d'Alexandre Dumas, de Balzac et de Jules Verne ; très vite, il fut prêt à prendre la relève de toutes les formes de littérature, de l'invention de mondes possibles à l'histoire des choses advenues, en passant par l'exploration du monde réel et celle des sentiments humains. C'est ce qu'un lieu commun de l'histoire du cinéma a résumé par le partage entre une voie Lumière, réaliste et terre-à-terre, et une voie Méliès, imaginative et fantaisiste. C'est oublier que le cinéma a été aussi, à sa naissance, l'exact contemporain de l'homme invisible et de l'inconscient freudien, et qu'il allait être bientôt celui de la relativité et du surréalisme. Armé d'entrée de jeu pour la capture automate des apparences et pour la fabrication de mondes merveilleux, le cinématographe se découvrit de plus en plus attiré par cet équivoque mais séduisant moyen terme entre réalité et fantaisie : l'illusion. Il existe en cinéma tous les degrés de l'illusoire, depuis les plus simples (des vessies prises pour des lanternes). On s'est ici surtout intéressé à des constructions plus élaborées, jouant des prédispositions de l'esprit humain à se laisser entraîner dans l'irréel (par le rêve, le fantasme, l'hallucination et autres illusions matérielles), mais aussi, mettant en évidence qu'au fond, l'illusion n'est qu'une fiction qui se serait donné davantage de moyens pour convaincre son destinataire, lui souffler de faire un peu plus semblant de croire qu'il croit - et parfois, l'entraîner véritablement jusqu'au point où il ne sait plus où il en est.
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Jeanne Dielman 23, quai du commerce, 1080 bruxelles de chantal akerman - cote films #41
Corinne Maury
- Yellow now
- Cote Films
- 8 Octobre 2020
- 9782873404604
Jeanne, veuve d'une quarantaine d'année, vit avec son fils Sylvain. Elle prépare le repas, range la chambre, se prostitue, se lave, fait la vaisselle. Dans Jeanne Dielman, 23, quai du commerce, 1080 Bruxelles, Chantal Akerman compose un inventaire actif de l'économie domestique, où le scénario gestuel supplante le scénario à histoire. Dans ce huis-clos, qui s'écoule sur une période de trois jours, Chantal Akerman confère au récit la puissance d'une enquête où le quotidien, sans être le principal suspect, est également suspecté. Dans cette histoire sans histoire, traversée par une gestuelle méticuleuse et machinale, rien ne déborde mais tout couve.
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Jean-Luc Godard est sans doute le cinéastes dont l'oeuvre a interrogé avec le plus de constance et de lucidité la place des machines dans le monde du cinéma et bien au-delà.
Godard devant la fameuse table de montage Steenbeck, Godard devant un banc de montage vidéo ou face à la machine à écrire des Histoire(s) du cinéma : nombreuses sont les représentions du cinéaste en technicien manipulant les appareils. Mais au-delà de la photogénie de Godard en artisan solitaire, ses films semblent parcourir et interroger sans cesse les liens entre cinéma et machines, de l'imposante caméra Mitchell NBC qui ouvre Le Mépris (1963) à l'installation vidéo de Numéro deux (1975), du ballet de caméras montées sur des grues devant les tableaux de Passion (1982) aux images de défilement de la pellicule qui ponctuent les Histoire(s) du cinéma (1988-1998). Quand dans Soigne ta droite (1987), il filme les Rita Mitsouko en plein enregistrement de leur nouveau disque, vingt années après avoir passer trois nuits avec les Rolling Stones à l'Olympic Studio de Londres pour One + One (1968), il s'agit encore pour Godard d'observer des musiciens face à des machines, fasciné sans doute par une forme d'autonomie qu'il va lui-même conquérir peu à peu jusqu'au Livre d'Image (2019), entièrement réalisé à partir d'images et de sons préexistants.
Si les relations entre machines et création font l'objet d'une attention particulière, la présence récurrente d'autres machines ne manque pas de susciter l'intérêt des auteurs. Parmi celles-ci, la voiture tient une place très ambigüe, à la fois symbole de la modernité et emblème d'une civilisation des loisirs dont Godard perçoit très vite les limites. Dans le même ordre d'idées, l'omniprésence des appareils d'enregistrement et de diffusion de la musique (tourne-disques, poste de radio) témoigne de l'avènement d'une société de consommation prête à tout pour soumettre la culture au capitalisme le plus débridé. Si la machine permet de penser ensemble techniques et esthétiques, elle nourrit aussi chez Godard, avec une remarquable diversité, une vision politique du monde.
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Les Sept Samouraïs d'Akira Kurosawa est d'abord un film d'action. Mais derrière les questions de pouvoir et de survie se joue avant tout un art de la mise en scène des corps : corps souffrants, fébriles, humiliés, mais aussi corps qui s'éduquent et s'articulent avec un groupe. Brisant la bidimensionnalité de l'écran cinématographique, Kurosawa inscrit la tension des muscles, le surplus de la chair et du physiologique au coeur de l'image et donne à voir l'engendrement du corps social à partir de la diversité des corps physiques. Avec une grande économie de mots, il construit une allégorie de l'institution sociale et politique qui fait varier très subtilement les relations interindividuelles uniquement par le traitement de l'espace et des corps. Les Sept samouraïs est un film chorégraphique.
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Cet ouvrage rassemble des études s'efforçant de repenser à nouveaux frais la question des relations entre le cinéma et les arts plastiques. Cette question, vieille comme le cinéma, comporte une multitude d'« entrées », de facettes qui sont dans un premier temps synthétisées, puis explorées à partir de cas particuliers qui permettent de dépasser des généralités.
Entre l'appel d'Aragon (son article « Du décor » en 1918) à voir les avant-gardes s'emparer du cinéma et l'appropriation de plus en plus courante dans les arts actuels des techniques *lmiques et du cinéma comme machine, spectacle, modalité temporalisée de la représentation, que s'est-il passé ?
Pour qui se trouve, comme Charlot, à claudiquer de part et d'autre d'une frontière d'ailleurs incertaine entre ces deux « champs », la recherche des proximités et des différences s'impose sans cesse à l'esprit, mettant à jour l'inégalité de statut entre les oeuvres et leurs signataires de part et d'autre, mais aussi les continuels transferts, échanges, greffes et rapports de domination réciproque. Il n'est sans doute pas exagéré, en effet, de dire que presque tous les grands artistes du XXe siècle ont été tentés (Picabia, Klein), ont pratiqué (Léger, Hains, Warhol, Serra, Nauman) ou ont côtoyé le cinéma (Picasso), y compris pour le refuser (Malévitch, Delaunay). Et que bon nombre de cinéastes ont cultivé une af*nité pictorialiste (Feuillade, Kubrick, Godard).
En même temps, l'exploration historique du contexte d'apparition du cinéma met en évidence ce qu'Eisenstein a appelé le « cinématisme » à l'oeuvre dans les arts plastiques - pour ne parler que d'eux - avant, pendant et au-delà du cinéma : une recherche de la mise en mouvement ou de la restitution du mouvement et de la durée. Un curieux chassé-croisé règle bien souvent les rapports des cinéastes et des artistes : les premiers ont voulu, dès les débuts du cinéma, légitimer leur « art » en reprenant à leur compte des valeurs esthétiques (composition de l'image, clair-obscur), au moment même où les artistes entendaient sortir de ces dispositifs esthétiques en recourant au contre-exemple du cinéma le plus brut (comique des premiers temps, vues Lumière). De nos jours, les cinéastes indépendants et expérimentaux participent pleinement aux problématiques de l'art contemporain au point d'envisager leur « entrée au musée » - être montrés dans des expositions -, et certains artistes opèrent un mouvement inverse en valorisant les attributs du cinéma industriel de masse, son imagerie et ses procédés narratifs. Les échanges et les contaminations n'ont donc pas cessé entre deux champs que l'économie continue cependant de séparer ; les textes qu'on trouvera ici réunis abordent l'un « au risque » de l'autre.
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L'attraction du cinéma pour la Lune s'exerce depuis la fin du XIXe siècle jusqu'à l'époque la plus récente qui voit de nombreux films prendre très au sérieux les projets d'installations de bases lunaires. La Lune dessine en effet les frontières d'un territoire cinématographique.
La Lune est affaire de regard : elle est ce point lumineux qui perce l'obscurité du ciel, cet oil capricieux qui préfigure les dispositifs de vision, au premier chef la projection, qui s'est très vite invitée dans la représentation.
La Lune est une combinaison d'espace et de temps, tous deux portés à un extrê-me : promesse d'un espace infini et d'un temps en éternel recommencement, elle est devenue le lieu d'une conquête du rêve par la réalité. Cette conquête a laissé des traces, que les films s'approprient. Un jour de l'année 1969, des hommes mar-chent sur la Lune et filment ce qu'ils voient. Ce film inouï, retransmis en direct par la télévision, hante l'Histoire tout autant que les fictions.
Si les frontières tracées par la Lune sont poreuses entre les arts, entre les consi-dérations esthétiques et les problèmes scientifiques, entre les enjeux politiques et les questions anthropologiques, le cinéma invente des figures à ces glissements et des modes de perceptions à ces figures. Les quatre parties qui composent ce livre s'intéressent chacune à un problème de cinéma, posé par les films qui représen-tent la Lune : la projection ; la non-coïncidence des durées ; la sidération visuelle ; la modernité mythologique.
Après l'année 1972, les hommes ne sont pas retournés sur la Lune qui reste un terrain d'incertitude. En cinéma, la Lune est au contraire l'espace de très prolixes explorations visuelles que les films visitent sans cesse.
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Ce livre, c'est l'histoire d'une rencontre qu'une chanson de Garrett List délicieusement impertinente a provoquée. Écrite avec son ami poète Ed Friedman dans les années 1970 à New York City, Fly Hollyhood est parvenue aux oreilles d'un photographe français, un peu vagabond et au talent fécond, Bernard Plossu, qui lui aussi avait vécu sur les deux continents. Il a fallu une galeriste liégeoise avertie, Véronique Marit, pour que ces deux artistes qui partagent la même intuition poétique et la même façon d'être au monde se rencontrent enfin... puis un éditeur généreux autant que visionnaire, Guy Jungblut, pour que l'idée de célébrer « la rencontre » prenne racine ... mais il n'était pas prévu que celui qui nous avait réjouis avec sa musique s'éclipse avant que La Rencontre ait eu le temps de voir le jour. Ce livre tombe à point nommé. Fly Hollywood !!!