Depuis quand se penche-t-on pour lire un cartel à côté d'une oeuvre d'art ? Pas depuis longtemps. Il faut attendre le milieu du XXe siècle pour voir fleurir sur les murs des musées ces petits rectangles de bristol. Mais l'usage de cette étiquette que l'on ne peut lire qu'en s'inclinant vers elle, dans un geste qui semble empreint de déférence, est loin d'être anecdotique ni dépourvu d'effets quant à la manière dont nous approchons les oeuvres d'art.
L'année 1929 est une année clé dans l'histoire de la photographie mondiale : la grande exposition Film und Foto est présentée du 18 mai au 7 juillet à Stuttgart. Organisée par Gustav Stotz, qui a su mobiliser autour de lui de nombreuses compétences internationales, l'exposition, appelée familièrement Fifo, marque les esprits ; elle va tourner ensuite dans une version réduite à Zurich, Berlin, Dantzig (Gdansk), Vienne, Agram (Zagreb), Munich.
Dès janvier 1929, dans la revue L'Art vivant, Jean Gallotti commençait la publication d'une série « La photographie est-elle un art ? » Jean Vidal (1904-2003), alors journaliste à L'Intransigeant, a saisi que quelque chose était dans l'air. Après un premier article annonçant son enquête, il visite quatre photographes (Kertesz, Krull, Man Ray, Tabard) qu'il interroge sur leur art. Tous sont nés dans les années 90 du XIXe siècle et ont donc alors entre trente et quarante ans. Ils participent aux revues Bifur, VU, Jazz, Variétés, Documents...
Cette suite d'articles de J. Vidal, fort intéressante, publiée entre février et avril 1930, n'a jamais encore, à notre connaissance, été réunie et rééditée
Ecrivain et critique d'art, Michel Nuridsany a été le condisciple de Daniel Buren lorsque tous deux fréquentaient, au milieu des années 50, l'Ecole des Métiers d'art située alors dans l'Hôtel Salé, devenu depuis le Musée Picasso. Le rappel de lointains souvenirs est l'occasion d'un portrait stimulant de l'artiste, sous un angle singulier.
Je sens que je suis, que nous sommes, sur un océan, par une nuit très longue, plus longue que la nuit, un intervalle de temps tout noir, et il nous faut écouter la voix d'Ishmael, écouter parler Queequeg, regarder la nuit étoilée tout en lisant, ou avoir quelqu'un lisant tout haut, près de nous, le chef-d'oeuvre de Melville, afin d'entendre l'âme de ce continent s'exprimant dans toute sa grandeur, et toute sa misère, dans ces pages où l'étrange duel entre Achab et Moby Dick se voit renouvelé, pendant que nous regardons depuis le bateau. En pleine tempête.
Au début de l'année 1914, Gaston Migeon, conservateur des objets orientaux au Louvre effectue un voyage den Russie. Comme il s'intéresse aussi beaucoup à l'art de son temps, il a la chance de pouvoir visiter les deux grands collectionneurs russes d'alors, qui ont acheté Monet, Degas, Gauguin, Picasso, Matisse, Bonnard et d'autres encore, alors que les musées français les dédaignaient. C'est ce témoignage rare que nous publions, accompagné de l'hommage de Migeon à un autre grand collectionneur et donateur, Isaac de Camondo
C'est le Picasso de l'immédiat après-guerre que nous présente ce texte d'Anatole Jakovsky, paru en revue et jamais réédité dans sa totalité depuis sa parution en 1946. Jakovsky, venu de Pologne s'installer à Paris au début des années 30, connaissait Picasso depuis 1934. C'est en confiance qu'il le rencontre à l'atelier des Grands- Augustins où Picasso a succédé à Jean-Louis Barrault en 1937 et où il a peint Guernica. Jakovsky décrit les lieux et recueille les propos de l'artiste. Le texte est complété par deux autres articles méconnus.
L'écrivain, enseignant et diplomate français Gabriel Bounoure a joué un rôle capital pour une génération de jeunes étudiants libanais qui ont découvert avec enthousiasme Nerval, Baudelaire, Rimbaud grâce à ce formidable « passeur » qui créa à Beyrouth L'Ecole des Lettres et sut transmettre la passion de la littérature à des jeunes gens ouverts à tutes les découvertes. Etel Adnan était l'une d'entre eux, avec Salah Stétié. Cet ouvrage propose la grand eprose poétique qu'Etel Adnan écrivit dans les années cinquante en hommage à ce « maître », de même que son premier texte jamais publié, à Beyrouth en 1949, sur Fromentin, et deux textes de souvenirs sur Bounoure et L'Ecole des Lettres.
« Une chronique, par un témoin de premier plan, allant de 2018 à 2020, relatant l'installation de David Hockney en Normandie pour y peindre « L'Arrivée du Printemps ». La sortie de cet ouvrage coïncidera avec une importante exposition d'oeuvres de l'artiste à la Galerie Lelong & Co. à Paris le 15 octobre ».
Ce texte et le premier jamais publié par Paul Gauguin ; il a paru en deux livraisons dans l'éphémère revue "La Moderniste illustré" , l'été 1889. Il n'avait à ce jour jamais été republié dans son intégralité et avec annotations. Gauguin réagit avec passion et malice à la présence de l'art "contemporain" dans la fameuse Exposition universelle de 1889, qui vit l'inauguration de la Tour Eiffel, la venue de danseuses balinaises et du "cirque" de Buffalo Bill.
La version inédite complète d'un entretien réalisé en 1986 avec le grand artiste américain (1914-1999) originaire de Roumanie et devenu mondialement célèbre pour ses superbes couvertures du New Yorker.
À l'école, en Roumanie, j'avais un uniforme militaire et un matricule, de sorte que j'avais l'impression que n'importe qui pouvait relever mon numéro et me dénoncer. Être juif en Europe, c'est savoir que la géographie et l'histoire sont provisoires, c'est aussi être toujours prêt pour l'émigration. Or l'émigration a des vertus, c'est comme une renaissance, on peut ainsi avoir une deuxième, une troisième, une quatrième vie. En se mettant dans la position inconfortable de l'immigrant, on retourne à l'enfance. Parmi mes nombreuses vies, il y en a une qui a duré très peu, environ un an, à Saint-Domingue. Je me considère comme mort à l'âge d'un an à Saint-Domingue.
"Je ne sais pas si le mot vocation est exact en ce qui me concerne. Je ne me rendais pas très exactement compte alors si je voulais être peintre. Il me semble bien que, à cette époque, ce qui m'attirait, ce n'était pas tellement l'art, mais plutôt la vie d'artiste avec tout ce qu'elle comportait, dans mon idée, de fantaisie, de libre disposition de soi-même. Certes depuis longtemps j'étais attiré par la peinture et par le dessin, mais sans que ce fût une passion irrésistible, tandis que je voulais à tout prix échapper à la vie monotone." P.
Bonnard à Raymond Cogniat, juillet 1933.
"C'est très difficile, la peinture. Et il y a dix ans à peine que je commence à m'y reconnaître...".
P. Bonnard à Maximilien Gauthier, décembre 1937
Loin d'avoir une origine purement littéraire, comme on l'a trop souvent prétendu, le mannequin "métaphysique" est issu d'une recherche autonome et purement formelle du peintre Giorgio De Chirico (1888-1978). Né en opposition au "mannequin réaliste" des vitrines parisiennes et à l'homme-machine théorisé par l'avant-garde futuriste, le mannequin métaphysique résulte également d'une approche répétée des simulacres de la figure humaine, à savoir la statue, l'ombre, le double et la marionnette, qui incarnent les différentes possibilités de représenter l'être humain en le saisissant dans sa forme matérielle, entre le vivant et l'inanimé.
Une étude minutieuse et très argumentée de la question du mannequin dans l'oeuvre de De Chirico, à l'occasion de l'exposition consacrée à l'artiste par l'Orangerie des Tuileries à Paris du 1er avril au 13 juillet 2020.
Dans les années 20 et 30, le jeune peintre Emile Compard a la chance de fréquenter le peintre Pierre Bonnard et le grand critique Félix Fénéon ; il a l'occasion après la seconde guerre mondiale de publier ses souvenirs dans deux publications devenues très difficiles d'accès aujourd'hui ; nous rééditons ces textes accompagnés de lettres et notes inédites.
L'Académie Julian a` Paris, institution indépendante, a vu passer dans ses ateliers, entre le dernier quart du XIXe siècle et la première moitié du XXe, quantité d'artistes débutants et alors inconnus : de Nolde à Matisse, de Duchamp à Léger, de Bonnard à Kupka ; mais aussi et surtout des femmes, en un temps où l'Ecole des Beaux-arts ne les admettait pas. Y étudièrent entre autres Marie Bashkirtseff, Louise Breslau et plus tard Louise Bourgeois. Ce texte de 1881 raconte avec une certaine verve les débuts de l'Académie.
Ce livre restitue l'atmosphère du San Francisco des années 60, plus précisément du petit port de Sausalito où des artistes s'étaient installés que des vieux bateaux amarrés au Quai n°5. Il y avait là notamment Jean Varda, qu'Agnès Varda appelait « Oncle Yanko », et Piro Caro horticulteur philosophe anarchiste. Etel Adnan a alors interviewé ces deux personnages ; les entretiens étaient restés inédits. Les voici enfin traduits, avec une double préface d'Etel Adnan. Le tout traduit de l'anglais par Patrice Cotensin.
Parmi les traits partagés par Bacon et Giacometti, il faut noter le très caractéristique isolement dans l'espace, quasi anxiogène, des figures qu'ils créaient - notamment au moyen du système de « cages » déjà évoqué.
Les deux artistes tendaient à confiner leurs sujets entre les murs d'une pièce. Et si Giacometti en sortait parfois pour installer un paysage étrange et désolé, Bacon, lui, ne s'aventurait que très rarement hors de ses intérieurs claustrophobiques, étroitement verrouillés, où l'air semble manquer. Beaucoup de paysages européens ayant été dévastés par la guerre, la vie se réfugiait dans des lieux clos, avec un être humain encore plus isolé dans la vacante banalité d'un intérieur moderne.
Hockney vivait et travaillait alors dans un appartement de Powis Terrace, à Notting Hill, quartier qui ne ressemblait en rien à ce qu'il est devenu aujourd'hui, chic, attirant touristes et clients d'antiquaires. Au contraire, c'était alors un quartier difficile et même dangereux, un des pires de Londres, plein de taudis, avec beaucoup de familles antillaises immigrées. Il venait d'être, récemment, le théâtre des fameuses émeutes raciales de Notting Hill. Je me souviens être allé là dans un mélange d'excitation et d'inquiétude, et je fus frappé par la façon dont Hockney avait réussi à transformer son atelier dans cette zone sinistre en un brillant lieu de rencontre accueillant toutes sortes de gens vifs et surprenants.
"Je pense que pour moi, l'art que je préfère, c'est vraiment l'art égyptien. Je ne sais pas pourquoi. Je n'arrive tout simplement pas à croire à la mort telle qu'on la percevait en Egypte. Je crois qu'on naît et qu'on meurt, et c'est tout. Mais néanmoins, à partir de leur obsession de la mort, les Egyptiens ont créé les images les plus extraordinaires. " F. B.
Le grand ami et spécialiste de Bacon a rencontré dans son atelier de Berlin le peintre roumain qui en quelques années est devenu un des peintre les plus recherchés internationalement ; leur échange est éclairant sur cette nouvelle génération de l'art venue de l'Est qui, nourrie de classicisme et de modernisme cherche aujourd'hui une voie originale.