Une histoire de l'humanité vue du côté du Malin, écrite par le sociologue Vilem Flusser. Ou comment le diable n'en fait qu'à sa guise en nous poussant vers les sept péchés capitaux. Une allégorie ironique qui décrit notre monde moderne...
Post-Histoire, rassemble une vingtaine d'essais qui ont été initialement des conférences données par le philosophe Vilém Flusser (1920-1991) dans des universités de Marseille, Jérusalem et Sao Paulo. Initialement écrit en anglais, puis traduit en allemand et en portugais, Post-Histoire a été édité pour la première fois au Brésil en 1983. Cette version française n'a encore jamais été publiée. Ce texte se veut être, pour l'auteur, le « miroir de la condition humaine aujourd'hui », et offre au lecteur une critique féroce de la société tout en posant la question de la place laissée à la liberté dans un monde programmé.
Dans la majorité de ces textes laissés en plan à son décès, Flusser interroge toujours les relations intimes de la nature et de la culture. Le brouillard, le vol des oiseaux, un pré, l'orage, les vallées, la pluie : dans des miniatures merveilleusement précises et subtiles, le philosophe Vilèm Flusser décrit ses perceptions et ses expériences avec naturel. Il montre, comment ce qui a été décrit constamment comme la nature n'est en fait que la partie d'un espace cultivé, alors que ce qu'on qualifie de créations culturelles sont devenues une deuxième nature.
Vilém Flüsser est considéré comme "le philosophe des médias", "le philosophe numérique du XXe siècle". En dépit de tout l'optimisme qu'elle affiche parfois, sa philosophie des nouveaux médias procède en fait d'un règlement de comptes avec ce secteur auquel nous réduisons d'ordinaire les médias : les massmédias. Dans le développement conjoint, aussi stimulant que précipité, de la télécommunication et des technologies numériques, Flüsser voyait la chance d'échapper à une civilisation télévisuelle. La mise en réseau de la société par les nouveaux médias signifie en dernière analyse une rupture radicale dans
l'évolution culturelle, une "catastrophe de la civilisation bourgeoise", mais elle dégage aussi, en revanche, la possibilité de nouvelles formes d'imagination. Mort en 1991, Flüsser n'a pas vécu lui-même le boom des "multimédias" et de l'"autoroute de l'information", mais il aurait été d'un tout autre avis, car il
n'était encore nullement entendu pour lui que les technologies numériques allaient en effet contribuer à civiliser l'humanité, ou ne faisaient qu'annoncer une ère tout aussi barbare que celles qui l'ont précédée : d'une barbarie numérique . "Rien de neuf avant la catastrophe, du neuf seulement après."
Le livre Vampyroteuthis Infernalis est un remarquable opuscule d'épistémologie-fiction. L'expression latine « vampyroteuthis infernalis » désigne le « vampire des abysses », une espèce de céphalopode vivant au fin fond des abysses des océans.
Sauf que ce vampire n'existe pas.
Abraham A. Moles résumé assez bien le projet de Flusser : « des écrits de Flusser, retenons en langue allemande un essai brillant - peut-on dire génial ? - de philosophie-fiction, Vampyroteuthis Infernalis, dans lequel, appliquant la méthode de Thomas More, de Montesquieu et de Voltaire, il imagine que l'évolution darwinienne des espèces aurait pu conduire à tels êtres, à tels céphalopodes fantastiques gîtant au fond des mers, ignorants des humains mais pourvus d'une Académie des sciences, et donc d'une Science, d'une Géométrie, et d'une théorie de la perception. Qu'en serait-il donc de cette «science», dont Carnap prétend qu'elle est unique, et que le monde est un tout corrélé qu'il est en toutes ses parties. L'étude de la science des Vampyroteuthis ne peut alors logiquement contredire celle des êtres humaines, même si ses contenus pratiques sont substantiellement différents, car ces contenus sont tributaires de leur perception et donc de leur environnement, elle peut éclairer notre science d'un jour différent. » Vampyroteuthis Infernalis est donc un ouvrage d'éthologie sur un animal qui n'est qu'une fiction. Toutefois, en décrivant précisément, à la manière d'un entomologiste, la nature et la culture de ce vampire, Flusser trace en creux une anthropologie de l'humanité confrontée à ses propres enjeux épistémologiques (qu'est-ce que la Science ? En quoi ces vampires sont-ils finalement si différents de nous ?, etc.). Vampyroteuthis Infernalis est un mélange de fable, de discours philosophique, de parodie, de traité scientifique ; sa lecture en est extrêmement facile (et, de fait, souvent drôle), à mi-chemin entre la cognition animale, la philosophie et l'art.
Jouant le jeu jusqu'au bout, Flusser a demandé à son ami artiste Louis Bec de dessiner des planches anatomiques «réelles» des vampires décrits dans le texte. Ces 15 planches, publiées en fin d'ouvrage sous l'égide du parodique Institut scientifique de recherche paranaturaliste, reflètent artistiquement tout le propos de Vilém Flusser.