Au coeur des collines du piémont, dans une italie qui n'est encore au début du xixe siècle qu'une mosaïque d'états et de royaumes, l'histoire se déroule sur trois générations d'une famille de paysans aisés. Ecrivain de la mémoire, rosetta loy sait nous faire aimer ses personnages inoubliables. luis qui plaisait tant aux femmes, bastianina la jeune novice impétueuse, teresina et sa passion pour les pommes reinettes et pour mozart, son fils pietro-giuseppe, l'enfant rebelle qui s'en ira chercher à gênes la liberté et la justice. une nostalgie invincible nous prend, comme si cette famille était aussi la nôtre, une famille lointaine, oubliée.
Le bel appartement romain, les vacances à la montagne les doux souvenirs d'une enfance innocente côtoient d'autres souvenirs, plus inquiétants, qui affleurent peu à peu dans les visages et les silhouettes de ces personnes devenues du jour au lendemain " autres " par décrets, et persécutées pour cela.
Rosetta loy retrouve les signes mystérieux et ambigus d'un quotidien vécu à l'abri de l'histoire, et elle chercher derrière les faits - en s'attachant aux silences du pape pie xii - les moments cruciaux d'une période pendant laquelle nul ne fut capable de s'opposer à la folie nazie.
Elle trace ainsi les contours de cette zone " grise " dans laquelle mémoire individuelle et mémoire collective se superposent pour le pire, découvrant la trame d'un dilemme historique et moral toujours d'actualité.
Ce court récit se déroule sur un temps très resserré, à peine un mois et demi en août-septembre 1943. Période historique tragique pour l'Italie : les Américains ont débarqué en Sicile au printemps et remontent peu à peu la péninsule, chassant les populations vers le nord ; pour la première fois le pays connaît les bombardements, le rationnement, les représailles. Jusqu'à la date historique du 8septembre 1943 où Mussolini est démis de ses fonctions de Duce par le Grand Conseil fasciste.
La famille de Rosetta Loy a réussi à quitter Rome et s'est repliée en Vallée d'Aoste, dans le grand Hôtel Brusson, où plusieurs familles de la bourgeoisie se sont également réfugiées. Dans cet hôtel qui garde l'apparence d'un lieu de villégiature, les jeunes gens trompent le temps de l'attente et de l'inquiétude : ils s'amusent, se taquinent avec l'insouciance de leur âge, tombent amoureux, jouent au tennis - mais ils n'ont pas de chaussures et ils ont faim. Rosetta Loy a douze ans, elle est la cadette de deux soeurs et la plus jeune du groupe, les garçons n'ont d'yeux que pour ses soeurs. Tenue pour quantité négligeable, amoureuse d'un jeune garçon manchot qui ne lui prête pas attention, elle se sent à l'écart dugroupe, sur lequel elle porte un regard de témoin à la fois ingénu et douloureusement attentif.
Lorsque arrive la date du 8 septembre 43, l'écroulement du régime fasciste est une surprise. Pour chacun de ces jeunes gens, cela voudra dire l'entrée brutale dans la vie d'adulte : chacun devra choisir son camp, qu'il le veuille ou non. Celui qui est juif sera envoyé quelques mois après dans un camp et l'on perdra sa trace, un autre optera pour la fidélité à la "Patrie", c'est-à-dire au Duce, et rejoindra les rangs de la République de Salò, un autre encore choisira le camp "ennemi", celui des partisans qui ont pris le maquis.
Commencé avec légèreté sur l'évocation d'une chanson en vogue cet été-là, « Ay, Paloma », qu'un des jeunes gens ne cesse depasser sur son gramophone, le récit se clôt le 8 septembre sur cette même chanson : mais en un mois et une semaine, tout a basculé.
Des adolescents insouciants ont rencontré l'Histoire et plus rien, jamais, pour aucun d'eux, ne sera pareil.
Tissant avec simplicité la trame des images, des sensations qui enserrent les personnages dans les fils de l'Histoire et de leur proprehistoire, Rosetta Loy recompose ici à nouveau, à sa manière légère et subtile, la mémoire d'une certaine période de l'Italie que les Français généralement ignorent, et que les Italiens eux-mêmes commencent tout juste d'explorer.
Madame amitz avait imaginé des " destins " pour ses filles, mais isabella est partie très jeune se marier à rome et margot vit encore dans la grande maison de famille, dans les montagnes suisses.
La vie amoureuse agitée et compliquée de cette grande bourgeoise catholique...aujourd'hui grand-mère, a laissé de nombreuses traces insidieuses et conflictuelles chez ses enfants naturels ou adoptifs. la seconde guerre mondiale et l'arrivée d'arturo jeune intellectuel juif ami d'isabella qui vient se réfugier dans la demeure familiale, transformeront les non-dits en guerre de religion, à l'échelle privée, mais qui peut être tout aussi sanguinaire.
Rome à la fin des années trente.
Des parents distants et sans tendresse, une éducation stricte sous la houlette de religieuses parfois cruelles poussent une petite fille - dont la solitude est terrifiante - vers la seule personne présente dans sa vie, sa gouvernante allemande, anne-marie. mais cet amour têtu et inconditionnel, comme seuls peuvent en éprouver les enfants, n'est pas réciproque. anne-marie ne ressent qu'indifférence, voire agacement, à son égard.
A travers le récit de cet attachement contrarié se glisse, insidieuse, l'histoire. au loin, les prémices de la guerre se font sentir. de l'autre côté de la rue, une famille juive vit ses derniers instants de bonheur simple sous les regards d'une petite héroïne fascinée et d'une jeune allemande à l'hostilité farouche. ainsi retrouve-t-on dans la porte de l'eau, publié une première fois en italie en 1976, les thèmes qui hanteront toute l'oeuvre de la romancière ; l'enfance innocente et capricieuse confrontée au monde des adultes et à l'histoire, celle de la seconde guerre mondiale.
Rosetta loy nous offre un chefs-d'oeuvre de subtilité et de poésie alliées à la précision de son écriture d'une beauté époustouflante.
1939. L'arrière -saison est belle. De grands bourgeois italiens profitent des dernières heures ensoleillées avant le déclin du jour. Ils ont de l'argent, une automobile avec chauffeur, des domestiques. Ils partent à Paris, à Vienne. Ils boivent du thé, jouent au tennis, écoutent Wagner sur un gramophone. Les journées sont paresseuses. L'humeur est langoureuse, vaguement inquiète.
Dans ses nouvelles Rosetta Loy livre des instantanés presque photographiques d'une société sur le point de disparaître. Nous sommes à ce moment qu'elle appelle « l'instant d'avant la grande nuit ».
Celle qui s'abattra sur l'Europe au cours de l'automne 1939.