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Pierre Senges
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Un long silence interrompu par le cri d'un griffon
Pierre Senges
- Verticales
- 2 Février 2023
- 9782072988837
Eschyle, Cary Grant, le golem, les huîtres, un vizir des Mille et Une Nuits et Sergueï Eisenstein ont au moins un point commun : le silence. Plus précisément, ce point commun s'appelle Pavel Pletika, né en 1881 dans la Russie d'Alexandre III et mort quatre-vingts ans plus tard dans l'URSS de Nikita Khrouchtchev. Au terme des années vingt, connu pour ses conférences trop bavardes et décousues, il s'isole pour se consacrer à l'écriture d'une vaste Encyclopédie du silence. Il lui faut une trentaine d'années pour en venir à bout, après quoi Pletika prend soin de la dissimuler. Son goût pour l'effacement s'ajoutant à son amour du jeu, il laisse derrière lui une oeuvre à décrypter. Pierre Senges a reproduit de larges extraits de cet abécédaire récemment mis au jour. Le lecteur y trouvera de quoi combler les silences de ce destin parsemé d'énigmes.
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Dans un texte intitulé Le roman, Giorgio Manganelli fait l'éloge des « nouveaux et acerbes Wisigoths », écrivains pour qui la littérature continue d'être, vaille que vaille, un joyeux mensonge, un jeu, une partie d'échecs « éternelle, fatale et inutile ». L'épître s'adresse à eux, mais à la vérité cet essai recueille les lettres que nous ont envoyées tant de Wisigoths de la littérature, depuis les auteurs d'élégies érotiques romaines jusqu'à l'ogre de Budapest Miklós Szentkuthy.
On se souvient du baron de Münchhausen chevauchant un boulet de canon. Son aventure évoque l'une des plus célèbres expériences de pensée d'Albert Einstein, quand il s'imaginait chevaucher un photon.
Sous l'égide des Wisigoths de Manganelli, nous voulons faire l'éloge de la littérature comme expérience de pensée : des hypothèses prises au sérieux, des démonstrations par l'absurde, des postulats suivis de leurs corollaires. Comme au cours des aventures d'Alice, comme dans les nouvelles de Sigismund Krzyzanowski, l'expérience de pensée engendre le récit, le récit à son tour vient nourrir une pensée.
Et comme le fait le comte de Monte Cristo dans la version d'Italo Calvino, nous énumérons les hypothèses pour multiplier les possibles, et donc multiplier nos chances.
Pierre Senges -
L'histoire du calife sauvé par une brindille
Pierre Senges, Rodolphe Duprey
- L'École des loisirs
- Neuf
- 26 Mai 2021
- 9782211309820
Le calife Hamidal raffole des brochettes de poulpe grillé. Pour satisfaire sa gourmandise, il lui arrive de se déguiser en cordonnier, de quitter son palais incognito, de courir la ville et d'en engloutir une bonne dizaine. L'escapade n'est pas sans danger. Une nuit, Hamidal se fait dépouiller par trois brigands puis jeter dans les eaux noires du port. Le calife ne sait pas nager. Une jeune femme plonge pour le sauver. Qui est-elle ? Et que fait-elle au milieu de la nuit dans cet endroit mal famé ? C'est une longue histoire...
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Le singe et l'épouvantail
Pierre Senges, Albertine
- La Joie De Lire
- Livres Promenade
- 21 Janvier 2021
- 9782889085378
Par une froide nuit d'hiver, un singe se voit refuser l'hospitalité au château. S'apprêtant à dormir à la belle étoile, il rencontre un épouvantail. Celui-ci se révèle être un sage conseiller ? qui maîtrise l'art de la fable... Méfiance, car n'oublions pas que, souvent, tel est pris qui croyait prendre ? ! Un brillant hommage à La Fontaine dont on fête le 400e anniversaire de la naissance.
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L'art de naviguer ; vivacité de pesanteur l'art de faire naufrage
Antonio De guevara, Pierre Senges
- Vagabonde
- 15 Avril 2021
- 9782919067336
L'antienne est connue : l'existence est un voyage. Ici, toutefois, la métaphore s'effondre car la navigation en mer, plus qu'aucune autre activité humaine, favorisa au XVIe siècle les ententes fatales entre l'aléatoire (les décrets de la Fortune) et l'inéluctable (la mort)? la notion de « galère » étant d'autant mieux partagée que son domaine s'étend indifféremment à toutes les brimades que réserve l'existence. Mêlant fable et réalité, Antonio de Guevara a composé une fiction où s'enchaînent la peinture de scènes saisissantes de la vie sur une galère et la description minutieuse du mouvement qui a pu animer ces âmes décidant de « prendre le large ». Ce à quoi Pierre Senges lui « répond » dans une autre fiction qui lui fait suite, aussi drôle que pertinente, plus actuelle et au titre explicite : L'art de faire naufrage (vivacité de pesanteur). « Certains se lamentent sur le pont du navire, au chapitre de la tempête, quand il s'ouvre en deux (le navire, mais le chapitre aussi), pile au milieu, là où il était le plus chargé, le plus fragile, et lègue à l'océan son contenu de merveilles? ah, l'insatiable océan : indifférent, absolument indifférent et cependant glouton comme personne, sa gloutonnerie proportionnelle à son absence d'appétit véritable. » (P. Senges)
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La réfutation, majeure en effet, est la suivante : il n'existerait pas de Nouveau Monde, découvert par Christophe Colomb.
Celui qui avait exigé de se faire appeler « L'Amiral de la mer océane » a-t-il découvert un nouveau monde ou ail inventé l'Amérique ?
Le corps principal de La Réfutation majeure, suivi d'une postface et d'une coda, se présente sous la forme d'une longue lettre adressée par Antonio de Guevara à Charles Quint, dans laquelle il dénonce la croyance en l'existence d'un nouveau continent avec des arguments qui vont des plus sérieux aux plus extravagants.
Ce troisième roman, somptueusement écrit, de l'auteur remarqué et salué de Veuves au maquillage et de Ruines-de-Rome (Prix du deuxième roman 2003), vient nous rappeler, avec une pertinente ironie, la passion des hommes pour l'ignorance et cette complexe et éternelle division entre les dupes, les non-dupes et ceux qui se croient non-dupes.
D'aucuns ont entendu parler d'un livre intitulé Refutatio major, faussement attribué à don Antonio de Guevara, dans lequel ledit Antonio prétend qu'il ne peut exister de Nouveau Monde, seulement des chimères et de malveillantes rumeurs & des inventions colportées par quelques intrigants. Ces mêmes personnes affirment que les raisons avancées par ledit Antonio sont fort déconcertantes.
Bonaventura d'Arezzo Propos sur les ombres (1531)
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Avec ces « projectiles », Pierre Senges lance son nouveau défi littéraire :
Une enquête minutieuse à propos de la « tarte à la crème ». Pour aborder cet objet d'étude incongru, il suit de nombreuses pistes, réparties en 58 fragments aux titres peu académiques. D'emblée, son attention se porte sur un usage détourné de la fameuse pâtisserie dans La Bataille du Siècle (1927) - un court-métrage muet de la série des Laurel et Hardy. On y assiste à un enchaînement d'entartrages entre personnages ciblés par mégarde cherchant à se venger de semblable manière jusqu'à un summum de tirs croisés, vingt minutes durant. Parallèlement, l'auteur s'intéresse à la Los Angeles Cream Pie Company, créée par les soeurs McKenzie, qui dut sa fortune aux quantités phénoménales de tartes commandées par les studios, jamais consommées puisque vouées à devenir les accessoires d'un pugilat grotesque.
Cette étude comparée de deux essors industriels - celui des desserts à la crème et du septième art - fondés sur un non-sens économique et une mécanique du running gag, résume bien la visée de cet essai fictif :
Prendre à revers l'esprit de sérieux. L'auteur n'en soulève pas moins des questions d'ordre métaphysiques. Prenant au pied de la lettre une phrase attribuée à Stan Laurel - «On a voulu faire en sorte que chaque tarte ait un sens»-, Senges imagine, sur les plateaux de tournage, le rôle inédit des « significateurs » de tartes...
Au terme de cette facétieuse démonstration, c'est la recherche même d'un quelconque « message » dans l'esthétique du burlesque qui finit par être réfutée, au bénéfice d'un éloge de la fuite en avant accidentelle.
Le dixième opus de Pierre Senges peut se lire comme un traité de sémiotique gourmande ou un retour aux sources comiques du cinéma muet, mais il est aussi une machine de guerre contre ces significateurs, anciens ou modernes, qui voudraient enfermer chaque oeuvre d'art dans leur grille d'interprétation. Sous des airs loufoques, il finit par prêter à ce lancé de crème fouettée toute sa gravité, au sens propre et figuré, celle d'un « pitre sérieux » conjurant par le rire le non-sens universel.
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Cendres des hommes et des bulletins
Pierre Senges, Sergio Aquindo
- Le Tripode
- 8 Septembre 2016
- 9782370550958
Tout a commencé par une faute d'orthographe, un instant dyslexique. Par la grâce d'une erreur sur les bulletins de vote, un idiot est élu pape en 1455 à la place du grandissime favori. « Ce n'est pas le premier exemple d'injustice née à cause d'une seule lettre de l'alphabet : on a connu des schismes pour moins que ça, des guerres civiles ». Oui, mais voilà, l'infortuné, furieux, s'autoproclame antipape et décide de parcourir l'Europe pour s'allier les grands de ce monde, réparer la folle erreur.
En 2010, l'artiste Sergio Aquindo invite l'écrivain Pierre Senges au musée du Louvre pour lui faire observer un tableau de Brugel, qui demeure un mystère pour les historiens de l'art. Des mendiants à l'allure désastreuse, portant des queues de renard et d'étranges couvre-chefs. D'où viennent ces gens ? Que font-ils là ? Sergio Aquindo et Pierre Senges ont essayé de comprendre. Six ans plus tard, voici leurs hypothèses réunies dans le roman Cendres des hommes et des bulletins.
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Le lecteur trouvera ici la suite véridique des aventures d'Achab, soi-disant capitaine, rescapé de son dernier combat contre un poisson immense. On verra comment ce retraité à la jambe de bois a tenté de vendre au plus offrant son histoire de baleine - sous forme de comédie musicale à Broadway, puis de scénario à Hollywood. En chemin, on croisera Cole Porter et ses chorus girls, mais aussi Cary Grant, Orson Welles, Joseph von Sternberg ou Scott Fitzgerald, noyé dans son alcool, ainsi qu'une kyrielle de producteurs, louches à divers degrés.
On se souviendra au passage du jeune Achab s'embarquant à dix-sept ans pour Londres dans l'espoir d'y jouer Shakespeare, et des circonstances qui présidèrent à la rencontre du librettiste Da Ponte avec Herman Melville, en 1838. On apprendra, in fine, la meilleure façon de réussir le cocktail Manhattan et avec quelle ténacité l'increvable Moby Dick cherche à se venger de son vengeur.
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S'inscrivant dans la suite de La réfutation majeure (2004) mais sur le mode de l'essai, Environs et mesures propose de comparer géographie réelle et géographie imaginaire. Les tentatives menées, d'un bout à l'autre de l'histoire, pour fixer sur une carte des lieux imaginaires font naître, sous la plume de Pierre Senges, un étonnant catalogue, écrit à la manière de Sir Thomas Browne ou de Robert Burton. Regroupant des catégories hétérogènes qui auraient ravi Borges (" paradis ", " enfer ", " lieux de l'Odyssée ", etc.), le texte s'attarde aussi sur quelques figures étonnantes : l'historien Victor Bérard qui passa vingt ans de sa vie, au tout début du siècle dernier, à chercher l'île de la nymphe Calypso, ou la dizaine de chercheurs qui tentèrent de localiser, sur une carte de l'Espagne, la " bourgade dont je ne veux pas me rappeler le nom ", évoquée par Cervantès au tout début de Don Quichotte. Au-delà du plaisir encyclopédique à énumérer noms de lieux exotiques et figures de géographes sérieusement cocasses, ce bref essai tente d'expliquer les raisons qui ont poussé tant de savants à assigner en un endroit précis des territoires de pure fiction; il montre comment l'imaginaire et le réel, le flou et la précision se prolongent l'un l'autre, nourrissant notre curiosité et notre émerveillement. Et ces explications ne sont pas là pour servir de leçon, mais au contraire pour inviter le lecteur à découvrir une autre forme de gai savoir, par le voyage ou par la lecture.
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Un commis aux écritures, et faussaire amateur, veut en finir avec lui-même.
Par orgueil ou paresse, il choisit de mourir assassiné, comme on force le destin à vous planter un poignard dans le dos. Parcourant la presse, il se passionne pour certaines veuves homicides. Dès leur sortie de prison, il va au-devant d'elles et entreprend de les séduire. Six veuves tombent sous le charme, sans que ce Landru paradoxal ne parvienne à ses fins - la sienne -, aucune ne cédant aux tentations de la récidive.
Leur fréquentation assidue lui ouvre cependant d'autres perspectives. Dans le boudoir philosophique où il mène désormais six vies conjugales de front, une autre forme de suicide l'attend, fragmentée selon le cérémonial raffiné d'une chirurgie amoureuse. D'où ce happy end : il ne restera plus grand-chose du narrateur à la fin de son récit. Tour à tour érudit, libertin, zoologique, subversif, extrême-oriental et anatomique, ce premier roman ne se refuse aucune excentricité, aussi invraisemblable soit-elle.
Il est possédé par une force de jubilation que Pierre Senges a su rendre contagieuse.
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Les Aventures de Percival, conte phylogénétique, est le premier titre de notre nouvelle collection de « Contes illustrés pour adultes », dont l'ambition est de confronter la littérature avec les plus récentes recherches en science cognitive.
Les Aventures de Percival reprennent à ce titre une métaphore souvent évoquée par la littérature scientifique quand il s'agit d'illustrer les questions de probabilité : Un chimpanzé tapant au hasard sur une machine à écrire finira tôt ou tard par composer un sonnet de Shakespeare.
McIntosh, personnage de jardinier-mathématicien, cousin spirituel du baron de Münchhausen, décide de prendre la fable au sérieux. À l'aide d'un chimpanzé bien vivant appelé Percival et d'une véritable machine à écrire, il compte mener l'expérience à son terme.
Bien sûr, les choses ne se passeront pas comme prévu, le chimpanzé se montrera moins docile qu'on aurait pu le croire, faisant preuve de malice, d'intelligence, voire de scrupules, puis d'une conscience évoluée. Peu à peu, alors que se déroule l'histoire sous la forme de variations sur un même thème, on se rend compte à quel point l'humain et le chimpanzé peuvent se tenir proches, comme deux frères.
À la lecture des derniers chapitres, on apprendra comment transcender l'éternelle distinction homme/animal en s'aventurant du côté du végétal.
Les Aventures de Percival s'inspire des travaux de Dominique Lestel, philosophe-éthologue, et d'Alain Richert, paysagiste-botaniste. Il tient compte (à sa guise) des plus récentes spéculations en matière d'éthologie, et détourne l'usage de l'éthogramme (description de comportements) afin de trouver d'autres façons de raconter les fables.
Les dessins de Nicolas de Crécy sont là pour apporter un peu de rigueur scientifique à la fantaisie, et vice-versa.
Les « Contes illustrés pour adultes » :
Comment la littérature et la science se contaminent-ils l'un l'autre ? L'ambition de cette collection inédite vise à introduire les recherches actuelles des sciences cognitives qui revisitent nos modèles des théories de la connaissance. Elle renoue avec une tradition de la littérature scientifique qui a pour but de faire rêver et méditer sur la façon de se représenter le monde tel qu'il se définit aujourd'hui. Cette collection emprunte aussi à la notion de conte en soulignant son aspect ludique dans le but de faire émerger ces nouvelles «géographies mentales».
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Au centre de ces Fragments..., la personnalité singulière de Georg Christoph Lichtenberg (1742-1799), écrivain, physicien, mathématicien, homme d'énigme, de solitude et de grande fantaisie, avant tout réputé pour ses écrits derrière lesquels il semble avoir disparu. Pour transformer en fiction cette existence méconnue, Pierre Senges pose l'hypothèse suivante : les milliers d'aphorismes de Lichtenberg seraient en vérité les morceaux épars d'une grande oeuvre mystérieuse, aujourd'hui perdue. Autrement dit, Lichtenberg aurait passé sa vie solitaire à composer un roman monumental, entre La Recherche du temps perdu et Les Mille et une Nuits, et ses aphorismes en sont les dernières traces.
Quel était ce roman ? Pourquoi et comment a-t-il disparu ? Dans quel ordre associer les pièces de ce vaste casse-tête ? C'est l'énigme que tentent de résoudre, dans ce roman à tiroir, des chercheurs des quatre coins de l'Europe, chacun y allant de son interprétation. Ainsi, selon Mulligan et Stewart, il s'agirait d'une biographie de Polichinelle ; d'autres y voient l'histoire d'un concile de Pampelune penché des années durant sur la troublante révélation de Christophe Colomb selon laquelle la terre ne serait pas tout à fait ronde, mais plutôt semblable à un sein de femme. Autres hypothèses : les fragments rassemblés raconteraient l'histoire d'un Ovide revenu d'exil, étonné de ce qu'il voit après une dizaine d'années d'absence ; ou une version moderne de l'Arche de Noé ; ou encore l'ébauche d'un nouveau Robinson Crusoé... Autant de spéculations jubilatoires au sein d'un imaginaire fantasque et savoureux.
Dans cette biographie baroque, Pierre Senges donne enfin à l'humble et génial Lichtenberg l'écrin que la Littérature lui devait.
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L'histoire officielle ne connaît que l'ascension et les progrès incessants de l'aéronaval; elle applaudit les aviateurs, en recueille les débris ou les paroles, et ne cesse d'admirer par en dessous leurs prouesses.
En cas de chute, elle déplore l'accident, signale les fausses manoeuvres, maudit même l'imprudent ou le fou livré au vide sans précautions. mais il faut se rendre à l'évidence : le nombre de ces chutes est tel qu'il ne peut s'expliquer simplement par la panne ou l'erreur.
Les hommes et les femmes qui, depuis icare jusqu'à la grande guerre, n'ont pas cessé de tomber, parfois à plusieurs reprises, ne cherchaient pas à connaître l'ivresse du vol, ni déjouer ses mystères, mais testaient la gravitation, et tombaient pour de bon, parce qu'ils le voulaient bien.
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Franz Kafka a laissé dans ses carnets plusieurs dizaines d'ébauches d'une ou deux Lignes, des incipit suspendus en plein vol qui ne demandaient qu'à être développés plus avant. C'est ce qu'entreprend Pierre Senges dans ce recueil de croquis en s'appropriant ces bouts de textes abandonnés dans le droit fil de leur mystère onirique. Il leur invente une seconde nature, entre digression fantaisiste, déconstruction méthodique et art du récit bref. Comme souvent chez Senges, l'esprit de sérieux et l'humour iconoclaste s'entremêlent, déjouant Les tentations faciles du pastiche. Ses variations personnelles et hypothèses un peu folles rendent un bel hommage à Kafka dont la silhouette, noire sur gris, ne cesse de hanter ces Etudes.
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Lierre, ancolie, barbe-de-bouc, ail musqué, cheveu-de-Vénus, renoncule en faux, herbe-au-bitume... sont, tout à la fois, le décor, les personnages principaux et les insidieux narrateurs de Ruines-de-Rome, roman d'une sédition botanique. Un employé du cadastre, qu'une retraite sans flambeaux menace, met sa misanthropie ordinaire au service des plus noires prophéties : du jardinage considéré comme un des beaux-arts de l'Apocalypse. Feignant de cultiver son petit lopin de terre, ce paysan amateur et saboteur authentique couvre la ville de fleurs et d'arbrisseaux décoratifs. Et nul ne devine, derrière l'inoffensif passe-temps, un travail de sape qui dévaste les murs, soulève le goudron et fait retourner l'urbaine civilisation à ses friches premières. Semant sa mauvaise graine, il s'arme de patience et d'herbes folles. Il use du moindre prétexte végétal pour satisfaire ses cruautés drolatiques et laisser libre cours au chiendent de la rêverie, non sans nouer quelque idylle clandestine avec sa voisine de potager. Rien n'interdit de lire ce livre comme les Mémoires d'un millénariste, un traité de mutinerie sédentaire, une tragi-comédie à l'eau de rose, un herbier poétique, sinon comme un pur et simple manuel d'horticulture.
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Sort l'assassin, entre le spectre
Pierre Senges
- Verticales
- Phase Deux Verticales
- 31 Août 2006
- 9782070781126
MACBETH, brandissant son poignard - Vois-tu, Duncan, je n'arrive pas à me défaire d'un doute. J'ai été Macbeth et je continue de l'être, de cela je suis sûr ; seulement mes souvenirs sont confus et les preuves m'échappent, si bien qu'il m'est impossible de savoir si j'ai été le vrai roi d'Ecosse ou plutôt un comédien dans le rôle du roi d'Ecosse. Tu pourrais peut-être m'aider à me faire une opinion ? Tu connais l'histoire de ton pays, tu connais la tragédie, et Shakespeare, ça te dit quelque chose. Tu sais que Macbeth est ce garçon pris de panique pour un rien, capable d'assassiner le roi légitime, le bon Duncan, pour prendre sa place et régner quelque temps dans la peau de l'usurpateur. Alors, dis-moi, maintenant que je te tiens au bout de ce poignard, si je suis là pour te divertir comme un clown ou te terroriser comme un tyran. L'incertitude est douloureuse, tu le sais : la vie n'est qu'une ombre qui... DUNCAN - Décide-toi une fois pour toutes, Macbeth, qu'on en finisse. (Il meurt.)
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Sous couvert d'apporter sa contribution à l'exégèse biblique, Pierre Senges part du principe que dans son Arche (aux dimensions limitées), Noé s'est contenté d'offrir l'hospitalité aux seules femelles de toutes les espèces - se chargeant lui-même, par la suite, de la reproduction. De cette expérience hors du commun (il faut dire que c'était pendant le Déluge), Noé a rapporté ces quelques notes : à la fois souvenirs de voyage, élégie amoureuse et manuel pratique. Zoophile contant fleurette peut donc se lire comme le palimpseste d'un texte disparu : celui qui établirait l'art et la manière de copuler avec toutes les espèces animales. Le lecteur trouvera dans ce livre 99 bêtes de toutes les formes et toutes les tailles, épinglées dans un certain ordre. Elles lui procureront un exercice salutaire pour ses zygomatiques, si peu sollicités de nos jours. Notre époque aurait besoin d'une nouvelle arche et d'un nouveau Noé pour sauver du déluge médiatico-médiocre une langue inventive, intelligente et cinglante, une langue procréatrice capable de rendre aux hommes ce qui leur est propre : le rire.
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Le lecteur apprendra dans ce bref et économique récit d'anticipation comment l'avenir nous permettra non seulement de voyager dans la grande banlieue du système solaire, mais aussi d'assister à la privatisation des agences spatiales. Le libre marché suppose de nouvelles règles s'appliquant partout, y compris dans le vide interplanétaire. Ces nouvelles lois, des jeunes astronautes fraîchement sortis des écoles vont les découvrir brutalement, à des millions de kilomètres de la Terre.
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We all know the tale of the ape sitting for all eternity at the typewriter hoping to compose, through sheer chance, a comedy by Shakespeare.
This fable is used tu give the idea of the improbabilily of things, like the emergence of intelligence in primates. But there's a slight hitch:to accept that story assumes one imagines the ape as a pure immortal mechanism coupled to another machine made out of keys and an ink ribbon.That amounts to denying him any intelligence, any artistic sensitivity, or even the slightest embryonic common sense.
What would happen if, instead of an imaginary chimpanzee, one invited a real chimpanzee, equipped with a real cortex and a no less authentic conscience, to sit at the tvpewriter ? That's the experiment undertaken by Samuel Mclntosh, gardener, nrathematician, Doctor in Probability and Animal Behaviour. Will Percival, formerly the typist ape end by writing Shakespeare's Works ? Will he type away blindly, or will he pervert chance by letting his genius express itself ? Will he obey his destiny as metaphorical animal or will he take a malicious pleasure in deceiving the prédictions of the ethologists ? Will Samuel Mclntosh successfully complete his experiment ? Reading these pages should help yon answer those questions.
However, nothing is less certain: several versions of the same fable exist, and they don't always agree. This book draws inspiration front the works of Dominique Lestel, a philosopher-ethologist, and Alain Richert, a landscaper-botanist. It takes into account (as it pleases) the most récent speculations as far as ethology is concerned, and twists the use of ethograms (description of behaviours) in order to find other ways of telling fables.
Nicolas de Crécy's drawings are there to bring a bit of scientific rigour to the fantasy, and vice-versa.