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Pierre Péju
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«Pour Vollard, Éva devenait la petite Chartreuse. Silencieuse sans en avoir fait le voeu. La très pâle moniale. L'enfant cloîtrée. L'enfant privée de voix et de joie, privée d'enfance. Mais au fil de ces errances dans la Chartreuse, bizarrement, ce n'était pas le poids écrasant et absurde de l'accident que Vollard ressentait en compagnie de la petite fille, mais un inexplicable allègement, un soulagement, un apaisement dû à ce rituel de marche lente, de silence, de contemplation de choses infimes. Comment un si petit être, émettant si peu de signes, pouvait-il lui donner cette impression de discret équilibre, de nécessité fragile mais heureuse ? Le sentiment confus que tout pouvait se résumer à ce va-et-vient entre la librairie et l'hôpital s'intensifiait encore en passant, Éva à ses côtés, du centre spécialisé à la nature sauvage.»
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Obscure, radieuse, maltraitée ou perdue, l'enfance traverse l'oeuvre romanesque de Pierre Péju. C'est l'inquiétante familiarité de cet âge que l'auteur, image par image, pli selon pli, tente ici de révéler. En faisant alterner récits intimes et lectures des grands textes littéraires et philosophiques (Bachelard, Benjamin, Lévi-Strauss, Deleuze, Nabokov, Sarraute, Kafka), il esquisse par touches successives la notion d'Enfantin.
L'Enfantin est cette pénombre dans laquelle les impressions de nos premières années viennent troubler soudain notre présence au monde. Il ne s'agit pas de souvenirs, mais de blocs perceptifs qui sont la clef de notre singularité, de notre style, et de ce que Bergson appelait la «courbure de notre âme».
L'Enfantin n'a rien de nostalgique. Source d'énergie, il nous invite plutôt à partir, à créer ou à trouver une écriture qui restitue la saveur et, parfois, la douleur des premières fois.
Quels liens notre imaginaire tisse-t-il entre les enfants et les morts?
D'où vient la familiarité de l'enfant avec l'animal ou le monstrueux? Qu'est-ce que la haine des enfants? Quelle part d'enfance se tient derrière le geste de l'artiste? Autant de questions que la modernité soulève en réévaluant la place sociale et symbolique de l'enfance.
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Sommes-nous tous narcissiques ?
Pierre Péju, Alfred
- Gallimard Jeunesse
- Philophile ; Giboulees
- 15 Mars 2018
- 9782070599608
Il n'y a pas de vie humaine sans une part importante et nécessaire de narcissisme : nul n'y échappe. Mais l'époque actuelle se caractérise par un individualisme démesuré, excessivement préoccupé par l'image, par l'apparence : une forme nouvelle de narcissisme, un narcissisme inédit, largement décomplexé, voire encouragé, où le reflet se substitue à la réflexion...
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Persuadé d'être « passé à côté de sa propre histoire » Marc Travenne décide de quitter sa vie agitée de designer et homme d'affaires pour s'en aller au hasard des routes. Il se retire dans un gîte perdu sur un plateau de l'Ardèche battu par les vents. Bientôt, une étrange randonneuse vient troubler sa solitude. Elle marche depuis des jours le long de ce que les géographes appellent la « Diagonale du vide », cette étroite bande de territoire partageant la France des Landes aux Ardennes, à la densité de population faible et aux zones sauvages nombreuses.
Travenne va se lancer à la poursuite de cette femme qui aura le temps de lui livrer une part de ses secrets avant d'être enlevée sous ses yeux. De rencontres en révélations, il va voir sa vie s'emballer en découvrant que la diagonale des solitudes passe aussi par New York, Paris, et l'Afghanistan.
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Pierre Péju et Lionel Richerand nous dévoilent une histoire peu connue de la psychanalyse:la rencontre de Freud et de son patient américain Horace Frink.Frink l'élève brillant, l'athlète, le représentant exacte du Nouveau monde et de ses possibles, qui sera tour à tour disciple et cheval de Troie pour gagner la conquête de la prude Amérique. Frink qui sera surtout cas d'école et sujet, piloté par Freud qui influera sur son divorce, son remariage avec la puissante Angelika Bijur (héritière de General Motors) et son implantation à la tête de Société psychanalytique américaine.
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«Au ciel tout va mal, Dieu se détourne de sa création. Les Anges sont livrés à eux-mêmes. Seul Raphaël, sans mission ni message, médite encore un modeste miracle. Depuis son balcon il se penche au-dessus du monde. Le ciel s'ouvre. Le hasard fait - mais est-ce le hasard? - que là-bas, tout en bas, dans une maison construite à flanc de montagne, surplombant un lac dont les reflets font paraître le ciel plus beau, il aperçoit une femme endormie.
Nora est allongée en travers du lit défait, paupières closes, encore absente au monde, la chemise de nuit remontée au-dessus de la taille, les seins évadés du coton blanc. Un premier rayon de soleil vient glisser sur sa chair, gainer lentement ses jambes, caresser ses cuisses, chauffer son ventre. Le matin le plus ordinaire est aussi l'origine du monde. Quand la lumière atteint son visage, plaquant sur ses yeux une lame chauffée au rouge, Nora fait un bond hors du lit. Debout au milieu de la chambre, elle vacille. Ses pieds nus collent au carrelage tandis que la chemise retombe autour de son corps luisant de sueur. Son coeur cogne, comme d'habitude, à la seule idée de devoir affronter le jour.»
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Leïla, une lycéenne ardente et audacieuse, troublée par un cours de philosophie sur les âmes et les sorts, décide de tout quitter, famille, études, banlieue, pour partir sur les routes.
Schulz, un homme errant, au bout du rouleau, entraîne la jeune fille dans une fatale randonnée. Il y a aussi Ellen, belle Irlandaise, Juliette, comédienne en quête d'un rôle, Mahler, psychanalyste détraqué, et Larsen, le romancier aux prises avec l'une de ses créatures...
Qui manipule ces personnages ?
Seule Mémé la Noire, la « femme oracle », connaît le secret des destins croisés.
Roman captivant, Coeur de pierre est aussi un récit ironique et métaphysique, qui parle du Destin, de l'incertitude des relations et des pouvoirs de l'écriture.
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Un jeune voyou, piètre braqueur poursuivi par la police, pénètre violemment dans l'atelier puis dans l'univers pictural d'Alice Watt, grande artiste contemporaine. Il y introduit une stupéfiante touche de génie et bientôt un désordre tragique.Un écrivain confirmé assiste, avant de prendre l'avion, au grave malaise d'un individu qui lui ressemble. À l'arrivée, il décide, sur un coup de tête, d'usurper l'identité de ce voyageur qu'attendent de sinistres personnages.Un homme solitaire, se sentant devenir vieux, s'inscrit à un club secret dont les membres se sont engagés à se rendre mutuellement un terrible service afin d'échapper au déclin. Mais le contrat se mue en piège funeste.Trois personnages à trois âges de la vie. Trois récits d'effraction qui se font écho et invitent à une réflexion sur l'art, l'identité, la littérature, la vieillesse et la mort.
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«Je ne crois pas qu'il soit possible d'écrire des livres... vraiment nouveaux. Un livre, ça se copie, ça se recopie, mais ça ne s'invente pas. Il n'existe que très peu de livres. Ou bien un seul. Pas même un livre... Ne rien créer : reprendre... Songez-y, pendant qu'il est encore temps.» Pierre Péju, à travers trois nouvelles subtiles, nous propose une réflexion pleine de finesse et d'humour sur l'écrivain et ses personnages.
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Ce livre tente de dire la «venue au monde», le banal miracle de chaque naissance. Car la naissance est comme le trépas, le passage invisible dont nous ne savons pas, ne pouvons pas parler.Trois naissances singulières sont ici relatées.La première est terrible : dans un camp de prisonnières, une femme accouche dans des conditions atroces sous l'oeil de soudards excités. Mais soudain, les hommes se figent : l'enfant est là, et sa fragilité, incroyablement, leur en impose.Si la deuxième naissance est tragique, la troisième, enfin, est heureuse : le nouveau-né surgit «dans les mains de l'ange». Il a la perfection de toutes les vies nouvelles. Ses grands yeux s'ouvrent comme une énigme.Mais Naissances est aussi parole masculine, celle qui évoque le «regard du père», ce regard ambigu que l'homme porte sur celle qui met au monde. Intrigué par ce que vit la femme et qu'il ne vivra jamais, fasciné par l'être inimaginable dont il devra admettre qu'il est le père, l'homme ne peut que se tenir dans une marge étrange lorsque s'annonce le nouveau, lorsque l'enfant paraît. L'homme, voué à ne mettre au monde que des choses, ou, au mieux, des livres dont il ne sait jamais s'ils sont morts ou vifs.
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Au début des années soixante, dans la forêt qui entoure une petite ville de Bavière faussement paisible, a lieu un drame effroyable que le secret et le silence recouvrent bien vite. Paul Marleau est un adolescent français qui séjourne en Allemagne chez un correspondant. Il fait la connaissance de Clara, fille d'un ancien médecin de la Wehrmacht. Enfants de la paix, ils comprennent que des «fêlures de guerre» se propagent dans la douceur apparente de leur époque. Guerres que l'on croit finies, ou guerres actuelles jamais très lointaines. Mais les années passent. Clara devient photographe et Paul sculpteur. Ils s'attirent autant qu'ils se fuient et leurs chemins ne cessent de se croiser puis de se séparer. D'autres personnages bouleversent leurs existences : Max Kunz, professeur de philosophie et ancien soldat d'Algérie, Philibert Dodds, artiste solitaire qui vit dans le Vercors, ou Jeanne, la jeune sage-femme pleine d'énergie. Roman de guerre, roman d'amour, méditation sur le mal, sur l'art et le bonheur, Le rire de l'ogre est l'histoire de toutes ces vies confrontées à l'ambiguïté et à la brutalité du siècle.
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Métamorphoses de la jeune fille : oppression, échappées et émancipation à travers les siècles et les histoires
Pierre Péju
- ROBERT LAFFONT
- 13 Avril 2023
- 9782221264751
La vraie Jeune Fille n'existe pas ! Elle n'est qu'une image, séduisante pour les hommes comme pour les femmes, élaborée par un imaginaire essentiellement patriarcal.
Dans cette étude très personnelle, Pierre Péju va à la rencontre de personnages de Jeunes Filles qui, dans les mythes, contes, tragédies, récits bibliques, romans classiques et films contemporains, ont élaboré des stratagèmes pour fuir, au moins passagèrement, ce que l'ordre masculin leur imposait comme unique destin. De la beauté soumise aux " échappées belles " ! Antigone, Judith, Daphné, Ondine, Charlotte, Jeanne, Albertine, et tant d'autres... Avec courage, joie, intelligence, créativité, les Jeunes Filles se " métamorphosent " : autant de tentatives d'émancipation, autant de désirs de liberté qui existent depuis toujours chez les filles et auxquels les grands récits ont offert d'inoubliables images.
Avec les émancipations contemporaines, si légitimes, si tardives et si fragiles, la figure de la Jeune Fille a été enfin remise en question. Si elle est toujours puissante et charmante, le patriarcat n'a plus la possibilité de l'imposer. Sauf dans les lieux du monde où s'exerce encore son funeste pouvoir. La Jeune Fille du XXIe siècle éclate en mille figures, porteuses de nouvelles inquiétudes et de nouvelles promesses, et désormais, les filles jeunes, quand elles échappent au diktat du consumérisme, peuvent librement s'inventer. -
«Je sais avoir traversé quelques événements remarquables, tressé des liens de solidité variable, laissé des traces légères. Avançant dans la vie, j'ai fait des choix dans lesquels, aujourd'hui encore, je mesure mal la part des circonstances, la part de ma propre faiblesse, ou celle d'une répétition obscure. Mais ce sont mes choix, mes paris dérisoires qui tantôt m'allègent et tantôt me retiennent dans mon élan vers la suite.»La vie courante est moins un livre sur le Temps qu'une suite de récits et de fragments situés au milieu du Temps, traversés par le Temps, comme autant de portes ouvertes sur la vie qui passe.
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Tout au long de sa vie, Horace W. Frink fut un Américain intranquille. Enfant abandonné, étudiant tourmenté, il se fait psychanalyste à New-York, et pionnier de cette troublante méthode, au moment du voyage de Sigmund Freud dans le Nouveau Monde, en 1909, en compagnie de Jung et Ferenczi.
Thérapeute perplexe, mari et père immature, Frink devient bientôt l'amant d'une de ses patientes, la milliardaire et fantasque Angelica Bijur qui lui fait découvrir la vie des « heureux du monde », au début des Années folles.
Frink traversera deux fois l'Atlantique pour aller à Vienne, s'allonger sur le divan de Freud.
De drames intimes en aventures intellectuelles, « incapable de fermer l'oeil de la nuit », il ne trouvera jamais la clef de l'énigme qu'il était à lui-même.
Car l'oeil de la nuit n'est pas l'Inconscient mais la lucidité nocturne, le savoir effroyable et sombre des insomniaques, la vision des fêlures.
« Moi, songeait Horace, c'est depuis toujours que la nuit m'a à l'oeil ! »
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«Un soir, dans un refuge de haute montagne, un mystérieux randonneur m'a fait don d'un bloc transparent qu'il prétendait être le "Cristal du Temps".
Plus tard, au lieu de me remettre à la rédaction de mon roman, j'y ai plongé les yeux. Des moments de ma vie ont surgi en désordre : scènes banales ou incongrues, êtres perdus de vue, anecdotes auxquelles je n'aurais jamais repensé, comme la mise à mort d'un lapin, la folie d'une jeune plasticienne russe, un amnésique oublié, la femme qui voulait devenir un ange, les singes dans les ruines d'un temple khmer, les gosses cruels des rues du Caire...
Fasciné, j'étais contraint de reconnaître - comme un homme admet être le père d'un enfant - que ces aventures invraisemblables, ces rencontres sans lendemain, étaient bien miennes. Le cristal m'en restituait chaque détail. Impitoyable, il m'infligeait aussi le souvenir de mes propres rêves et quelques images de mon avenir.
Cette "vie réelle", j'ai voulu l'écrire. Ce vaste désordre s'est transmué en récits, histoires étranges et fragments romanesques. Explorateur en territoire dangereux, je racontais. Immense était ma reconnaissance envers le monde, sa variété, sa douleur et son énigme.».
Pierre Péju.
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Marée basse ; méditation sur le rivage, sur ce qu'on y trouve, et sur le temps sans emploi
Pierre Péju
- Millon
- 13 Novembre 2009
- 9782841372546
Bribes de mémoire.
Fragments de passé. Images de voyages déchirées en petits morceaux. Mais aussi regrets amers, boules de vieille angoisse hérissées de piquants, chevelures trempées de tristesse. Voilà ce qu'on glane, en soi, autour de soi, quand l'écriture est à marée basse. Alors, on finit par désirer le retour des grandes marées. Rêver de la mer qui non seulement submerge tout, mais se précipite avec violence sur ces choses à moitié mortes qui, hors de l'eau, seraient vouées à la pourriture nostalgique.
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E.T.A. Hoffmann - L'ombre de soi-même
Pierre Péju
- Phebus
- Litterature Francaise
- 3 Mai 2018
- 9782752911650
On peut se faire doubler par ses doubles. C'est le cas d'E.T.A. Hoffmann, l'auteur si singulier de Casse-Noisette ou de L'Homme au sable, dont les personnages ont déteint sur la vie. Romantique tardif, il a composé ses contes fantastiques comme une échappatoire à un sentiment d'échec et d'inadéquation. Jusqu'à devenir, pour Sigmund Freud, « le maître inégalé de l'inquiétante étrangeté en littérature ».
Il manquait un biographe inspiré à ce créateur fou de musique et de vin. Spécialiste du romantisme allemand, le romancier Pierre Péju nous raconte la drôle de danse de l'écrivain avec ses fantasmes et ses manques. Il en fait l'un des précurseurs de notre siècle qui efface les frontières entre le réel et l'irréel.
Lecteurs, voici le roman passionnant d'une vie passée à explorer les deux côtés du miroir. À mêler l'angoisse aux décors les plus familiers, le rire au tragique. Pour, finalement, en pied de nez à la fatalité, faire de l'échec la condition même de la réussite. -
Niklaus Manuel Güdel
Pierre Péju, Yves Guignard, Diane Antille
- NOTARI
- Curiosart
- 18 Octobre 2012
- 9782940408603
Après une période d'inactivité picturale, le jeune peintre costaricano-suisse Niklaus Manuel Güdel (né en 1988) renoue avec la peinture pour trouver sa voie propre. Ayant touché à l'opéra, au théâtre et à la littérature, l'artiste fait sien tout un héritage culturel, partagé entre l'Europe et l'Amérique latine, et consacre une vaste série à l'un de ses sujets de prédilection, la mémoire.
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Cinq voyageurs en qute de leur destin renouent avec les grands itinraires romantiques travers l'Orient. Que trouveront-ils au bout de leur voyage?
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Lignes de vies - recits et existence chez les romantiques allemands
Pierre Péju
- Corti
- 6 Mai 2000
- 9782714307255
Le romantisme allemand est d'abord une aventure créatrice collective qui se présente comme une nébuleuse de talents, de personnalités, de poèmes, de récits, de fragments, d'idées, de noms propres mais aussi de villes comme Iéna, Heidelberg, Dresde, Berlin.
Jamais auparavant des artistes n'avaient eu à ce point le sens de la vitesse et de l'inachèvement, si nécessaire pour rendre compte de ce qui passe et se passe.
Jamais auparavant des artistes n'avaient eu simultanément le sens de leur singularité et le sens d'une communauté élective et complice.
Car les romantiques allemands, qui ne cessent de bouger, de voyager comme des nomades, de s'écrire des lettres, de se perdre de vue et de se retrouver, ont su entretenir des liaisons amicales, amoureuses, intellectuelles, sensibles, parvenant à créer cette ambiance étrange mais inimitable qui n'a rien à voir avec l'unité d'une doctrine ou avec une contrainte esthétique mais qui en fait le premier mouvement de la modernité en Europe, mouvement qui ne se laisse peut-être comparer qu'à ce que sera, au vingtième siècle, le surréalisme.
L'histoire de ces Liaisons, de ces " affinités électives ", est en elle-même aussi captivante et essentielle que la circulation des oeuvres.
Il faudrait aussi évoquer la façon dont les romantiques allemands aimaient ne faire tenir leur vie qu'à un fil.
Fil ténu, arachnéen, fil du récit bien sûr, fil du rasoir impliquant morts précoces et suicides, fil que l'on tient encore machinalement entre les doigts en avançant dans la nuit, fil phosphorescent que l'on déroule en descendant la pente du labyrinthe de l'enfance sans la moindre certitude qu'une Ariane tient encore, quelque part, l'autre extrémité.
Leur but était moins de faire toute la lumière que d'explorer, à la bonne vitesse, les variations des ombres.
Collecteurs de contes, fabricants de textes mal identifiables, auteurs de fragments, de mots d'esprit, de beaux gestes, les romantiques allemands adressèrent en somme à l'" instant qui passe " une prière inverse de celle de Faust sur le point de signer le pacte.
" Arrête-toi, tu es si beau. " disait Faust.
" Instant, tu n'es beau que parce que tu passes, et passes si vite. " semblent-ils murmurer.
Le Livre," Lignes de Vies ", contient également deux contes modernes de Pierre Péju le Cortège et Le Diable en Chartreuse.
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Les enfants aiment jouer à se faire peur avec les monstres. Mais que désignent la catégorie du monstrueux ? À travers l'évocation de diverses créatures (la bête du Gévaudan, le Sphinx, le Léviathan, le Golem, les Titans, Casimir ...) mais aussi de conduites et d'idées dites « monstrueuses », on verra comment le monstrueux, qui est une part de nous-même, est aussi le produit de nos désirs et de nos peurs.) Qu'est-ce que le normal et l'anormal ? l'humain et l'inhumain ? Comment comprendre les angoisses provoquées par la différence et l'étrangeté ? Pourquoi qualifie-t-on de monstrueux certains actes commis par des êtres humains ? On dit que le « sommeil de la raison engendre des monstres », mais l'excès de raison ne risque-t-il pas, à son tour de produire des monstruosités ?
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Chaque enfant est un bricoleur de questions qu'il confectionne avec des bribes d'intuitions et des termes qu'il expérimente sans les comprendre : «Un jour, tu vas mourir : qu'est-ce que tu feras quand tu auras fini d'être mort?» Étonné ou inquiet, il insiste pour avoir une réponse puis passe bien vite à une autre question : «Comment on fait pour effacer un baiser?» Face au petit sphinx, l'adulte est un oedipe perplexe, parfois dérouté. Ces questions troublantes, boiteuses mais poétiques ou innocemment métaphysiques, Pierre Péju tente de leur donner un sens, de les redresser en les accompagnant comme on soutient délicatement un enfant qui commence à marcher. Pour cela, il s'adresse à un «enfant imaginaire» qui est à la fois le petit curieux de quatre à dix ans (auquel un adulte sert de médiateur) et l'enfant qui, toujours, demeure en chacun de nous, silencieux, et hésite à formuler des questions à la fois simples et éternelles comme «Pourquoi moi je suis moi?» Mais on sait qu'une question peut être plus précieuse que toutes les réponses, car elle témoigne de cette fameuse faculté d'étonnement, qui est à l'origine de l'esprit philosophique comme au commencement de toute pensée humaine.
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La petite fille dans la forêt des contes - NE 2018
Pierre Péju
- ROBERT LAFFONT
- 5 Novembre 2018
- 9782221238943
Ce livre n'est pas un essai de plus sur les contes, mais une " poétique du conte ".
Il évite les interprétations et les analyses purement formelles des récits merveilleux ou fantastiques et conteste les approches réductrices d'une certaine psychanalyse qui prétend nous révéler " ce qu'ils veulent dire ".
Pierre Péju propose au contraire de nous faire entendre leurs voix en suivant des pistes, en dégageant des blocs d'imaginaire, en dressant la carte des lieux étranges, des opérations magiques et des métamorphoses. Il évoque les thèmes de l'ombre, des automates, de la mandragore, des miroirs et des reflets perdus, à jamais vivants dans notre inconscient.
Cet ouvrage construit aussi de nombreuses passerelles entre les contes traditionnels, comme ceux que recueillirent les frères Grimm, et les contes littéraires des romantiques allemands.
Dans la profondeur forestière passe une petite fille perdue ou ravie : elle est confrontée à la fée, à la sorcière, aux nains, à l'enchanteur, à l'ogre. Sous ses traits, c'est tout l'Enfantin qui se manifeste, dans son ambiguïté et sa marginalité passagère.
Le livre s'achève sur un conte original de Pierre Péju : Le Poisson-chat.