L'"IA" fait de plus en plus souvent la une des médias. Les mystérieux algorithmes de nos ordinateurs sont champions du monde d'échecs et de go, ils vont conduire nos voitures, traduire automatiquement en n'importe quelle langue, voire imiter nos modes de raisonnement. Hélas, ils ne savent même pas qu'ils sont intelligents. Pour le dire plus clairement, ils ne savent rien. Tout ce que peuvent manifester les ordinateurs dotés des techniques les plus récentes d'IA est une intelligence qui ne comprend rien - du réflexe sans réflexion.
Certains de nos mécanismes cognitifs, patiemment mis au point par l'évolution biologique, comme la recherche de la simplification et de la structure des phénomènes, sont encore hors de portée des machines, contraintes d'approcher au plus près de nos modes de raisonnement sans jamais les reproduire vraiment. Le fantasme de la machine qui sait tout a donc de beaux jours devant lui, même si les progrès de l'IA posent avec toujours plus d'acuité la lancinante question de savoir si une véritable intelligence peut être produite par des circuits de silicium.
La capacité de langage est souvent présentée comme l'aboutissement inévitable d'une évolution qui va de l'amibe à l'homme. En acquerrant les aptitudes nécessaires à la parole, notre espèce aurait simplement franchi une étape supplémentaire. Pourtant, ce comportement auquel nous consacrons une part significative de notre temps éveillé est, par bien des aspects, différent de la communication animale. En reliant la structure de chaque composante du langage (phonologie, syntaxe, sémantique, pragmatique) à ses possibles fonctions, l'auteur révèle un paradoxe : pourquoi les êtres humains cherchent-ils inlassablement à fournir des informations à leurs congénères ? Le comportement langagier semble faire exception à la théorie darwinienne, qui prévoit que les organismes se préoccupent avant tout de leur propre survie. Pour résoudre ce paradoxe, l'auteur remonte aux origines du langage. Il en vient à l'idée que l'émergence de notre manière de communiquer est liée au mode d'organisation particulier des groupes humains. Les premières formes de langage seraient apparues, chez les hominidés, comme un moyen pour les individus de se choisir afin de former des coalitions. Ainsi, loin de résulter d'une tendance évolutive générale, l'apparition du langage serait une conséquence de l'organisation sociale singulière de notre espèce.
Comment le langage est-il apparu ? Certes pas parce qu'il fallait que l'on parle. L'éthologie, la paléoanthropologie, la linguistique. servent ici de guides précieux dans une véritable enquête qui nous mène sur les traces des premiers humains. Existe-t-il des méthodes qui nous permettraient de reconstituer une éventuelle « langue mère » ? Comment un « protolangage » se serait-il complexifié pour d'atteindre l'immense sophistication de nos langues actuelles ? Le langage, universel dans notre espèce et exception dans le règne animal, constituerait-il une anomalie de l'évolution ? Les rôles joués par le langage et l'avantage évolutif qu'ils induisent seraient une des clés permettant de répondre à ces questions.