« Il y avait un bébé qui venait de naître et s'appelait Ida. Sa mère l'avait retenu de ses mains pour empêcher Ida de naître mais le moment venu Ida était venue. Et avec Ida était venue sa jumelle, et c'est comme ça qu'elle était là Ida-Ida ».
Dans ce texte magnétique d'une grande modernité, l'écrivaine donne chair à sa conception de la littérature : « identité, répétition ». Elle interroge la perception de la réalité et la notion d'identité, déconstruit le langage et les procédés narratifs. C'est aussi un magnifique portrait de femme, dans toute sa complexité et son épaisseur. Ida est un être mouvant, insaisissable et en cela puissant. Gertrude Stein et Ida comme une seule femme, répétée à l'infini pour faire d'un être anonyme un personnage de légende.
Consciente de la position cruciale d'Alice B. Toklas à ses côtés et réticente à l'idée d'écrire son autobiographie, Gertrude Stein recourt à un astucieux retournement littéraire pour rendre compte des années capitales de sa vie parisienne, depuis son arrivée en 1903 jusqu'à l'après Première Guerre mondiale : adopter le point de vue de sa fidèle compagne, qui la connaissait mieux que quiconque, pour faire son propre portrait. Se dévoile ainsi, à travers de vifs et volubiles échanges, la personnalité de celle qui est indéniablement devenue une patronne des arts, adepte du Salon des indépendants, contribuant à faire découvrir nombre d'artistes avant-gardistes, notamment cubistes, qu'elle a imposés sur la scène artistique internationale.
Au sein de l'oeuvre de Gertrude Stein, Notre mère à tous occupe une place à part. Méditation sur l'histoire, celle des États-Unis et des luttes sociales qui ont marqué la société américaine, ce texte est aussi le tout dernier écrit par Stein avant sa mort, en 1946. Imaginé pour le compositeur américain Virgil Thomson, Notre mère à tous retrace la vie de Susan B. Anthony, suffragette et abolitionniste, figure cardinale du mouvement pour le droit de vote des femmes aux États-Unis. Avec malice, Stein se joue des vérités historiques et tord les règles de la langue dans cet opéra d'une éclatante modernité. Tout en y déjouant la mécanique des discours de pouvoir, l'écrivaine américaine met en scène la difficile tâche qui, d'une époque à l'autre, consiste à faire entendre l'inflexible mélodie des voix dissidentes.
C'est Rose qui, assise ou non sur une chaise bleue, voit le monde et les animaux autour d'elle. C'est Rose qui, avec ou sans son cousin Willie, pense, chante, pleure et va sur la montagne. Voilà pour l'histoire, si l'on veut une histoire.
La version bilingue permet d'incarner les tribulations de Rose et Willie dans un texte à la fois chanson, poème, comptine, et légende, tout en goûtant la langue de Gertrude Stein si magnifiquement musicale.
Nouvelle édition au format de poche, sans les illustrations, de ce texte marquant de Gertrude Stein dont la traduction française a paru en 2016 aux éditions Cambourakis. Ce petit «Livre de lecture»« »propose une vingtaine de leçons facétieuses, potentiellement destinées à un public enfantin, qui jouent avec la langue, la grammaire, les sonorités, et le sens. Sous leur allure désinvolte et ludique, ces courts textes questionnent avec une remarquable acuité notre pratique de la lecture et proposent un concentré de l'écriture de Gertrude Stein, figure tutélaire de la modernité littéraire américaine.
Personne n'a connu Gertrude Stein comme la fidèle Alice Toklas qui vécut à ses côtés, jour après jour, mais qui n'eut jamais le loisir de raconter sa vie ni d'écrire ses Mémoires. Par un curieux renversement des choses, c'est Gertrude Stein qui, au début des années 30, se substitue à elle pour le faire et, du même coup, pour se raconter à travers ce témoin.
Alors que la menace allemande plane sur la France, Gertrude Stein publie en 1940 «Paris France», un petit opuscule mêlant souvenirs de jeunesse et observations sur son pays d'adoption : la France. Elle écrivait que les écrivains doivent avoir deux pays, celui auquel ils appartiennent et celui dans lequel ils vivent réellement. Le second est romanesque. Ce texte est malgré tout un hymne au plaisir et à la joie de vivre dans ce pays romanesque qu'était la France pour elle et les Américains de sa génération. Derrière les commentaires tranchés sur la mode, les traditions et les façons d'être des Français, on retrouve l'intérêt continu de Stein pour les caractères, pour les habitudes : tout ce qui se répète dans un comportement et qui fait le style d'une vie. Ce texte est complété par «Raoul Dufy»«. Il faut méditer sur le plaisir. Raoul Dufy est plaisir».
Sortie au format poche de «Mrs. Reynolds», le dernier roman de Gertrude Stein préfacé par Jacques Roubaud. Plus narratif que ses ouvrages initiaux, il se déroule en pleine Seconde guerre mondiale, dans une petite ville de France en zone libre. On y suit cette femme sans prénom, vaquant à ses occupations de villageoise soumise aux desseins de la météorologie, de l'astrologie et de la prophétie. Entre autres voisins, deux personnages, Angel Harper et Joseph Lane, patronymes derrière lesquels on reconnaît facilement Adolf Hitler et Joseph Staline.
Trois vies, par son titre même, fait songer à Flaubert, et l'on sait que l'auteur de Trois contes a exercé une influence sur Gertrude Stein. L'histoire d'Anna la bonne, celle de la jeune Noire Mélanctha, celle de la douce Léna sont aussi les histoires de trois «coeurs simples»,dont l'auteur raconte les destinées manquées. Jamais les héroïnes ne sont jugées; elles meurent toutes trois d'une même maladie mystérieuse:celle de n'avoir pas été vraiment vivantes. Anna donne tout ce qu'elle a, à n'importe qui, et elle en arrive à perdre sa personnalité. Mélanctha, quoique la plus forte, ne parvient pas à imposer sa volonté aux autres. Léna, elle, n'est condamnée qu'à voir disparaître en elle, jour après jour, le goût de vivre. Gertrude Stein raconte ces histoires de coeurs simples avec les mots les plus simples. Elle parle le langage de tout le monde, mais lui redonne une valeur qu'il avait perdue. Sa prose avance, de répétition en répétition, épousant le flot pressé d'une conscience. Si l'on songe que Trois vies a été publié en 1905, il faut voir dans ce livre l'aurore d'une révolution du langage où Gertrude Stein précédait Sherwood Anderson, James Joyce et Hemingway.
Après la publication en 2018 de «Mrs Reynolds», le traducteur Martin Richet et les éditions Cambourakis continuent le projet de mise en lumière du travail de Gertrude Stein en France avec ce récit policier cubiste et cinglant.
Listen to me a été écrit par Gertrude Stein en 1936. La pièce est souvent considérée comme un aboutissement dans ses tentatives répétées de déconstruction de la forme théâtrale. Dans Listen to me, tout joue : les personnages secondaires, le rideau, les actes eux-mêmes. Les codes du théâtre sont entièrement refondus dans le discours, non sans humour et vivacité.
Tendres boutons opère une véritable retranscription formelle des problèmes que posait le cubisme : ici, c'est l'écriture, en prise avec des bouleversements de syntaxe, de grammaire et de sens, qui construit une architecture radicalement nouvelle de la vision, de l'écoute, de la lecture. Tendres Boutons est un livre qui effectue un bouleversement complet de notre façon de comprendre, de prononcer, de lire, de voir, de sentir :
Il impose au lecteur, via une sensibilité extrême aux détails du quotidien (objets, nourriture, chambres), à l'infime et à la matérialité du mot, une expérience de lecture vertigineuse, troublante, jouissive. La langue de Stein, court-circuitant en permanence le sens, affole la relation qui unit communément le langage et le monde.
La traduction qu'en propose Jacques Demarcq (traducteur de E. E. Cummings), par ses audaces et ses trouvailles, restitue toute la force et l'étrangeté de cette expérience de lecture déroutante.
En 1938, William R. Scott passe commande à des grands auteurs comme Hemingway, Steinbeck ou Gertrude Stein d'écrire un livre pour enfants ; Stein accepte avec enthousiasme. «La Terre est ronde» «(The World is Round)», publié en 1939, relate les aventures de Rose, 9 ans, accompagnée de son cousin Willie, dans sa quête d'une identité stable dans un monde en mouvement. Ce récit tout en euphonie telle une comptine, où la signification des mots se confronte à leur sonorité, se joue des tropes des contes et de la fausse légèreté de leurs thèmes. A sa manière musicale et poétique, Gertrude Stein interroge le monde à hauteur d'enfance !
Anna Federner, vieille gouvernante allemande, bougonne et bornée, dirige de son mieux la maison de Miss Mathilde. Les jours se succèdent, ternes, monotones, uniquement rythmés par les petits drames du quotidien. Et la brave Anna meurt de n'avoir pas su vivre... D'une plume juste et sobre, Gertrude Stein évoque la banalité du quotidien et le destin manqué d'un coeur simple.
Nouvelle traduction par Martin Richet du livre le plus connu de Gertrude Stein. Dans cette autobiographie en trompe l'oeil, elle revient sur sa rencontre avec Alice B. Toklas, les débuts de son salon artistique à Paris et ses rencontres avec les avant-gardes qu'elle a contribué à faire découvrir, à commencer par les peintres cubistes. Un document savoureux de premier ordre sur cette époque effervescente et fondatrice du Paris des années 1920 alors en pleine mutation intellectuelle.
Recueil de cinq courts articles parus dans le Saturday Evening Post entre juin et octobre 1936 consacrés à l'argent. Inspirée par la politique de l'époque, G. Stein y diagnostique la démonétisation des grands nombres, dont bénéficie le gouvernement des États-Unis avec les impôts.
Un des plus grands plaisirs pris à traduire la poésie érotique, en anglais Lifting Belly, de Gertrude Stein, a consisté, pour moi, dans la formule de ce titre, précisément. Ou, moins mal dit, peut-être : dans la façon dont celui-ci m'a donné du fil à retordre - le fil de l'oeuvre. Je n'ai pu décider d'une façon d'équivalent à " lifting belly ". Stein considère les mots et les groupes de mots à la façon de séquences sonores passant à l'oreille, se superposant parfois les unes les autres, partiellement ici, là tout à fait. L'élaboration de l'oeuvre dépend directement des effets ainsi obtenus.
En fin de compte, Stein ne fait qu'évoquer par le menu le déroulement d'un entretien, sexuel, charnel et langagier qu'elle a avec sa compagne, Alice Toklas. C'est bien ce feu de l'action (amoureuse, d'un amour en acte), auquel le texte se rapporte - venant non pas seulement couronner celui-ci, à la manière, peut-être, de ce qui aurait su s'attirer, pour l'organiser à son tour, cette volonté de mots, de discours et de paroles qu'est l'oeuvre, mais aussi, et plus certainement, relevant comment une formule elle-même (toute formule, peut-être) prend corps, se dessine dans une relation à ce qui convient et emporte l'adhésion. Si le français " lève bas-ventre " s'est finalement imposé à moi autant que je l'ai choisi, c'est parce que ma lecture de Lifting Belly (texte relativement bref), sur plus d'une année, a permis, petit à petit, de mettre en place un ordre de priorités quant aux principes de l'organisation interne du texte. Au fur et à mesure de ma prise de conscience de la dynamique qui porte celui-ci, dans le pas à pas et à tâtons de mon travail de transposition de son volume en langue française du commencement de notre XXIème siècle, s'est dégagé, tout d'abord, ce que Stein y entendait et que Stein y entendait (" entendait ", dans le sens de " désirait " comme dans celui de " percevait par l'ouïe ", ou ce qu'elle proposait à notre oreille).
Je n'aurais pas songé à ce travail qu'est ma proposition de ce que fut Lifting Belly en son temps, sans une longue expérience de lecture et de commentaire du chef-d'oeuvre qu'est The Making Of.
Entendre : " lifting belly ", ventre qui se lève et matrice soulevante, " lift in belly ", soulèvement intime, ascenseur utérin, " lift in belle, li- ", soulèvement dans la belle et sur le point de recommencer encore, avec vue sur le sans cesse, " lift in, belle, -ly ", mouvement intérieur et vers le haut, bellement, etc. : entendre.
Written between 1913 and 1929, revolutionary years in art history, Dix Portraits conveys the deep human engagement between an artist and her subject. The artist's book unites Stein's ten portraits in prose with sketches by five artists: Pablo Picasso, Christian Berard, Eugene Berman, Pavel Tchelitchew, and Kristians Tonny. Utilizing the interplay between word and image, Stein's writing and the artists' images provide nuance and depth, balancing humor and sincerity.
With a new introduction by Lynne Tillman, Dix Portraits is an unforgettable artistic collaboration. The subjects represented include Pablo Picasso, Guillaume Apollinaire, Erik Satie, Pavel Tchelitchew, Virgil Thomson, Christian Berard, Bernard Fay, Kristians Tonny, Georges Hugnet, and Eugene Berman. Originally printed in an edition of 100 copies with the lithography, and now widely accessible for the first time, Dix Portraits captures Stein's legacy as a champion of artists and a pioneer of creativity.
"The Autogiography of Alice B. Toklas" is in fact Gertrude Stein's own autobiography, seen through the eyes of her friend, Alice B. Toklas. With occasional glimpses into her early life, it describes her years in Paris until 1932.
Gertrude Stein et Picasso ont partagé leur amitié la plus longue, quarante années d'échanges, de
l'automne 1905 à la mort de Gertrude Stein en 1946. Amitié complexe entre une Américaine et un
Espagnol, entre l'écrivain et l'artiste, entre Gertrude qui vit avec Alice, et Pablo et ses femmes.
Pendant ces quarante ans, Gertrude Stein est tour à tour un mécène qui aide Picasso, un « homme
de lettres » qui tient à partager les préoccupations artistiques et les goûts du peintre, une amie
pleine de sollicitude, une chroniqueuse, une critique qui fabrique sa réputation. L'importante
collection d'art contemporain rassemblée par Gertrude Stein est maintenant dispersée dans les plus
importants musées des États-Unis, comme le portrait de Gertrude Stein par Picasso, l'un des plus
grands chefs-d'oeuvre du XXe siècle, conservé au Metropolitan Museum of Art de New York.
« Quand j'étais en Amérique, je faisais pour la première fois de continuels voyages en avion. J'ai vu
là, sur la terre, les lignes mêlées de Picasso, aller, venir, se développer et se détruire ; j'ai vu les
solutions simplifiées de Braque, la ligne errante de Masson. Oui, j'ai vu tout cela et encore une fois
j'ai compris qu'un créateur est toujours un contemporain. Avant tout le monde, il connaît ce que
les autres ne savent pas encore. Il est dans le XXème siècle, dans un siècle qui voit la terre comme
on ne l'a encore jamais vue, qui a une splendeur jamais égalée. Tout se détruit, rien ne se suit. Le
XXème siècle a une magnificence qui lui est bien personnelle ; Picasso est de ce siècle, il a les
qualités étranges d'un monde comme on ne l'avait jamais vu et des choses détruites comme elles
ne l'avaient jamais été. Alors Picasso a sa splendeur. Merci. Oui. »
Gertrude Stein, née en 1874, arrive à paris en 1903, où elle mourra en 1946.
Elle aura été le centre de rayonnement des Américains à Paris, de la « génération perdue » des années 20, l'inspiratrice d'une nouvelle forme de littérature qui a donné notamment un Hemingway d'une part, un Scott Fitzgerald d'autre part. Son oeuvre personnelle, autant que son influence directe a marqué toute une époque et n'a cessé d'agir depuis. Elle a laissé deux oeuvres importantes : L'Autobiographie d'Alice B. Toklas (1932) et The Making of Americans dans son titre d'origine, livre gigantesque qui deviendra en français Américains d'Amérique. C'est l'histoire de sa famille israélite émigrée en Amérique au XIXe siècle, une vaste chronique familiale écrite très librement au fil des souvenirs et qui a pris peu à peu une valeur exemplaire. Il s'agit d'un livre essentiel par son contenu. Américains d'Amérique constitue un document d'une valeur historique et littéraire considérable, oeuvre d'une femme qui pendant trois générations a été à l'avant-garde des lettres et des arts et la créatrice d'un style nouveau. Gertrude Stein ne s'est pas contentée de peindre un fragment de l'Amérique, mais une famille complète, une famille qui est toute l'Amérique, en sa fuite, en ses migrations, ses installations et ses conquêtes, une famille sans interruption et sans lacune. C'est toute une idée de l'Amérique qui ressort à travers ces pages.
Ces textes écrits à divers moments de la vie de Gertrude Stein et tirés de différents volumes, tous relativement courts, ont en commun d'être animés par une intention similaire, celle qu'avait l'auteur de s'expliquer devant un auditoire ou un public de lecteurs.
Ce sont pour la plupart des conférences, ou de petits écrits didactiques portant sur des sujets aussi divers que les problèmes de la prose, du roman, de la poésie, sur les romans policiers, la description, la peinture.
"La guerre n'est jamais fatale mais elle est toujours perdue.
Tout en disant cela ils se savaient sincères. Cela me ramène à l'époque où, de huit à douze ans, j'ai lu tous les drames historique de Shakespeare ainsi que ses autres pièces. De plus en plus cette guerre, en 1942-1943, s'apparente à cela. Les horreurs, les terreur de tous et l'impuissance de ces terreurs rapprochent cette guerre, si différente des autres, des drames de Shakespeare. La guerre de 1914-1918 n'était pas du Shakespeare tandis que celle-ci, n'ayant aucune signification, fait que le néant devient tangible".
Gertrude Stein écrivit ces souvenirs sous l'Occupation, alors qu'elle s'était réfugiée avec Alice B Toklas chez des amis français dans un village de l'Ain.
Qui aurait pu penser que la prêtresse d'une écriture radicalement révolutionnaire, résolument jazzy, s'intéresserait à Henry James, qu'elle serait fascinée par le plus subtil et sans doute l'un des plus grands écrivains américains ? Qui aurait imaginé la voir composer l'un des textes parmi les plus éblouissants jamais écrits sur l'auteur du Tour d'écrou et de Portrait de femme ? Dans ce Henry James fulgurant et visionnaire, Gertrude Stein évoque le maître Shakespeare afin de mieux saisir l'essence même de James. Nous comprenons soudain ce qu'écrire signifiait pour James, ce qu'écrire signifiait pour Stein. Et nous comprenons ce à quoi la lecture d'un texte engage: la disponibilité de tout l'être. Nous sommes au coeur de la création et de cette énigme qu'est le génie. Shakespeare en avait à revendre, James aussi, Stein de même. Comment alors ne pas faire précéder le Henry James de Stein par le Shakespeare de Henry James ?