Gazdanov, comme des milliers de ses compatriotes en 1920, s'exile et se retrouve l'observateur fasciné et horrifié des bas-fonds parisiens. Au volant de son taxi, toutes les nuits, il parcourt le labyrinthe des rues de la capitale et de sa banlieue, en même temps que celui de sa mémoire.
S'élabore ainsi une géographie où s'entrecroisent les destins d'individus qui n'auraient jamais dû se rencontrer. Apparaissent les figures, tragiques et comiques à la fois, de Raldi, la courtisane déchue, de Fédortchenko, l'ouvrier russe content de son sort et de Vassiliev, son âme damnée, de Suzanne à la dent d'or et de Platon enfin, l'ivrogne philosophe, qui est comme le récitant de cette histoire.
Cette conduite nocturne, qui accuse les ombres et les lumières des âmes, vibre de nostalgie et d'une espérance ample comme un printemps russe.
Quand Martine Fauré meurt, son fils quitte Paris pour passer le mois d'août en Provence, chez un ami. La rencontre avec la forêt, ses senteurs, sa lumière, son immuabilité et son silence vivants fait pressentir à Pierre - cet homme simple, comptable dans une petite entreprise - un royaume insoupçonné où le temps, l'espace et les sensations sont souverains.
Le narrateur s'est lié avec un vieux clochard qui, grâce à un héritage inattendu, devient très riche. Les deux hommes se voient régulièrement jusqu'au jour où le vieil homme est retrouvé assassiné. Le narrateur est arrêté mais une statue de Bouddha permettra de découvrir le véritable meurtrier.
Chacune des nouvelles de Cygnes noirs est une fenêtre ouverte sur la destinée de Russes que l'auteur a côtoyés, perdus de vue ou retrouvés. Tout l'art de Gazdanov consiste à observer sans a priori ses frères humains, particulièrement les exilés, les déracinés en quête d'identité, pour les fixer d'un trait et en faire des personnages inoubliables. La révolution bolchevique gronde et des cohortes de Russes blancs ont rejoint la France, où leur sort a basculé. Les protagonistes des quatre nouvelles inédites rassemblées ici incarnent magnifiquement le tragique, l'absurde et le hasard des destinées. Les souvenirs, les portraits, les intrigues nous sont contés entre rêve et réalité, dans un Paris minutieusement détaillé. Le lecteur sera fasciné et se laissera hypnotiser par l'écriture d'un des plus grands auteurs russes du XXe siècle. Ces nouvelles ont été réunies et préfacées avec brio par Elena Balzamo, traductrice et spécialiste de Gaïto Gazdanov. Depuis 1990, les éditions Viviane Hamy poursuivent la traduction de l'ouvre de cet écrivain russe, souvent comparée à celle de Proust ou de Camus ; s'en dévoile ici une facette inconnue.
Un Russe, émigré à Paris, décide de révéler le lourd secret qui assombrit son existence depuis tant d'années. Lorsqu'il était à peine âgé de 16 ans, la guerre civile faisait rage. Au service des blancs, partisans de la Russie impériale, contre les révolutionnaires bolchéviques, il tua un homme. Ce souvenir, pourtant si banal en temps de conflit, ne l'abandonnera plus, et le hantera même.
Un beau jour, il lit dans une nouvelle cet épisode raconté, au détail près, du point de vue du mort supposé ! Le « spectre » ne cessera dès lors de ressurgir au travers de rencontres dans le Paris nocturne et interlope qu'il arpente. Serait-il toujours vivant ? Il en est plus convaincu que jamais, et c'est en tombant amoureux d'une jeune et mystérieuse compatriote qu'il aura peut-être le fin mot de l'histoire...
Digne des plus grands romans noirs, Le Spectre d'Alexandre Wolf mêle fantastique et métaphysique. Il n'est pas sans rappeler Dostoïevski ou Pouchkine, mais tient également de Camus. Il a paru dans une revue new yorkaise, traduit ensuite en français au début des années 50, puis oublié, et finalement redécouvert.
Claire est mystérieuse. Nikolaï l'a rencontrée en Russie alors qu'ils n'étaient que des adolescents. Depuis ce jour, il est éperdument amoureux d'elle, même si la vie les sépare rapidement. Plusieurs années après, l'homme la retrouve à Paris et passe toutes ses soirées avec elle.
Jusqu'au jour où Claire fait comprendre à Nikolaï que l'attirance est réciproque. Son rêve de passer la nuit avec elle se concrétise. Mais il fait également rejaillir nombre de souvenirs, ceux qui ont parsemé son chemin initiatique. Cette réalité nouvelle va le faire basculer dans une réminiscence de son passé : son enfance et ses tragédies familiales ; son adolescence et sa formation auprès du corps des Cadets ; sa première rencontre avec Claire ; ses longues conversations avec son oncle sur le sens de la vie ; son engagement dans l'Armée blanche. L'existence du narrateur fait écho à celle de Gaïto Gazdanov sans cesse en quête de sa propre identité, et on retrouve ici les thèmes chers à l'auteur (les déchirures liées à l'exil, l'errance, la fuite, l'imposture) incarnés par des personnages tout en finesse et humilité.
« Même s'il est galvaudé, s'il a perdu son poids et son sens, c'est le mot «étrange» qu'il faut appliquer à Gazdanov. L'«étrangeté» de Gazdanov n'est pas superfi cielle. elle monte des profondeurs. Le rapport au monde de Gazdanov est caustique, dur, sec, aigri, ironique et, avant tout, «étrange». Pour un homme positif et équilibré, c'est presque une maison de fous. Le domaine où vogue son imagination est désert, les sentiers y sont discontinus ». G. Adamovitch