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Prix
Fernando Pessoa
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A la fin d'un dîner entre un banquier et l'un de ses amis, ce dernier s'interroge sur la manière dont ce «gros commerçant et accapareur notable» peut concilier l'exercice de sa profession avec de prétendues convictions anarchistes. Par le biais du dialogue socratique, ce pamphlet fustige les sophismes éhontés d'une bonne société «intellectuelle» qui se pique d'esprit révolutionnaire : la critique évoque irrésistiblement celle de la «gauche caviar». Publié pour la première fois en 1922, Le banquier anarchiste est le seul récit au sens strict dont Pessoa soit venu à bout. Il tenait à ce texte au point de le signer de son nom véritable et d'en prévoir la traduction anglaise en espérant pour lui une «carrière» européenne.
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Le livre de l'intranquillité
Fernando Pessoa
- Christian Bourgois
- Littérature Étrangère
- 10 Octobre 2024
- 9782267047554
Journal de bord de Fernando Pessoa, Le Livre de l'intranquillité est l'oeuvre de toute une vie d'un génie de la littérature mondiale. Morceaux de journaux intimes, aphorismes et réflexions s'y entremêlent pour dessiner les contours d'une mélancolie lucide qui résiste au temps.
Pessoa attribue son écrit à un modeste employé de bureau insomniaque, Bernardo Soares, et raconte une existence ordinaire, une « autobiographie sans événement », à laquelle le protagoniste ne peut accéder en raison de ses innombrables contradictions. Comment vivre en souhaitant à la fois la solitude et la compagnie des vivants ? C'est seulement la nuit, dans les rues désertes de Lisbonne, que le narrateur retrouve une quiétude momentanée. Fernando Pessoa a travaillé plus de vingt ans à cet ouvrage, dont la traduction de Françoise Laye transmet avec transparence la force poétique et dramatique, l'un des chefs-d'oeuvre de la littérature du XXe siècle. -
Ces écrits très personnels révèlent des aspects encore inconnus de Pessoa. Le livre est un journal le sa vie intérieure, tournée toute entière vers l'autoanalyse et un incessant questionnement de la vie et de sa mission de poète.
Textes de jeunesse, chaotiques dont certaines pages « médiumniques » : écrits très intimes, sans aucun tabou. On assiste à la lente genèse d'une personnalité exceptionnelle, qui cherche sa voie et se décrit sans aucune complaisance, pour parvenir à un épanouissement progressif et à la certitude
de sa mission poétique.
Comme toujours chez Pessoa, on retrouve une forte prédominance de l'angoisse et de la solitude mais aussi une lucidité impitoyable qui rend cet autoportrait passionnant.
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Livre(s) de l'inquiétude
Fernando Pessoa
- Christian Bourgois
- Littérature Étrangère
- 10 Octobre 2024
- 9782267047608
Journal intime magistral, Livre(s) de l'inquiétude est le « livre de la vie » de Fernando Pessoa. Teresa Rita Lopes, spécialiste de l'écrivain portugais, a consacré de nombreuses années à étudier les manuscrits de l'oeuvre maîtresse de Pessoa, publiée par ailleurs sous le titre de Livre de l'intranquillité, afin de proposer cette version audacieuse de son magnum opus. Celle-ci est composée à partir de trois auteurs parfaitement différenciés, des doubles fictifs menant chacun leur propre vie, conformément au souhait de Pessoa lui-même.
Aux côtés des fragments de Vicente Guedes et de Bernardo Soares s'alignent ainsi ceux du baron de Teive. Chacune des trois voix a sa musique, qui les distingue et les caractérise : la « prose » et le style recherché chez Guedes, la retenue voire l'austère pudeur chez Teive, les divagations ironiques chez Bernardo Soares. Par le biais de ces trois auteurs nous plongeons dans le monde intérieur multiple de Fernando Pessoa, ce chantre de la mélancolie qui affirmait : « Je suis plusieurs. »
Un des ouvrages les plus profonds et les plus perturbants de la littérature du XXe siècle. -
" pour le voyageur arrivant par la mer, la ville s'élève, même de loin, comme une belle vision de rêve, se découpant nettement contre un ciel bleu vif que le soleil réchauffe de ses ors.
Et les dômes, les monuments, les vieux châteaux surplombent la masse des maisons, tels les lointains hérauts de ce délicieux séjour, de cette région bénie des dieux. " fernando pessoa " lisbonne, ville de l'intranquillité, après la prague de kafka et le dublin de joyce, fait son entrée dans la littérature, et son "passant intégral", fernando pessoa, en est l'introuvable et mélancolique fantôme. " antoine de gaudemar, libération
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Ce Passage des heures, inédit dans la version que nous publions ici, a été écrit par Fernando Pessoa entre 1915 et 1916, avant d'être repris en 1923. Signé Alvaro de Campos, l'hétéronyme de l'Ode Maritime et de Bureau de tabac, le texte se présente comme une suite de poèmes plutôt que comme une ode d'un seul souffle dont l'auteur est coutumier à cette époque, mais elle en partage le caractère grandiose, et cette capacité de lier le sentiment universel à la singularité de chacun. Ce poème en grande chevauchée par-delà les paysages, les hommes et les concepts souhaite embrasser l'humanité tout entière. « Mon coeur rendez-vous de toute l'humanité » dit-il, et ce sont autant de femmes, enfants, vagabonds et assassins, amants et bouffons, policiers et vieilles marraines qui traversent ces pages. Pessoa passe, multiple et fluide, comme un ouragan sur Singapour, Macao et Zanzibar en passant par Madagascar, avec l'énergie déferlante de celui qui trouve la vie trop petite, et qui a du mal dans son emportement à tenir les rênes tant l'univers le submerge, tant il est submergé par lui-même. Le poète est plus que jamais sous la plume d'Alvaro de Campos cet ingénieur à la fois suprême et dérisoire attelé à la « grande machine univers » qui a été « éduqué par l'Imagination ». Il tient l'ouverture maximale aux êtres, aux sensations, aux idées, dans un poème placé sous le signe de la sincérité et de la contradiction chère à Baudelaire dont on perçoit les échos, jusque dans ces bourrasques de mélancolie et de nuits tombantes qui finissent par poindre, où celui qui écrit avec le désir de tout contenir, tout retenir, tout restituer, d'être et d'être de toutes les façons possibles, d'être à la fois littéral et métaphorique, nous révèle qu'il est « celui qui a toujours voulu partir, et qui reste toujours ». Mélancolie et pesanteur humaine qui refuse de choisir une humanité au détriment de l'autre, qui tient même l'humanité pour une dans sa multiplicité même, qui célèbre le labyrinthe d'idées, d'élans et d'émotions qui nous compose, acceptant avec lucidité de briser l'idéal, de s'égarer, de se retrouver, de n'être plus soi-même, d'être tous les versants de soi-même ; de la sympathie à la tendresse à l'amour, jusqu'aux ombres, jusqu'au mensonge, jusqu'au crime, et jusque dans la transposition du genre, jusque dans le vacarme effervescent de la multitude du début du XXe siècle et ses paysages pleins de trolleys, de transatlantiques, d'usines et de moteurs diesels - car pour Pessoa la machinerie même céleste passe toujours par la machinerie humaine. Passage des heures est un poème bouleversant qui voudrait rendre tangible la métaphysique, qui voudrait tout être, tenir tout le possible et toute l'altérité sur une ligne, car « il n'y a qu'un seul chemin pour la vie, c'est la vie... ».
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Chronique de la vie qui passe
Fernando Pessoa
- Belles Lettres
- Domaine Etranger
- 3 Mars 2023
- 9782251454245
Porté aux nues par les plus grands - d'Octavio Paz à Roman Jakobson et António Tabucchi -, Pessoa compte aujourd'hui, avec un Rilke, un Joyce ou un Kafka, comme l'un des sommets de la culture européenne de ce siècle.
Ce premier volume des proses publiées de son vivant par l'auteur réunit, parmi d'autres, certains des textes dont le style provocateur lui valut d'être remercié par les rédacteurs des journaux où ils furent publiés. Pessoa y soutenait « le contradictoire comme thérapeutique de libération », allant jusqu'à prétendre qu'« une créature de nerfs modernes, d'intelligence sans niveaux et de sensibilité éraillée a l'obligation cérébrale de changer d'opinion et de certitude plusieurs fois dans la même journée ».
Pour Pessoa, écrire, c'est comme fabriquer une bombe : il entoure sa dynamite d'une enveloppe de raisonnement, il lui met une traînée de poudre d'humour. Au lecteur d'allumer la mèche ! -
Paru en 1917, Ultimatum est le dernier poème que Fernando Pessoa écrit sous le nom d'Alvaro de Campos avant de plonger son hétéronyme dans un long silence qui prendra fin avec notamment la parution du célèbre Bureau de tabac en 1928. Dans ce réquisitoire féroce, Alvaro de Campos livre une charge violente contre son époque plongée dans la dégénérescence de la politique, de la religion et de l'art. « Époque de laquais » dit-il, ravagée par la guerre qui déchire l'Europe, sur laquelle règne la médiocrité et la bassesse dans un « maëlstrom de thé tiède ». Dans un même élan, sont jetés à la poubelle de l'histoire aussi bien d'Annunzio que Bergson, Maeterlinck, Kipling, Yeats, Rostand, Shaw, Wells... mais aussi les révolutionnaires prolétaires, les eugénistes, les végétariens et plus généralement tout l'occident à qui est adressé cet Ultimatum sonore et salvateur contre une Europe en mal de vision, de poésie et de grandeur. « L'Europe en a assez de n'être que le faubourg d'elle-même » écrit Alvaro de Campos, qui réclame un Homère pour cette ère des machines qui le fascine, lui l'ingénieur mécanique et naval et qui en appelle à une ambition de civilisation nouvelle, certes « imparfaite » mais magnifique, une aspiration à la « taille exacte du possible ». Que l'homme soit à la hauteur de son époque qui ouvre sur des possibles infinis. C'est que l'humain n'a pas su adapter sa sensibilité à cette nouvelle ère de progrès et d'invention, et l'avatar de Pessoa d'en appeler à une adaptation artificielle, par un acte de « chirurgie sociologique », visant à éliminer les acquis du christianisme : dogme de l'individualité et de l'objectivisme personnel. Dans un mouvement surprenant, Pessoa semble faire ici en creux l'éloge des hétéronymes - exhortant les poètes à passer de « je suis moi » à « je suis tous les autres » - tout autant qu'il en appelle à une esthétique nouvelle à l'opposé même des aspirations lyriques d'Alvaro de Campos à l'oeuvre dans ses Odes. Renverser les démocraties épuisées, désavouer la vérité philosophique, les convictions intimes, la liberté d'expression, au profit de l'expression d'une moyenne entre tous les hommes, prônant l'avènement fiévreux d'une « monarchie scientifique », et d'une « humanité mathématique et parfaite ». Le regard tourné vers l'Atlantique, Alvaro de Campos adresse aux hommes et aux nations dans cet Ultimatum qui est son « chant du cygne » comme le souligne Pierre Hourcade dans sa préface, un « merde » tonitruant, provocateur, et profondément salvateur.
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Comment les autres nous voient
Fernando Pessoa
- Belles Lettres
- Domaine Etranger
- 2 Juin 2023
- 9782251454054
Après Chronique de la vie qui passe, le présent volume vient compléter l'édition des Proses publiées du vivant de Pessoa telles qu'elles avaient été présentées au public français dès 1987 par José Blanco, l'un des meilleurs spécialistes du grand auteur portugais.
On y retrouvera la critique d'un esprit éminemment libre face aux hypocrisies et aux bigoteries de l'ordre social, et l'on verra derechef avec quel humour ses réflexions poussées souvent jusqu'aux paradoxes les plus subtils distillent un sain antidote aux mystifications des idéologies de toutes natures. -
Fernando Pessoa : anthologie essentielle
Fernando Pessoa
- Chandeigne
- Lusitane
- 6 Octobre 2016
- 9782367321363
L'oeuvre de Fernando Pessoa (1888-1935), en grande partie posthume, est considérée aujourd'hui comme l'une des plus importantes du XXème siècle, la découverte de sa poésie et du Livre de l'Intranquillité ayant été une révélation dans le monde entier. Le projet complexe de Pessoa consiste, par l'écriture, à « tout sentir de toutes manières », ce qui l'a conduit à éclater son « moi » en plusieurs écrivains fictifs, les « hétéronymes », dotés chacun d'un nom (Alberto Caeiros Álvaro de Campos, Ricardo Reis, Fernando Pessoa lui-même, Bernardo Soares, etc.) d'un style propre et d'une vision du monde singulière.
La présente anthologie, très concise, est une introduction à cette oeuvre multiforme et inclassable. Elle permet de découvrir ce précurseur génial de notre modernité, en appréhendant l'essentiel de son « dispositif hétéronymique », pour en saisir, dans une présentation bilingue, la force et la beauté, la variété et l'unité.
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Cette nouvelle traduction restitue à ces quatrains leurs rythme (octosyllabes), rimes et assonances spécifiques, ainsi que la tonalité "populaire", laquelle se traduit chez Pessoa à la fois par une évocation fréquente des saudades typiquement portugaises, une écriture de la simplicité, avec toujours cette pointe d'humour lucide, parfois railleur, parfois piquant, si caractéristique de la "sagesse populaire".
Il fallait restituer à ces quatrains leurs rythme (octosyllabes), rimes et assonances spécifiques, ainsi que la tonalité "populaire", laquelle se traduit chez Pessoa à la fois par une évocation fréquente des saudades typiquement portugaises, une écriture de la simplicité, avec toujours cette pointe d'humour lucide, parfois railleur, parfois piquant, si caractéristique de la "sagesse populaire". On assiste ici, comme dans ses autres oeuvres, à l'exposition d'attitudes oxymoriques - recherche / rejet de l'identité ; penser / sentir ; sincérité / semblant ; etc. - et à une prédilection pour le "rien", commencement et fin de toute chose. Le goût pour l'oxymore se retrouve dans la composition même des quatrains en deux distiques souvent opposés, dont l'un tient de la sagesse communautaire tandis que l'autre laisserait entrevoir des situations plus "privées". Pas de règle pourtant, comme il se doit chez un Pessoa « sensationniste » (« Pour le sensationniste, chaque idée, chaque sensation à exprimer doit l'être d'une manière différente de celle qui en exprime une autre. » F.P) -
Oeuvres poétiques
Fernando Pessoa
- GALLIMARD
- Bibliotheque De La Pleiade
- 14 Novembre 2001
- 9782070114900
«Imaginons que, dans les années 1910-1920, Valéry, Cocteau, Cendrars, Apollinaire et Larbaud aient été un seul et même homme, caché sous plusieurs "masques" : on aura une idée de l'aventure vécue à la même époque au Portugal par celui qui a écrit à lui tout seul les oeuvres d'au moins cinq écrivains de génie, aussi différents à première vue les uns des autres que les poètes français que j'ai cités.» Ainsi Robert Bréchon présente-t-il Pessoa. Les «masques» dont il parle ne sont pas de simples pseudonymes. Nés en Pessoa, Alberto Caeiro, Ricardo Reis, Álvaro de Campos sont ses principaux hétéronymes. Ils ont une biographie, des opinions politiques, des idées esthétiques, des sentiments : Campos interviendra par jalousie dans la correspondance amoureuse entre Pessoa et la bien réelle Ophélia... Chacun d'eux a subi des influences particulières ; chacun d'eux possède sa propre inspiration, son propre style et son oeuvre «personnelle», laquelle entretient des liens complexes avec l'oeuvre orthonymique, celle que Fernando Pessoa signe de son nom. Pour la première fois en français, hétéronymes et orthonyme sont présentés dans un même volume, qui fait une large place aux textes posthumes et propose quantité de poèmes inédits. Les traductions ont toutes été élaborées dans le souci de maintenir aussi forte que possible la tension entre la diversité des «instances créatrices» et l'unicité du grand ordonnateur que fut Pessoa.
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« Jamais auparavant Alvaro de Campos n'avait poussé si loin cet acharnement contre soi-même, cette rage destructrice à laquelle rien ne résiste, pas même sa dignité d'homme souffrant. Cette histoire est la revanche du poète réel sur le vivant imaginaire, la suprême comédie si l'on veut du comédien, mais comédie jouée jusqu'au bout avec la plus grande virtuosité. Alvaro de Campos a sans doute raté sa vie, mais Pessoa, qui écrit sous son nom, n'a pas raté son oeuvre ». Pierre Hourcade
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Écrit en anglais en 1915, ce «long lamento de la passion meurtrie» où, pour la première fois de l'histoire, Antinoüs - favori et amant de l'empereur Hadrien - est le héros exclusif d'un livre. Le texte révèle non seulement l'oeuvre anglaise de Pessoa, mal connue et peu traduite, mais encore, par sa sincérité et ses accents personnels, une face obscure de la personnalité du poète. Cette édition, indisponible depuis plus d'une décennie, brille d'une traduction en regard du texte original et d'une préface d'Armand Guibert, introducteur en France du poète portuguais. Un frontispice de Luis Caballero confirme le caractère exclusif de cet ouvrage : son retour au sein de notre fonds et dans les mains du lecteur devenait une nécessité. C'est aussi l'occasion de renouer avec nos beaux papiers de couleur pour la couverture.
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Parue en 1915 dans le deuxième numéro de la revue Orpheu, l'Ode maritime est la plus importante d'Álvaro de Campos, l'hétéronyme « alter-ego » de Fernando Pessoa.
Texte sublime et furieux, texte de l'imagination flottante, emportée par la vision des bateaux qui entrent et sortent des ports, portée par la mélancolie de ceux qui restent à quai. Poème du rêve et des époques, entre le modernisme des machines et la nostalgie d'un temps où tout était plus grand car on allait plus lentement ; poème de l'âme emportée dans le large, au loin de sa vie, c'est à dire là où l'on ne peut imaginer sa vie. Texte qui gonfle comme une voile, s'enveloppe dans les cris, les cris sauvages et les fantasmes de matelots et d'histoires. Livre des images et d'une liberté régénérée dans l'imagination, dans les mythes des mers naviguées, cris désespérés de violence comme s'il fallait s'extraire de soi-même au couteau. Ode spasmodique et brutale qui nous rejette vers l'enfance, dans le calme soudain et la nostalgie de l'enfance, dans la petite maison de l'enfance, quand on était heureux pour toujours. Et s'éveillant du rêve après le délire, on se retrouve dans l'immédiate acceptation de son existence. Dans nos vies alignées comme des factures, nos vies assises et réglées, seuls sur le port à regarder les navires disparaître.
La traduction que nous donne Thomas Pesle de l'Ode maritime, si fluide de précision et de simplicité, revigore la lecture de ce poème mythique écrit il y a tout juste cent ans.
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Pessoa est lié à Lisbonne, comme Kafka l'est à Prague ou Joyce à Dublin. Lisbonne imprègne toute l'oeuvre de Pessoa. Le poète habite une ville qui le hante littéralement et littérairement. Il existe malheureusement un ouvrage écrit en anglais What the tourist should see, traduit sobrement en français par Lisbonne (Anatolia, 10 :18) qui est un succès d'édition mais qui n'a, de l'avis de tous les spécialistes et surtout des lecteurs appâtés par le titre mais vite déçus, aucun intérêt. Aucune ligne ne rappelle le génie de l'auteur portugais au point que l'on peut douter que ce texte, retrouvé dans ses archives et annoté de sa main, soit bien de lui.
Ce petit livre de poche, bilingue, est d'un tout autre intérêt, puisqu'il rassemble les fascinants fragments en proses du Livre de l'intranquillité, des lettres, des poèmes, qui montrent le rapport fort, intime, quasi consubstantiel de Pessoa avec sa ville. Lisbonne est aujourd'hui la destination phare des Français, et cette ville ne cesse de fasciner de nombreux écrivains jusqu'au plus simple des touristes. Ce livre comble un manque et complète harmonieusement le premier volume paru en 2016 : Fernando Pessoa - Anthologie essentielle, qui constitue l'ouvrage de référence d'introduction à l'ensemble de l'oeuvre de l'immense auteur portugais que l'on ne cesse de redécouvrir.
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Alvaro de Campos est l'enfant frondeur parmi les hétéronymes de Fernando Pessoa, le fils emporté, cosmopolite, voyageur - ou plus rêveur que voyageur. Il est le chantre de la modernité, des machines et de la grande matrice du XXe siècle, avant de céder, dans ses poèmes plus tardifs au désabusement, et au sentiment d'échec, des rêves mal reportés sur la réalité. « Opium à bord » est son acte de naissance, mais un acte falsifié : le texte est antidaté par Pessoa pour en faire officiellement la première apparition d'Alvaro de Campos sur la scène littéraire : le jeu des masques et de la théâtralité, toujours, dans lequel éclot la sincérité de Pessoa. Mais qui est Alvaro de Campos ? Un jeune homme captif d'un navire, d'une croisière qui mouille au large du Canal de Suez en mars 1914 ; un jeune homme surtout captif de lui-même, et de l'opium impuissant à guérir son âme malade comme il l'affirme d'emblée.
Tout est stable, plane comme la mer presque absente, le monde incolore et indolore - même les exotismes, les voyages en Inde n'y font rien - Alvaro de Campos est seul à se noyer, coulé par sa faiblesse, son sentiment profond d'insignifiance et son absence de talent dans ce bref poème enfiévré qui est celui d'un naufrage intérieur. À peine capable de révolte contre la vie mondaine, réglée et bien vêtue de ses compagnons de voyage, il fait tourner une mappemonde avec ennui au bout de ses doigts. Dans une divagation droguée contre le bastingage, malgré les ambitions et les délires créateurs, incapable de sauter par dessus bord, lui qui pressent l'inutilité de sa vie, Alvaro de Campos, capable seulement d'ouvrir des portes sur le vide, comprend qu'on n'est jamais « que le passager d'un navire quelconque ». Poème tendu et vertigineux, poème cloîtré qui tourne le dos au large et au voyage même qui devrait le porter, « Opium à bord » est tout autant un acte de naissance qu'un aveu de mort.
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Les éditions Tinto da China (Lisbonne) ont fait paraitre en avril 2016, dans une édition établie par Jerónimo Pizzaro, Les oeuvres complètes d'Alberto Caeiro, à partir des manuscrits de Fernando Pessoa découverts en 1979 et conservés à la Biblioteca Nacional de Portugal. Ce volume présente notamment de nombreuses variantes, notes et corrections que Fernando Pessoa a introduites dans les cahiers dans lesquels il a recopié la toute dernière version du « Gardeur de troupeaux ». 30 ans après leur première traduction de ce poème majeur d'Alberto Caeiro, Jean-Louis Giovannoni et Rémy Hourcade, avec le renfort de Fabienne Vallin, ont entrepris une retraduction intégrale du texte en se basant sur cette dernière édition et les nouveautés qu'elle apporte.
Le gardeur de troupeaux est l'oeuvre majeure d'Alberto Caeiro, le maître naturaliste des hétéronymes inventés par Fernando Pessoa. Berger imaginaire qui mène le troupeau de ses idées, homme sans grande éducation, il n'est pas un intellectuel raffiné. Sa poésie est simple et directe, il est le poète des sens, du monde et de la nature, pas de la pensée. « Je n'ai jamais gardé de troupeau », commence-t-il par nous dire. Caeiro est poète, c'est sa façon à lui d'être seul, ajoute-t-il. Seul dans un monde peuplé d'hommes qui pensent comprendre le monde, qui vivent dans l'illusion de la pensée, des images, du sens caché des choses. Caeiro nous apprend la douce leçon de la simplicité, il nous dit ce que c'est que voir, aimer, lire, marcher. Voir c'est ne pas penser, c'est considérer ce que l'on a devant soi, l'immédiateté de la présence des choses. La sensation immédiate des odeurs de l'été, de la couleur des fleurs de la nature, de la chaleur du soleil. Caeiro nous apprend à regarder le monde tel qu'il est, il nous apprend à désapprendre les images et tout son poème exprime la difficulté de voir le visible. Il nous incite à accepter notre modestie, notre calme ignorance, notre petitesse paradoxale, car on est aussi à la taille de ce que l'on voit. Nous passons et disparaissons, sans trop de bruit, dans la permanence du monde, dont nous devons accepter sans tristesse qu'il n'a pas de sens ; qu'il est, tout simplement, et que nous sommes, sans plus de sens. Caeiro, en nous racontant le vent qui passe sur la colline, le bruit des arbres et des rivières, nous débarrasse de tout mysticisme, nous apprend la proximité de la réalité contre la distance, l'horizon flou des rêves.
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Alberto Caeiro, de tous les hétéronymes inventés par Fernando Pessoa, est un maître de la simplicité, celui qui ne regarde jamais au-delà de la réalité qui passe indifférente devant nous. Au contraire d'Alvaro de Campos, le grand créateur d'allégories universelles, propagateur de modernité, Caeiro se méfie des raffinements du style, des mythes, et des fables qui sont pour lui fantasmes et fumées. À ces fausses éternités, aux métaphores qui enflent artificiellement le monde, il oppose un regard consentant et direct. Poète modeste, conscient de sa place minuscule sur la terre, il se fait le témoin heureux des pluies et des saisons, de la route devant soi, même de la mort à venir. « Non pas penser mais voir », ne rien exiger, mais attendre et accepter. Cette poésie antimétaphysique plaint les hommes en quête de bonheurs qui n'existent pas, trop occupés du futur, qui rêvent dans leurs mauvais rêves. Il plaint les mystiques qui cherchent des interprétations, qui ajoutent des noms aux pierres, aux ruisseaux, aux arbres pour en brouiller le sens. Ceux qui partout imposent la marque de l'homme, posent leurs mains, veulent faire démonstration d'intelligence, dans une appropriation aveugle du monde. Caeiro écarte certitudes et incertitudes, vérités et mensonges qui sont pour lui des valeurs abstraites, « j'accepte l'injustice comme j'accepte qu'une pierre ne soit pas ronde », dit-il. Il bâtit une oeuvre philosophique qui prêche l'abandon de toute philosophie, qui privilégie la conscience à la théorie, et invite à l'indifférence. Consentir à l'indifférence ouvre à un amour plein, car on s'approche des choses pour ce qu'elles sont au moment où elles sont, plutôt que de se perdre dans un palais des miroirs de potentialités et de mirages. Il s'agit d'aimer « les choses sans aucun sentimentalisme ». C'est toute la beauté de cette entreprise, au sourire amusé toujours en arrière plan de ses paradoxes : Pessoa est un démiurge, Caeiro ne l'est pas, et ces poèmes, dans le prolongement immédiat du Gardeur de troupeaux, qui ne portent pas de fable, sont simplement la leçon sans morale du temps présent.
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En quête d'une poétique du rêve, Pessoa situe également Le Marin au paroxysme du tragique :
"Oh, quelle horreur, quelle horreur intime dénoue la voix de notre âme et les sensations de nos pensées et nous fait parler et sentir et penser quand tout en nous demande le silence et le jour et l'inconscience de la vie..." (p.63).
Cinq personnes : Trois Veilleuses, le Marin et "la cinquième personne [...] qui tend le bras et nous interrompt chaque fois que nous allons sentir" - composent ce "drame en âme".
"Ne sentez-vous pas tout cela comme une araignée qui d'âme en âme nous tisse une toile noire qui nous attrape ?"
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" poésie en lutte profonde avec "la poésie" comme mensonge sublimé de l'expérience humaine, acceptation de la prose et surtout du "prosaïsme" comme plus poétique que ladite "poésie", les poèmes de campos représentent ce qu'il y a de plus moderne et de plus créateur dans l'oeuvre de pessoa.
Sa poésie est la seule qui porte la marque indéniable du génie. toujours vivant, devenant à son tour le walt whitman des autres, il semble être aussi le pessoa le plus aimé, celui dans lequel le plus grand nombre de lecteurs reconnaissent, comme dans un miroir grossissant mais fidèle, l'insurmontable difficulté d'exister. " eduardo lourenço " dans son nécessaire de voyageur fictif, taraudé d'ennui et aboulique, il y a wilde, laforgue, whitman, schopenhauer.
Mais il est fondamentalement la conscience de la défaite, le refus de la moindre illusion, un ironique désespoir. la figure d'alvaro de campos, pour un lecteur d'aujourd'hui, est d'une certaine façon un paradigme. campos est le vingtième siècle. ses angoisses, ses névroses, son cynisme, sa disponibilité pour la contradiction, le fait qu'il soit essentiellement un perdant, son regard halluciné et métaphysique sont ses insignes.
Et, vus à l'envers, sa grandeur. " antonio tabucchi.
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Pessoa est né en 1889 à Lisbonne. Pendant trente ans, de son adolescence à sa mort, il ne quitte pas sa ville de Lisbonne, où il mène l'existence obscure d'un employé de bureau. Mais le 8 mars 1914, le poète de vingt-cinq ans,
introverti, idéaliste, anxieux, voit surgir en lui son double antithétique, le maître « païen » Alberto Caeiro, suivi de deux disciples : Ricardo Reis, stoïcien épicurien, et Álvaro de Campos, qui se dit « sensationniste ». Un modeste gratte-papier, Bernardo Soares, dans une prose somptueuse, tient le journal de son « intranquillité », tandis que Fernando Pessoa lui-même, utilisant le portugais ou l'anglais, explore toutes sortes d'autres voies, de l'érotisme à l'ésotérisme, du lyrique critique au nationalisme mystique. Pessoa, incompris de son vivant, entassait ses manuscrits dans une malle où l'on n'a pas cessé de puiser, depuis sa mort en 1935, les fragments d'une oeuvre informe, inachevée, mais d'une incomparable beauté.
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Je(ux), petite anthologie de poche
Fernando Pessoa
- Chandeigne
- Serie Illustree
- 14 Juin 2018
- 9782367321677
La première édition grand format étant épuisée nous proposons cette anthologie dans une édition de poche reliée, élégante et toujours illustrée. Un régal qui accompagne parfaitement nos deux autres anthologies de Pessoa Anthologie essentielle et Lisbonne revisitée ! « Et si j'étais... » enrhumé comme Álvaro de Campos, heureux de vivre comme Ricardo Reis, païen comme Alberto Caeiro ? Dans Je(ux), le célèbre écrivain portugais Fernando Pessoa (1888-1935) se prête à des jeux d'enfants, de mots et de masques. Car derrière tous ces noms, ces personnages (ou « hétéronymes ») se cache un poète facétieux aux multiples talents. Cette petite anthologie, magnifiquement illustrée par Ghislaine Herbera, révèle le joueur qui est en chacun de nous et prouve que la poésie n'est qu'une vision du monde à travers les yeux d'un enfant espiègle.