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Corti
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Blesse, ronce noire.
Ce sont les derniers mots que georg trakl fait prononcer à sa soeur, gretl, dans le poème révélation et anéantissement, écrit peu avant la bataille de grodek (1914) d'où, la drogue aidant, il ne devait pas revenir. lorsqu'on considère les photographies conjointes du frère et de la sueur, on peut se demander qui fut le premier à dire les mots de la douleur, de l'amour et de la faute et dans quelle secrète complicité naquirent les poèmes.
Dans l'espace de la proximité ouvert entre ces deux faces d'amants et d'artistes, on peut rêver abondamment sur le sens de la dilection, de l'écriture et de la déréliction. claude louis-combet.
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Sainte Christine l'Admirable (1150-1224) s'est trouvée reléguée dans les recoins les plus écartés de l'hagiographie. Elle est un défi aux convenances et au bon sens.
Et c'est pourquoi il est nécessaire de la rejoindre, dans les grandes lignes de sa vie et dans l'extrême singularité de sa personnalité. Révulsée par l'odeur des hommes (des mâles) mais gratifiée du don de lévitation, elle rompit avec le monde, tel qu'elle le connaissait, dans son Brabant natal, et vécut la plus grande partie de sa vie dans les arbres, parmi les oiseaux. -
Bethsabée, au clair comme à l'obscur
Claude Louis-combet
- Corti
- Domaine Francais
- 8 Janvier 2015
- 9782714311368
L'histoire nous apprend que Hendrickje Stoffels (1626-1663), entrée au service de Rembrandt après la mort de Saskia et l'internement de Geertjhe, devint la maîtresse du peintre. Elle fut sa dernière compagne, son modèle de prédilection et la nourrice de son fils, Titus. Tous les biographes la présentent comme une femme entièrement dévouée à son maître dont elle fut le principal soutien dans les années noires qui suivirent sa faillite et la liquidation de ses biens.
Dans ce livre, le narrateur, qui est tout sauf un historien, s'applique à composer l'image mythique du couple d'amants impliqués ensemble dans la création de l'oeuvre comme dans celle de leur vie. Le lien qui les unit s'enracine, d'essentielle façon, dans la part la plus obscure de leur être, dans cette ombre dont Rembrandt déploie la matière en ses toiles, et qui sans cesse enfante la seule lumière nécessaire - expansive, chaleureuse, mystérieuse, pure révélation de l'intériorité.
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Toutes les bêtes sont mortelles
Claude Louis-combet
- Corti
- Domaine Francais
- 4 Février 2021
- 9782714312488
Nous sommes ici bien loin des Fables de La Fontaine car même si les héroïnes et les héros de ces histoires sont des animaux, domestiques ou non, confrontés à des hommes, ou à des enfants, garçons ou filles, il s'agira toujours de contes cruels comme si la confrontation entre humains et non humains était inévitable et que la fraternité ontologique était remplacée par la pesanteur de la culpabilité.
Comment dès lors donner du sens à la douleur, à l'abjection, à la déréliction ?
À travers dix récits, Claude Louis-Combet poursuit son exploration de la psyché humaine et nous révèle jusqu'à où peut aller l'infamie. Nous n'oublierons ni les héroïnes animales ou humaines (Isa de la nuit, Bloody Mary) ni les victimes animales ou humaines (La mort de César, Les larmes d'une truie).
Car tous, autant qu'ils sont, sont des animaux de désir et des animaux de malheur.
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Ce petit texte intimiste est une méditation, d'inspiration autobiographique, sur le déploiement de la solitude à travers une série d'expériences vécues, données comme autant de points d'ancrage de la mémoire : solitude de l'enfant dans
ses moments de rêverie, solitude du jeune adolescent aux prises avec les pulsions de sa sensualité, solitude intellectuelle du jeune clerc en rupture de ban avec les impératifs de la vie religieuse, solitude de l'homme que l'amour
tient face à l'évidence de la mort, enfin solitude du créateur et fauteur de texte dans le silence où mûrissent les mots.
La solitude dans laquelle les âmes bien assises pouvaient lire un risque une menace pour la communication et le partage, une contagion pathologique ruinant l'équilibre affectif et moral de l'enfant et de l'adolescent - révèle toute sa force de signification et sa valeur définitive, dans cette issue de l'existence que représente la création par l'écriture, pour autant que celle-ci affirme son intransigeante fidélité à la nécessité intérieure sa seule justification.
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Le cérémonial, évoqué dans le titre, préside à la célébration de l'amour par les amants. Il est le fruit longuement préparé, dans le terreau de l'enfance et de l'adolescence, par des expériences aussi occultes qu'essentielles qui résultent elles-mêmes du travail des sens, associé à quelques intuitions que l'on peut dire de l'ordre du coeur. Des arcanes, en quelque sorte, symbolisés dans cette suite de textes par trois images : celle des Gémeaux, celle du Chant, celle de la Fleur.
Les trois récits qui composent l'ouvrage ont été écrits avec un intervalle d'une dizaine d'années entre chacun d'eux : " Gémellies " date de 1990, " Choralies " de 1999 et " Floralies " de 2010
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Voici le livre du fils. Il tmoigne par le
souvenir, la rverie, le fantasme, du rle jou par le corps de la mre -
prsence charnelle d'abord ravissante et englobante avant de devenir hostile et
rpulsive - dans l'initiation l'rotique amoureuse et par l dans la destine
spirituelle de l'homme du texte. Modle des modles de tout corps de dsir et
d'amour, le corps maternel appelle la fusion, entretien la confusion et
ncessite le rejet. Sur le fond de cette aventure de l'intimit, le fils assure
son projet, de lier sans hiatus l'criture et l'existence. C. L.-C. Ce livre
aurait pu tout aussi bien s'intituler Naissance d'une vocation d'crivain,
car c'est bien de cela qu'il s'agit. Point d'aboutissement en mme temps que
point de dpart, tel est le paradoxe de ce grand livre qui sera l'oeuvre de
Louis-Combet ce que furent Les Mots pour Sartre, Enfance pour Sarraute, L'ge
d'homme pour Leiris et, si l'on remonte dans le temps, Les Confessions pour
Rousseau.
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Les textes rassemblés ici représentent chacun le moment d'une interrogation sur le sens de l'application à l'écriture qui tend à remplir la vie et voudrait lui donner un sens.
On y trouve d'une part des études, fortement imprégnées d'autobiographie, portant sur des modèles de pensée (Platon, Nietzsche, Henri Maldiney), d'autre part des réflexions et des souvenirs sur la genèse d'oeuvres récentes, enfin quelques aperçus sur le travail en cours, en matière de mythobiographie, d'hagiographie et d'autobiographie. L'interrogation porte sur le lien qui rattache l'écriture à l'existence : promesse tenue et promesse déçue.
C.L.C.
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Dans la bithynie chrétienne du ve siècle, vivait une jeune vierge nommée marina.
à l'âge de quinze ans, elle entra, à la suite de son père, dans un monastère d'hommes ou, ayant réussi à dissimuler son identité sexuelle, elle mena une existence de contemplation et de pénitence. après sa mort, l'église la canonisa et elle fut honorée indistinctement ici sous le nom masculin de marinus et là, sous le féminin de marina. traducteur et interprète de cette légende, le narrateur élabore le récit de son propre cheminement spirituel, à la fois contrepoint et écho de l'aventure intérieure de marina.
Le texte étranger - à sa langue, à sa culture et à sa foi - devient la lumière qui lui permet de déchiffrer peu à peu sa biographie, au coeur de laquelle la question de l'adhésion au masculin ou au féminin s'impose comme un problème limite qui ne débouche, ici, sur aucune voie de salut.
C. l. -c.
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Il convient de lire Tsé-Tsé et Mémoire de Bouche comme un récitatif à deux voix - à la fois oratorio et tryptique - une complainte en trois mouvements.
La voix de la mère se fait entendre, première et dernière. Elle ne chante en sa parole solitaire que pour exprimer le plaisir, la douleur et la plénitude de la succion, de l'absorption et de l'anéantissement par dissolution de salive et sucs gastriques. L'enfant est le premier et unique objet de cette extatique voration. Investie entièrement dans son application de suceuse absolue, la mère réintègre en elle-même le fruit de ses entrailles.
Cette opération charnelle a toute l'exigence d'une ascèse et toute la lenteur hors du temps d'une contemplation. Alors en contrepoint se fait entendre la voix de l'enfant, à la troisième personne, celle du pur objet. La possessive tendresse maternelle prend la forme symbolique de la mouche tsé-tsé, émolliente et anesthésiante, dispensatrice d'un sommeil physique et mental, pathologique et prodigieux, à l'horizon duquel l'enfant s'identifie complètement à la vermine qui l'anéantit, puis au vide qui en résulte.
Une fois son enfant réduit, éteint, dissipé, rendu à son indistinction initiale antérieure à sa naissance, il ne reste plus à la mère, dont la fringale n'a pas failli, de se prendre elle-même pour proie. L'autodévoration de celle qui n'est plus que bouche illimitée s'affirme comme l'accomplissement de la dimension auto-érotique de la femme dont la fécondité tient tous ses produits dans les bornes de son giron.
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Les vies des saints dans la tradition chrétienne (mais cette remarque vaut, je crois, pour toutes les religions) constituent une fabuleuse richesse d'imaginaire.
Celui qui a grandi, toute son enfance et son adolescence, consciemment ou inconsciemment, dans le sein de sa sainte mère l'eglise, et qui est devenu, avec le temps, le rêveur nostalgique de sa propre existence, trouve, en ces récits surannés, matière à brassage de fantasmes et à fixations d'affects.
Les personnages de la littérature hagiographique expriment, au degré supérieur, sur les hauts ciels de la sublimation et dans la proximité du sacré qui fait trembler, les pulsions de tous les désirs, les contradictions du moi et du monde, les conflits de l'élan vital et des forces de dissolution et d'annihilation.
Ils expriment tout ce que l'humanité peut savoir de plus excessif sur l'amour, le sacrifice, la perdition, l'anéantissement. ils incarnent de prodigieuses images libidinales et leur vie se tient sur un fil tendu et ténu, prêt à se rompre : celui qui sépare la sainteté de la perversité.
Rose de lima, qui vécut au temps des conquistadors et fut la première sainte officiellement reconnue de l'amérique latine, apparaît comme le point focal d'une histoire sanglante, lourde de culpabilité collective.
L'auto-punition, l'auto-destruction, le délire flagellatoire et mutilatoire de la vierge péruvienne signalent l'abcès de fixation qui draine toute la violence des inassouvissements de la chair comme de la foi.
Le narrateur de cette histoire, quant à lui, saisit l'occasion de son investigation dans le passé et de sa rencontre avec une figure très singulière de la sainteté chrétienne au féminin, pour trafiquer et troquer celle-ci, des émotions, des sentiments, des visions qui lui appartiennent encore.
Ce processus, hautement subjectif, d'identification, de projection, d'appropriation et d'échange est au coeur de l'entreprise mythobiographique dont rose de lima fait ici -dernier supplice- tous les frais.
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Ce livre se propose comme une tentative pour apprécier, au fond et au fil de l'oeuvre, la mesure de l'autobiographie.
Il interroge la rupture et la continuité qui s'établissent entre la narration d'une histoire individuelle et la construction d'un récit entièrement voué au traitement littéraire des mythes, des rêves de l'imaginaire collectif, et des légendes hagiographiques. La mémoire événementielle est indigente et lacunaire, mais elle s'enfonce comme un espace originel hanté par les hautes figures des mères et par les traces indélébiles de quelques rares paysages entrés dans la construction même de l'être.
Depuis le commencement, est-il scandé, car l'écriture est l'expérience soutenue d'un retour aux origines : vacuité et plénitude. Et ce texte qui a l'apparence d'une somme de l'expérience intérieure des années de formation et des années de création recueille tous ses horizons dans l'évocation du noyau nocturne qu'il porte en lui comme son fondement. A ce point, ce livre ne peut être que l'élément d'une suite auto-mytho-biographique, à laquelle toute l'entreprise d'expression s'est consacrée, et qui reste en attente de ses prolongements.
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Proses pour saluer l'absence
Claude Louis-combet
- Corti
- En Lisant En Ecrivant
- 21 Septembre 1999
- 9782714307026
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Loin d'être une étude, un discours analytique et didactique sur l'oeuvre photographique d'Henri Maccheroni, ce texte est une laisse autobiographique dans un ensemble qui demeure à édifier : ici, passage d'un témoignage qui place, au centre de la méditation, la figure hiératique, érotique et esthétique du sexe de la femme.
Henri Maccheroni est le photographe inspiré de l'intimité sexuelle de la femme.
Il a porté à la perfection de sa forme l'éclosion de l'organe féminin sous le regard. Cette entreprise qui cultive et maîtrise la fascination rejoint dans sa proximité et à l'infini le souci de l'homme d'écriture qui cherche à cerner la puissance d'adoration tapie au fond de l'amour.
Lorsque l'évidence de la mort entre dans la contemplation de ce qui est, par excellence, l'image symbolique de la vie, la série des Vanités vient prendre la suite des deux mille photographies du sexe d'une femme.
L'écriture a suivi le même chemin, dont l'amertume n'épuise ni la tendresse ni la ferveur.
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Les cinq nouvelles rassemblées ici évoquent l'ambiguïté du corps amené à incarner des expériences-limites proches de la transe mystique, de l'état théopathique (stigmatisation), du délire amoureux.
Portés à l'excès de leur désir, l'homme et la femme sont libérés des caractères ordinaires de leur individualité. Ils atteignent à une identité insoupçonnée dont l'image du corps, transformée, transfigurée, transvaluée, atteste l'épreuve de possession surnaturelle. Le rayonnement de la chair, en l'absence de l'âme évadée, laisse entendre que la vraie vie, une autre vie en tout cas, est atteinte et se poursuit.
C.
L.-C.
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Saint Druon est une figure très populaire du folklore religieux du Nord de la France où il est donné comme patron des bergers. Sa légende remonte au XIIe siècle. Elle rapporte qu'ayant provoqué la mort de sa mère à sa naissance, Druon éprouva dans son enfance un puissant sentiment de faute
personnelle. Arrivé à l'adolescence, il s'enfuit du château familial, rompit tous liens avec sa classe aristocratique qui lui promettait un bel avenir et, afin de faire pénitence, s'engagea comme gardien de troupeau de moutons. Considérant ensuite que seul le pape pouvait l'absoudre de ce qu'il regardait comme le meurtre de sa mère, il fit neuf fois le pèlerinage à Rome, sans jamais pouvoir rencontrer le souverain pontife. Il revint alors dans son village d'adoption, s'enferma dans un ermitage et, pendant quarante ans, jusqu'à sa mort, mena la vie de reclus.
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