Au cours d'une longue histoire - des temps archaïques où les premiers hommes s'y installèrent à la découverte du continent par les Européens -, les peuples indigènes d'Amérique latine ont formé des bandes de chasseurs-cueilleurs, sont devenus agriculteurs, se sont organisés en chefferies, ont bâti des cités puissantes, des empires, ont édifié une architecture monumentale sur une aire immense, de la Mésoamérique aux confins de la Terre de Feu. Malgré des reliefs et des climats parfois hostiles, des civilisations complexes virent le jour : Olmèques, Mayas et Aztèques en Mésoamérique, Incas dans les Andes et des dizaines d'autres aux langues, croyances et organisations particulières.
Malgré des avancées scientifiques considérables, des pans entiers de cette histoire fascinante demeurent pour l'heure méconnus, et c'est à les éclairer que s'attache Carmen Bernand dans cet ouvrage. À l'appui de l'archéologie, dans toutes ses composantes, de la botanique à la géologie, de l'ethnographie et de sources essentiellement précolombiennes, ainsi que d'une iconographie originale et de cartes inédites, ce sont plus de 30 000 ans d'une histoire de l'Amérique latine qui sont ici retracés.
En 1527, au sud de l'isthme de Panama, les conquistadores découvrent, éblouis, une contrée aux richesses inouïes. Persuadé d'avoir trouvé l'Edorado, leur chef, Pizarro, convainc la Couronne espagnole de financer la conquête du Pérou. De retour en 1532, il met à profit la guerre fratricide qui déchire le pays. La mort du souverain, Atahualpa, scelle le destin de l'Empire inca. Les Espagnols entrent dans Cuzco et saccagent le temple du Soleil. Pendant deux siècles, l'ordre espagnol va régner sans partage sur les Cordillères. Usant tour à tour de la répression et de la persuasion, les colons s'acharnent à briser les rites et les croyances des Indiens. En 1780, encore, l'insurrection fomentée par Tupac Amaru est impitoyablement écrasée par le pouvoir colonial.
Carmen Bernand fait revivre ce destin tourmenté et tragique du peuple du Soleil.
Quetzalcoatl est l'une des divinité majeures des civilisations de l'aire méso-américaine. Serpent à plumes et homme-dieu du Mexique, prêtre-roi divinisé hostile aux sacrifices humains, législateur, artiste et justicier, il n'en finit pas de se métamorphoser. Il participe aussi à la création du monde et, grâce à son sacrifice, donne vie au cinquième soleil sous lequel nous vivons encore aujourd'hui.
Conçu autour des multiples facettes de la divinité, le livre de Carmen Bernand est une superbe et fascinante initiation aux croyances du Mexique.
Comment raconter l'histoire des peuples originaires du nord, du centre et du sud de cet immense continent américain appelés « Indiens » par les conquistadores et missionnaires ? En ne se limitant pas à la seule période circonscrite aux sources écrites rédigées généralement par des chroniqueurs, des prêtres, des lettrés, fussent-ils d'origine indigène. Et en dépassant les barrières nationales, qui ne datent que du xixe siècle.
Dans ce récit d'une richesse exceptionnelle et agrémenté d'illustrations, Carmen Bernand relève le défi avec brio. Elle s'intéresse aux trajets et réseaux d'échanges, à la violence sacerdotale et au sacrifice, qui est la dette que les hommes payent pour vivre, à la force agissante des signes sacrés gravés, peints, modelés sur des supports variés, à la Montagne sacrée, source de vie, et enfin au chamanisme, arrivé en Amérique avec les migrations asiatiques préhistoriques.
Coquillages, maïs, drogues, dieux ou temples ponctuent ce grand voyage qui nous entraîne sur la trace des Mayas, des Aztèques, des Incas et bien d'autres encore, depuis les origines jusqu'à la Conquête, de la période coloniale à la formation des États-nations modernes.
Ethnologue et anthropologue, Carmen Bernand a enseigné à l'université Paris X-Nanterre jusqu'en 2005. Après avoir travaillé sur les populations andines et effectué plusieurs recherches de terrain en anthropologie, elle s'est consacrée à l'histoire de l'Amérique latine. Elle a publié de très nombreux livres, en français et en espagnol.
Qui étaient les Incas ? En quoi croyaient-ils ? Quels étaient leurs pratiques religieuses et leur système politique ? La religion des Incas est en effet inséparable de la dynastie solaire qui gouverne cet immense territoire. Cette dimension politique, renouvelée par des rites collectifs, des cérémonies et des sacrifices, n'est pas seulement le produit d'une conquête militaire. La construction symbolique du territoire, l'abstraction de son architecture, la symétrie des formes et la passion géométrique reflètent un ordre immuable, abstrait et transcendant qui impose sa logique tout en rappelant ses racines telluriques et autochtones.
Dans cet essai magistral, qui se débarrasse des préjugés et malentendus, Carmen Bernand fait revivre d'une plume vivante l'un des grands univers culturels de notre patrimoine et sa « modernité » politique et religieuse.
Une plongée dans un univers qui n'a pas fini de nous fasciner.
Quel est le lien entre les Incas du Pérou, le temple du roi Salomon, les utopies solaires de Platon, les spéculations d'un rabbin ibérique, les Romains, le socialisme et les projets messianiques ? L'oeuvre de l'Inca Garcilaso de la Vega dévoile ces connexions. Né en 1539 dans la tourmente de la conquête du Pérou, d'une princesse péruvienne et d'un conquistador apparenté à des Grands d'Espagne, Garcilaso passe ses vingt premières années dans un pays déchiré par la violence, avant de s'installer définitivement en Andalousie. C'est dans cette région marquée par le triple héritage chrétien, maure et juif, qu'il rédigera dans un castillan éblouissant une oeuvre destinée à réhabiliter les Indiens d'Amérique, notamment les Incas du Pérou, et qui servit de modèle aux révolutionnaires des temps modernes. Ce livre analyse la complexité des emprunts littéraires et politiques ainsi que les identifications et les rejets d'un homme considéré comme le « métis exemplaire », tiraillé entre plusieurs identités conflictuelles. Homme du déracinement, de l'errance et de la mélancolie, Garcilaso réussit à inscrire les Incas des Andes dans l'histoire universelle, livrant de son peuple une image exceptionnelle qui a perduré jusqu'à nos jours.
Tout pour réussir l'agrégation.
Une approche comparative unique, tant historique que sociologique.
A l'image du tango qu'elle a vu naître et des labyrinthes chers à Jorge Luis Borges, Buenos Aires est une ville mythique. Dès sa fondation, son histoire est jalonnée de disparitions que les légendes ou la poésie viendront combler jusqu'à se confondre avec elle. Les premiers Espagnols doivent l'abandonner en 1536, peu après l'avoir fait surgir du néant. La bourgade renaît, à l'orée de la pampa, vivant de la chasse au bétail ensauvagé et de la contrebande. Longtemps capitale des gauchos, elle devient en 1778, celle du vice-royaume du Rio de la Plata, puis le berceau de la révolution des peuples sud-américains contre l'Espagne.La toute jeune capitale de l'Argentine, avec ses rues tirées au cordeau, est une ville immense, dont le rayonnement intellectuel ne s'éteindra qu'au temps des dictatures. C'est une ville cosmopolite où d'innombrables Européens cherchent à faire fortune et où toutes les races de la terre viennent se fondre. Bientôt, les enfants d'immigrés et les marginaux s'identifient à Gardel, un enfant de Toulouse, grâce auquel le tango conquiert un public international. Au fil des siècles, bien d'autres personnages charismatiques suscitent la faveur des Portègnes: San Martin le libertador, Rosas le pourfendeur de l'impérialisme européen, Evita Perón la tant aimée, Diego Maradona, idole d'une Argentine triomphante.En 1976, la ville qui avait donné à des millions d'hommes un sol et des rêves sombre dans les ténèbres. Commence alors l'opération Grand Silence au cours de laquelle trente mille personnes disparaissent. Mais y a-t-il un oubli qui ne contienne un souvenir? demande Roberto Juarroz. Les mères de la place de Mai n'oublieront jamais, elles qui pendant près de vingt ans se sont battues pour connaître la vérité.Car le voyageur qui s'enfuittôt ou tard s'arrête en cheminet si l'oubli qui détruit touta tué mes rêves d'autrefois,il y a cachée en moi une humble lueurla seule fortune qu'a gardée mon coeur.Volver, tango d'Alfredo Le Pera, chanté par Carlos Gardel, 1932Parcourir Buenos Aires n'est pas marcher, c'est jouer aux dames avec ses pieds.Albert Londres, 1927Je me précipitai dans les rues à la recherche des amis qui seraient prêts à défendre Pérón. J'ai parcouru tous les quartiers de la grande ville. C'est à cette occasion que j'ai découvert la chaîne des coeurs qui battent sous le ciel de mon pays.Eva Pérón,La Raison de ma vie, 1951Nous sommes à la fin d'une civilisation et dans un de ses confins.Ernesto Sabato, 1973Carmen Bernand qui a vécu vingt-cinq ans à Buenos Aires est anthropologue. Elle est l'auteur avec Serge Gruzinski de l'Histoire du Nouveau Monde (t. I: De la Découverte à la conquête; t. II: Les Métissages).
Comme un nouveau livre des Métamorphoses ou des pages de l'Odyssée qui auraient franchi l'Océan et les Andes pour se prendre en Patagonie, ce recueil nous entraine vers ce que Carmen, l'historienne et l'anthropologue, a toujours pressenti sous la carapace des mots et la singularité des choses, ces autres serrés comme les paquets enfouis des temps archaïques. Oui, les lacs ont des yeux, les chèvres de l'Olympe qui courent dans la plaine de Sedan sont passées par Ithaque et les ombres de l'éclat, égarées ou toujours lumineuses, sont les dernières dépositaires d'une mémoire vouée à l'oubli. La poésie ne fait parler ni les mots ni les images, elle en dévoile [...] l'autre versant. En nous incitant à ouvrir nos yeux et nos âmes sur la pluralité des mondes et des êtres qui les peuple. - Serge Gruzinski
C'est dans les Amériques que sont nées et se sont épanouies les deux grandes inventions musicales du XXe siècle : le jazz et la « musique latine ». Celle-ci est l'objet de ce livre qui retrace sa genèse depuis la fin du Moyen Age jusqu'au début des enregistrements sonores.
L'ouvrage débute par la confrontation de trois traditions musicales à la fin du XVe siècle : l'ibérique, dans laquelle le « populaire » est intimement lié à ce que nous appelons aujourd'hui la « grande musique » ; l'amérindienne, fortement ritualisée ; et l'africaine, qui accorde une importance majeure au rythme et aux percussions. Dans le mélange instrumental, mélodique et textuel qui s'opère au fil des siècles dans le cadre des grandes festivités religieuses baroques, les esclaves et affranchis d'origine africaine jouent un rôle de premier plan donnant à la musique (sons, chansons, gestes) une sensualité et une liberté de mouvements toutes nouvelles. Créativité permanente, la musique des Amériques - espagnole et portugaise-se décline sur une longue durée où la samba, le tango, les congadas, la rumba et les corridos, parmi nombre d'autres genres, deviennent des marques identitaires des peuples latino-américains. Dans cette gestation, des ponts unissent ces musiques à l'opéra, aux danses européennes (polka, contredanse), au jazz, ainsi qu'à la musique flamenco des Gitans andalous.
Force cosmique liée à la création du monde, Quetzalcoatl n'en finit pas de se métamorphoser : Serpent à Plumes et Homme-dieu du Mexique, prêtre-roi divinisé, hostile aux sacrifices humains, législateur, artiste et justicier... C'est sous la forme animale du Serpent à Plumes que Quetzalcoatl apparaît sur les bas-reliefs de Teotihuacan, la cité des dieux, dans l'actuel Mexique, en l'an III de notre ère. Selon la mythologie, il participa avec son rival Tezcatlipoca à l'origine du monde. Grâce à son sacrifice, il donne vie au cinquième soleil, sous lequel nous vivons aujourd'hui. C'est lui également qui descend dans l'inframonde pour voler les os des premières générations et pouvoir créer l'homme actuel. Lorsque Hernan Cortés débarque en 1519, il est pris pour Quetzalcoatl et traité comme un dieu. Par la suite, Quetzalcoatl sera identifié avec l'apôtre saint Thomas, avec le diable, ou, au début du XXe siècle, avec Emiliano Zapata. Le livre s'achève sur la récupération du prêtre-roi par la culture populaire, le New Age et la science fiction...
Buenos Aires est inséparable de sa mythologie. Rêve européen des urbanistes qui prolongent le damier originel jusqu'à la plaine sans limites et enfouissent, sous les pavés, les plages. Espoir de millions d'immigrants arrachés à leur patrie par la misère, utopie des ouvriers anarchistes, illusion des midinettes et des filles de petite vertu, paradis des malfrats, toutes ces espérances ont été sublimées par la poésie et par la musique.
Égarée dans la ville aux carrefours roses et aux labyrinthes rectilignes, la multitude attend toujours son homme providentiel. Et dans la dernière demeure, l'homme au sourire de bronze tient toujours ses promesses de bonheur.
Les Renaissants, Indiens de Pindilig, village perdu des Andes équatoriennes, sont à la fois coupés de leurs racines anciennes, par une évangélisation multiséculaire, et du monde moderne par l'archaïsme de leurs coutumes.
Ces hommes, accrochés aux pentes surpeuplées d'un pauvre terroir, écartelés entre leur fidélité à leur origine et leur désir d'échapper à la malédiction d'être indien, vivent avec une intensité dramatique, qui n'exclut d'ailleurs ni la tendresse ni le rire, les multiples malheurs naturels, biologiques qui s'abattent sur eux. Ils les attribuent tour à tour au châtiment de Dieu, à la malveillance des sorcières ou au retour sous une forme infernale des vieilles divinités précolombiennes qui viennent les tourmenter dans leur corps.
Le langage énigmatique et riche de ces Indiens, les personnages hauts en couleur qui peuplent ces pages, la multitude d'anecdotes étonnantes, l'évocation des hautes terres andines n'appartiennent pas au domaine de la fiction. Carmen Bernand, l'auteur, a longtemps vécu parmi les Renaissants dont elle nous rend compte avec chaleur : le livre est traversé par l'expérience d'un engagement profond auprès de ces déshérités, grâce à quoi nous sont restitués avec force les événements qui scandent la vie quotidienne des Renaissants, derniers représentants d'un monde désuet où la cruauté et le merveilleux s'entremêlent de façon indissociable.
Toutes les armées du monde ont utilisé mais rarement montré une main-d'oeuvre servile. Cet ouvrage analyse l'importance de la fonction militaire pour l'intégration des anciens esclaves et des affranchis dans la société à travers une comparaison entre monde musulman et monde chrétien, du XIIIè au XXIè siècle. Un livre important sur l'histoire de la servilité, sur l'histoire coloniale, sur l'histoire militaire.
Ville mythique, que les Incas plaçaient au centre du monde, Cuzco a été la capitale d'un empire immense.
Elle a été pillée au XVIe siècle, deux princes Incas y ont été exécutés, mais elle a été aussi le berceau de métissages culturels marqués par le renouveau d'une musique incomparable. Depuis le XXe siècle, Cuzco est le cadre de nouvelles revendications identitaires. Carmen Bernand livre ici un texte où l'émotion de cette ville qu'elle a découverte en 1960 imprègne l'évocation de son histoire, jalonnée des photographies de Jacques Raymond.