31 décembre 1946 : le corps d'un garde-chasse criblé de plombs est découvert gisant dans un étang de la Brenne. Trois cours d'assises condamnent pour ce meurtre deux braconniers, Raymond Mis et Gabriel Thiennot. Au soir du troisième verdict, rendu à Bordeaux en 1950, l'affaire semble close et Maurice Garçon, l'avocat de la partie civile, pense pouvoir archiver son dossier.
Trente ans plus tard, plusieurs livres fondés sur des approximations, des hypothèses fantaisistes et des ragots proclament urbi et orbi l'innocence des condamnés. Les médias s'en emparent. Présentant avec complaisance ces hypothèses et ces rumeurs comme l'expression de la vérité, leur jugement est sans appel : Mis et Thiennot ont été victimes d'une erreur judiciaire ! La justice est sommée de présenter ses excuses. Malgré les pressions, la Cour de révision des condamnations pénales sait préserver son indépendance : six requêtes en révision des procès, déposées entre 1983 et 2015, sont rejetées. Pour combien de temps ? Fort du soutien d'une opinion manipulée, une septième requête est annoncée.
Comment cela est-il possible ? Comment un « tribunal populaire » fondant ses certitudes sur une ignorance absolue d'un dossier peut-il ainsi prétendre effacer une vérité judiciaire née de débats loyaux et contradictoires ? À l'heure où la Justice déserte les prétoires pour être rendue sur internet et les « réseaux sociaux », l'affaire Mis et Thiennot incarne les dérives et les dangers qui la menacent.
Avocat honoraire, historien, Gilles Antonowicz poursuit avec Isabelle Marin dans cette enquête percutante un travail l'ayant déjà conduit à l'examen approfondi de grandes affaires judiciaires (La Faiblesse des hommes, histoire raisonnable de l'affaire d'Outreau, Max Milo, 2013, L'Affaire Halimi, Histoire d'une dérive, Nicolas Eybalin, 2014, Maurice Garçon, Les Procès historiques, Les Belles Lettres, 2019, Isorni, Les Procès historiques, Les Belles Lettres, 2021)
En septembre 2008, le président George Bush pouvait encore décrire la crise financière comme un événement localisé à Wall Street. En réalité, cette crise constitua une rupture violente qui eut des répercussions dans le monde entier, des marchés financiers d'Europe et du Royaume-Uni aux usines et aux chantiers navals d'Asie, du Moyen-Orient et d'Amérique latine, entraînant une redéfinition des relations de pouvoir. Aux États-Unis et en Europe, elle entraîna une remise en cause fondamentale de la démocratie capitaliste, ce qui conduisit finalement à la guerre en Ukraine, au chaos en Grèce, au Brexit et à Trump.
Ces événements constituèrent la crise la plus grave dans les sociétés occidentales depuis la fin de la Guerre froide, mais était-elle inéluctable ? Et est-elle derrière nous ?
Crashed est un ouvrage d'un type tout à fait nouveau mettant en lumière des phénomènes jamais analysés : la nature hasardeuse du développement économique et le cheminement erratique de la dette à l'échelle mondiale ; les liens invisibles unissant pays et régions dans des relations d'interdépendance financière et politique profondément inégalitaires ; la manière dont la crise financière a interagi avec l'essor spectaculaire des réseaux sociaux ; la crise de la classe moyenne américaine, l'essor de la Chine, et la lutte mondiale pour les énergies fossiles.
Sur la base de cette analyse, l'auteur s'interroge sur les perspectives d'avenir d'un ordre mondial libre, stable et cohérent.
Comment sont fixées les rémunérations des grands patrons ? Pourquoi ces retraites chapeau et ces indemnités de départ qui ont tant choqué l'opinion publique ? Au cours des trente dernières années les grands patrons ont-ils mérité leur salaire ? A-t-on réellement rémunéré les grands dirigeants selon leurs performances, leurs retraites sont-elles trop généreuses ? les actions qu'ils ont perçues sont-elles méritées ? les a-t-on indemnisés trop « grassement » lorsqu'il leur a été demandé de partir ? C'est à ces questions que Charles Henri Le Chevalier tente de répondre en s'appuyant sur des exemples vécus, en distinguant les performances et les rémunérations justifiées de certains grands patrons (Essilor International, SEB...) de toutes les dérives auxquelles on a assisté : la rémunération stratosphérique de Carlos Ghosn, les indemnités de Patrick Kron lors de son départ d'Alstom, la retraite chapeau annuelle de Lindsay Owen-Jones de 3,4 millions d'euros ! Ces rémunérations sont-elles légitimes par rapport aux collaborateurs dans l'entreprise à l'heure d'internet où la transparence est de règle ? Au « pas vu, pas pris, pas grave », succède désormais le « vu, pris, très grave », surtout lorsque le Patron part avec un pactole alors que des plans sociaux se mettent en place dans le groupe. Et pourtant comment ne pas souligner la difficulté de sélectionner le bon dirigeant, celui qui a en main l'avenir de plusieurs dizaines de milliers de salariés ? Comment ne pas reconnaître qu'il doit avoir une rémunération élevée conforme à sa fonction et à ses résultats ? Comment ne pas rappeler que la plupart ont des exigences vis-à-vis d'eux-mêmes et de leurs proches collaborateurs ! Comparées à des stars du ballon rond, à des traders souvent bons mais parfois sans scrupules, au show business, les rémunérations des grands patrons font parfois pâle figure ! Est-ce si normal ?
Le terme de valeurs fuse partout aujourd'hui. Pourtant, nous n'avons aucune prise sur son concept. Si l'on peut s'en faire une idée économique ou philosophique, il est bien difficile de savoir ce qu'est dans sa généralité la valeur. Penser la valeur en général est le défi que se propose de relever cet ouvrage, tiré d'une thèse de doctorat soutenue à l'EHESS en 2010.
Cette tentative de forger une axiologie, c'est-à-dire un discours général sur les valeurs, a pris la forme d'une généalogie parce qu'elle propose au lecteur une enquête historique, des sociétés dites premières jusqu'à nous et, sur le plan des idées, des religions primitives à Heidegger.
Cette Généalogie n'est pas un exercice intellectuel mené en vain. Elle vise en effet à offrir à un monde déboussolé dans son système de valeurs une manière de ressaisir ce qui se joue spécifiquement dans tout acte de valorisation.
De cette Généalogie, il apparaît que le concept de valeur ne peut se comprendre qu'en étant couplé au concept de force.
La valeur est ce lieu par référence auquel la puissance trouve sa mesure. Aussi toute société est-elle définie par une dialectique de la force et de la valeur.
À l'arrivée, La Généalogie de la Valeur propose une compréhension radicalement nouvelle du problème moderne des valeurs - un problème d'autant plus urgent à affronter qu'il est en voie de se mondialiser, après avoir vu le jour en Europe au XIXe siècle.
La spécificité des modernes est d'avoir envisagé une nouvelle compréhension de leur puissance d'agir : une puissance placée sous le signe de la transformation du monde. Mais cette nouvelle vision de la force n'est pas venue spontanément avec une proposition de valeur pour l'ordonner.
De ce manque surgit la configuration inédite du problème de la valeur - un manque qui permet de décoder d'une manière nouvelle l'aventure moderne, la spécificité des dilemmes qu'elle rencontre, et la manière de les repenser dans leur actualité la plus brûlante.
Quel est le point commun entre l'invention de la roue, Pompéi, le krach boursier de 1987, Harry Potter et Internet ?
Pourquoi ne devrait-on jamais lire un journal ni courir pour attraper un train ?
Que peuvent nous apprendre les amants de Catherine de Russie sur les probabilités ?
Pourquoi les prévisionnistes sont-ils pratiquement tous des arnaqueurs ?
Ce livre révèle tout des Cygnes Noirs, ces événements aléatoires, hautement improbables, qui jalonnent notre vie: ils ont un impact énorme, sont presque impossibles à prévoir, et pourtant, a posteriori, nous essayons toujours de leur trouver une explication rationnelle.
Dans cet ouvrage éclairant, plein d'esprit d'impertinence et bien souvent prophétique, Taleb nous exhorte à ne pas tenir compte des propos de certains « experts », et nous montre comment cesser de tout prévoir ou comment tirer parti de l'incertitude.
Ce livre est une brève histoire du travail. Du néolithique à l'algorithme, Bernard Abate y analyse les révolutions qui ont transformé le quotidien de l'humanité. Il interroge particulièrement l'impact du numérique sur le travail humain. Enseignement contre-intuitif : ces nouvelles technologies ne se substituent pas à l'intelligence humaine. Elles pourraient au contraire remettre l'humain au centre du jeu. La technique avait progressivement séparé le travailleur de l'intelligence de son travail. La révolution numérique, elle, est ambivalente. En un sens, elle concentre toujours plus de connaissances et de pouvoir d'organisation du travail entre les mains de ces nouveaux maîtres que sont les systèmes d'intelligence artificielle et les plates-formes numériques. À l'inverse, en rendant plus accessible à tous le capital technique, elle permet à chacun de se réapproprier l'intelligence de la production et elle facilite la coopération entre individus autonomes et interconnectés. Assiste-t-on à une lutte à l'issue de laquelle le modèle décentralisé et collaboratif l'emportera sur le précédent, centralisé et hiérarchique ? À une coexistence durable ? À une fusion vers quelque chose de différent ? Et, déjà, un nouvel enjeu majeur apparaît : cette nouvelle façon de travailler va-t-elle permettre à l'homme de se réconcilier avec la nature ? En éclairant le présent du numérique par l'histoire du travail et de la technique, ce livre propose des réponses aux questions actuelles.
Jamais les Romains n'ont employé de formule pour désigner ce que nous appelons le « droit pénal ». Devrait-on penser pour autant avec Theodor Mommsen que « le droit pénal romain n'ayant jamais formé un tout, il ne peut être question d'en retracer l'histoire » ? Non, précisément, car l'histoire ne saurait supposer un système doctrinal qui en déterminerait l'objet comme un tout.
Premier jet d'une réflexion amorcée en 1869 et publiée à titre posthume en 1879 dans la « Contemporary Review » sous forme inachevée de cinq chapitres, ce texte veut répondre à la question « Est-ce que les constructions théoriques socialistes sont réalisables et bénéfiques ? » et soumettre ces « constructions » (où Louis Blanc a la part belle) à un « examen impartial » dont il résulte :
- une répudiation sans appel du « socialisme autoritaire » (« communisme ») ;
- une bienveillance affichée pour un socialisme « progressif, décentralisé » reposant sur « l'association entre travailleurs », le mouvement « coopératif » et un « partenariat » égalitaire avec les entrepreneurs ;
- mais aussi une critique de ses déficiences : idéalisme parfois béat, catastrophisme, incompréhension des vertus de la libre concurrence et risques liberticides (« tyrannie de la majorité », étatisation de l'éducation, etc.).
Malgré une mise en cause du principe de la propriété privée des moyens de production, Mill reste à distance du socialisme tout en s'affirmant en pionnier d'un libéralisme hardiment réformiste et déterminé à résoudre la question sociale.
Histoire des idées politiques depuis le XVIII e siècle (CLIL 3286)
Pour tous ceux qui aiment les belles histoires, en voilà une exceptionnelle, celle d'Essilor, une entreprise provinciale qui, sans aucune aide et dans un secteur très technique, a réussi en une cinquantaine d'années à devenir leader mondial face aux champions japonais, allemands et américains. Cette entreprise pionnière de l'actionnariat salarié est entrée au CAC 40, sans l'avoir recherché : preuve qu'en économie concurrentielle, le jeu est beaucoup plus ouvert qu'on ne le croit. Xavier Fontanet vous fait vivre cette aventure unique et retrace toutes les étapes stratégiques et humaines d'une exceptionnelle conquête. À l'origine de ce succès, deux inventions géniales : le verre organique et le verre progressif qui ont servi de leviers pour entrer sur tous les marchés de la planète. La confrontation qui en a résulté avec les meilleurs acteurs du secteur a permis aux équipes de grandir en jouant constamment sur de nouveaux terrains géographiques : Chine, Inde, Corée, Japon, aussi bien qu'États-Unis, Brésil, Australie et bien sûr Europe. L'entreprise a démontré une capacité peu commune à allier recherche, finance, commerce et industrie. La différence avec ses concurrents s'est aussi faite par sa capacité à nouer des alliances fructueuses avec des partenaires locaux. Créer et faire durer ainsi un climat de confiance a procuré à tous un cadre de travail agréable qui s'est avéré une approche managériale d'une redoutable efficacité. Les clés du succès d'Essilor résident en ces savoir-faire « maison ». Les connaître, c'est, pour qui s'intéresse au développement de son entreprise, une formidable leçon entrepreneuriale.
Le conservatisme n'a pas la vie facile. Il est confondu avec tout ce qu'il n'est pas : immobilisme, réaction, traditionalisme, voire contre-révolution. Sans compter l'influence trompeuse qu'a pu exercer le néo-conservatisme américain. Alors, en quoi consiste le conservatisme et garde-t-il une actualité ?
Pour y répondre, l'auteur esquisse une histoire intellectuelle de la pensée conservatrice, de Cicéron à nos jours. Il souligne les lignes de force (autorité, liberté, bien commun, confiance) qui structurent la pensée conservatrice et lui donnent son authenticité et sa permanence. Politiquement, et cela ressort des travaux des penseurs conservateurs modernes (Strauss, Oakeshott, Kolnai, MacIntyre) le conservatisme est la doctrine politique de l'autorité et l'idéologie du courant anti-idéologique.
Il est, d'une certaine façon, le complément naturel du libéralisme.
Mais le conservatisme ne se résume pas à une doctrine. Il suffit de lire Jane Austen, Chateaubriand, Balzac ou Evelyn Waugh pour comprendre que le conservatisme est aussi un style de pensée, une façon d'appréhender la vie dans toutes ces dimensions : littérature, religion et vie morale, histoire, économie, vie en société.
Doctrine et style, le conservatisme a-t-il un avenir ? Peut-il encore exercer une influence décisive sur la vie politique ? L'auteur estime que oui. S'appuyant sur les travaux de neuf grands penseurs conservateurs du xxe et du xxie siècles, il esquisse cet avenir. Il dépendra crucialement de la capacité à faire vivre une nouvelle alliance du libéralisme et du conservatisme. Et ce conservatisme libéral pourrait constituer une idée neuve en Europe et en France.
« Depuis 40 ans... » : la formule fait florès depuis décembre 2018 et le mouvement des Gilets jaunes, jusqu'au président de la République Emmanuel Macron évoquant « quarante années de malaise qui resurgissent ». Le dérapage de la France est connu : désindustrialisation, envol d'un chômage de masse, explosion des déficits, des charges fiscales et sociales, un tournant symbolisé par un budget public toujours déficitaire depuis 1974, quand survient le premier choc pétrolier. Un tournant majeur a en effet eu lieu durant cette année charnière et celles qui l'ont suivie avec l'essoufflement de la croissance dans le monde occidental et, de façon inverse, l'entrée de plusieurs pays du « Tiers-Monde » dans un processus d'émergence et d'industrialisation accéléré. Déficit structurel des échanges, manque de compétitivité de l'industrie nationale... la France est l'un des pays qui se sont adaptés le plus mal à cette nouvelle donne mondiale. Une faiblesse structurelle qui, au-delà du rattrapage des Trente Glorieuses (et de ses illusions) remonte à 1945 et au poids de l'État-providence placé essentiellement sur les entreprises. Au fil des décennies, aucun gouvernement français de droite ou de gauche ne remettra en cause un système soumettant les producteurs nationaux à une véritable taxe douanière à l'envers. Ce handicap est devenu chronique quand la Communauté économique européenne s'est plongée, à partir des années 1970, dans l'océan du libre-échange mondial. Écrit par deux historiens réputés de l'économie et des entreprises, Le Virage manqué dresse le constat clinique du décrochage de la France au cours de la décennie 1974-1984 en analysant ses causes structurelles et son déroulement, sans oublier la responsabilité des gouvernements et des élites nationales choisissant - le gouvernement de Raymond Barre excepté - de faire peser sur l'industrie plutôt que sur les ménages le poids de la contrainte extérieure grandissante de l'économie ouverte et de la mondialisation qui va s'étendre à l'ensemble du globe dans les années 1980-1990.
Prononcé à l'Assemblée constituante le 12 septembre 1848 lors de la discussion sur l'adjonction d'un article ouvrant un « droit au travail » au projet de nouvelle constitution, ce discours retentissant demeurait jusqu'à présent enfoui dans la compilation des innombrables interventions du député Tocqueville au sein de ses OEuvres complètes : accompagné de ses éclairantes notes préparatoires, il est pour la première fois l'objet d'une publication spécifique.
Ce texte révèle un Tocqueville inattendu, non plus le sociologue et historien mais un acteur profondément engagé dans les affrontements idéologico-politiques consécutifs à la Révolution de 1848 : un orateur et polémiste talentueux aussi peu « académique » et « modéré » que possible, proposant ici un condensé de sa philosophie politique.
C'est une contribution initiale et majeure à un débat de fond qui demeure d'actualité, où Tocqueville expose cursivement les raisons de son opposition tranchée au « droit au travail » et sa logique ; formules choc : son adoption ferait de l'État « le grand et unique organisateur du travail », « le maître et possesseur de chaque homme », le « propriétaire unique de chaque chose ».
C'est aussi l'occasion de découvrir Tocqueville farouche adversaire du socialisme inspirant un tel droit ;
Autres formules choc : le socialisme est « une attaque directe contre la propriété et la liberté individuelles », « une nouvelle formule de la servitude humaine ».
En 1951, tournant le dos à son itinéraire l'ayant mené du socialisme national jusqu'à la collaboration idéologique avec Vichy, Bertrand de Jouvenel (1903-1987) publie au Royaume-Uni et en anglais The Ethics of Redistribution.
Dans le prolongement de Du pouvoir (1945) qui lui avait valu une renommée internationale de penseur politique, cet opus, inédit en français, développe avec une sobre alacrité une critique de l'extension du « Minotaure » que représente l'institution naissante de l'État-providence par le biais de la redistribution massive des revenus. Sa thèse : un inquiétant transfert des pouvoirs de décision des individus s'accomplit ainsi au profit de l'État, toujours plus omnipotent. Jouvenel met à mal le mythe d'une redistribution ne sollicitant que les plus riches. La logique fiscale conduit nécessairement à ponctionner aussi les classes moyennes. Une analyse singulièrement iconoclaste et prémonitoire.
Un prémonitoire pavé dans la mare d'une "liberté numérique" maximale : voici ce que pourrait bien être ce Plaidoyer signé de Lysander Spooner (1808-1887), figure majeure de l'anarcho-individualisme américain.
Paru en 1855 sous le titre The Law of Intellectual Property, ce texte rappelle qu'au coeur du débat sur la légitimité du droit de propriété intellectuelle se trouvent le droit naturel de l'individu et le caractère absolument primordial du consentement des créateurs à tout usage de leurs oeuvres. Si tout travail productif procède d'abord d'une idée, le droit de propriété intellectuelle est la plus haute expression du droit de propriété en général.
Bien que le contexte ait radicalement changé, la rationalité de l'argumentaire de Spooner conserve toute sa pertinence. Face à un insidieux et démagogique processus de collectivisation des oeuvres culturelles, cet opus ouvre des pistes de réflexion fondamentales.
Les Pamphlets de Bastiat (1801-1850) édités sour ce titre en 1850 et complétés par le célèbre Ce qu'on voit et ce qu'on ne voit pas excèdent en réalité le genre pamphlétaire convenu. Ce sont autant de brefs mais denses essais à visée pédagogique conjuguant critique de la spoliation impliquée par les projets étatistes et socialistes au moment de la révolution de 1848, et esquisse d'une théorie libérale de la justice sociale attachée à promouvoir la liberté individuelle dans les champs les plus variés de la vie économique et parfois bien au-delà : la solidarité, la fonction de l'argent, l'exercice du droit de propriété, l'enseignement, l'intervention de l'État, l'impôt, les rapports entre le droit et la loi...
Déjà classiques outre-Atlantique, ces pamphlets incisifs et jubilatoires constituent un apport original à la théorie économique et posent les jalons d'une véritable théorie de la justice.
Auteur d'une théorie culturelle de l'évolution qui a marqué son temps (J.
S. Mill, Nietzsche, Durkheim, Bergson en furent les commentateurs volontiers critiques), le philosophe et sociologue Herbert Spencer (1820-1903) a depuis été étrangement j oublié, sauf pour être parfois caricaturé en apôtre d'un " darwinisme social " cruel aux pauvres. En revisitant exhaustivement les moments et axes forts de son oeuvre abondante (La Statique sociale, Les Principes de la morale, L'Individu contre l'Etat.
) et se référant constamment aux textes, Yvan Blot entend réparer ces injustices. Spencer est ainsi rétabli en sa qualité de rigoureux penseur d'une théorie sociale, politique et économique fondée sur le principe d'" égale liberté pour tous ", le droit naturel des individus et la coopération pacifique volontaire. Selon lui, l'évolution conduit de la subordination vers la coordination, du statut vers le contrat et vers une réduction de l'emprise de l'Etat.
Yvan Blot restitue ici à Spencer sa part éminente dans la paternité de conceptions individualistes et libérales, à leur époque profondément originales, et qui, un siècle plus tard, irriguent la dynamique de la modernité.
De ces Principes dont Schumpeter a dit qu'ils étaient « le traité le plus lu de la période », ce volume propose les passages les plus actuellement significatifs extraits des deux derniers des cinq Livres qui les composent.
Quatre points y méritent de retenir l'attention :
- l'adhésion claire aux principes classiquement libéraux de l'économie politique y est corrigée par l'introduction de notables « exceptions » au respect de la « règle générale du laissez-faire » (Livre V) : Mill s'éloigne d'Adam Smith et Ricardo pour poser les bases d'un libéralisme modérément régulateur ;
- le choix de la 2e édition est motivé par l'irruption remarquée du souci pour les « classes laborieuses » (ch. 7 du Livre IV) : préconisation d'une distribution primaire plus équitable des richesses dès leur production, d'une émancipation par l'éducation ;
- la réflexion iconoclaste sur la désirabilité d'un « état stationnaire » (mais non statique) de la société (ch. 6 du Livre IV), surprenante anticipation des problématiques d'une écologie raisonnée et critique d'une croissance démographique sans fin ;
- la formulation précoce (Livres IV et V) des principes anticonformistes et anti-paternalistes ainsi que d'une défense résolue de la liberté individuelle contre l'étatisme qui donneront lieu dix ans plus tard à la publication d'On Liberty.
Dans les années 1930-40, des économistes, juristes et sociologues allemands d'obédience libérale constatent l'échec d'un libéralisme économique inapte à régler le problème des crises économiques graves qui ont bouleversé l'Allemagne depuis la Première Guerre mondiale. Ils ont alors reconstruit les fondements économiques, juridiques, sociaux et culturels d'une économie de marché dont les bénéfices puissent être rendus accessibles et diffusés à l'ensemble de la société. Cette « économie de marché » prend, après la Seconde Guerre mondiale, l'appellation d'« économie sociale de marché ».
Ses concepteurs, réunis à partir de 1948 autour de la revue Ordo deviennent les « ordolibéraux ».
Pour reconstruire une économie de marché efficiente, les ordolibéraux sont passés par la refondation d'une économie politique aux ambitions à la fois scientifiques, normatives et pratiques.
Cette nouvelle économie politique souhaitait rompre à la fois avec la tradition de l'École classique, avec le déterminisme historique marxiste et le réformisme social de l'École historique allemande, auxquels il était reproché des insuffisances théoriques ainsi qu'une incapacité à fournir des solutions efficaces aux graves crises économiques. L'objectif fut alors de poser les fondements scientifiques et pratiques d'un modèle alternatif au « laissez faire » et au dirigisme économique national-socialiste et soviétique.
Les ordolibéraux dessinèrent alors l'esquisse théorique d'un ordre économique et social fondé sur une économie de marché dont le bon fonctionnement était garanti par un ensemble de règles juridiques claires, idéalement scellées durablement dans le cadre d'une constitution économique.
Dans ce modèle, c'est une liberté concurrentielle non faussée, associée à une liberté des échanges et à une stabilité monétaire et budgétaire qui permet de diffuser de manière durable dans l'ensemble de la société une prospérité portée par les succès en matière de commerce international. Cette prospérité générale rend ainsi marginal, voire caduque, un système de redistribution sociale porté par l'État. Le succès économique de l'Allemagne des années 1950 a été en partie porté par ce modèle.
L'héritage théorique de l'ordolibéralisme est, à l'image de ses penseurs, vaste et divers : constitutionalisme et institutionnalisme, mais aussi économie industrielle et théories du développement durable. Une relecture de ses grandes figures offre matière à repenser les fondements d'une science économique ouverte à une recherche interdisciplinaire.
Pierre Bellon, fondateur de Sodexo, incarne une des plus belles réussites entrepreneuriales françaises. Pour la première fois, à 89 ans, il accepte de livrer ses combats et ses convictions. Sa parole est utile car elle est atypique, révolutionnaire, aux antipodes des discours tenus habituellement par les grands patrons du CAC 40. Ce livre s'adresse à tous ceux qui pensent, comme lui, que l'histoire n'est jamais écrite à l'avance. Et que la meilleure façon d'avancer c'est d'entreprendre. Pierre Bellon livre sa vision de l'entreprise, parle de sa raison d'être, de ses valeurs et de ses principes de management. Il fustige la technocratie. Il dénonce les dérives du capitalisme. Il plaide pour l'intra-entrepreneur. « Avant d'être grand, il faut être petit. C'est là toute ma philosophie. La réussite est un long cheminement ».
Un proudhon certes foncièrement anarchiste, fédéraliste, anti-étatiste pour tout dire, mais parfois plus proche d'être un libéral anticapitaliste et antibourgeois qu'un socialiste et dont le combat constant pour l'émancipation de la classe ouvrière va de pair avec une rude opposition au communisme.
Voici le proudhon (1809-1865) que ce volume dévoile en bousculant nombre d'idées convenues à son sujet : entre autres, que la propriété est loin d'être forcément un " vol ". ces textes sélectionnés, ordonnés et présentés par vincent valentin, maître de conférences à l'université paris-i, soulignent le caractère complexe, souvent paradoxal et évolutif, d'une oeuvre foisonnante à laquelle le lecteur contemporain n'a plus directement accès depuis longtemps.
Et dont la conception vive de la liberté individuelle qui l'irrigue donne toujours à penser.
« La faute au laissez-faire ! », a entonné tout le monde lors de la récente crise économique. Heureusement, « le laissez-faire, c'est fini », a annoncé Nicolas Sarkozy. Donc, il n'y aura plus de crise ?
Pourtant, la crise n'est pas finie. Elle se manifeste dans les soubresauts de la Bourse autant que dans l'incapacité des États à payer leur dette et à maîtriser leur déficit.
Ce livre nous amène où la crise est apparue à l'été de 2007, c'est-à-dire dans le marché, américain surtout, des titres adossés à des créances hypothécaires. Ce marché de même que celui de l'immobilier résidentiel en général, l'État américain les avait pris sous son aile. Comme disait George Bush en 2002, « quand quelqu'un souffre, il faut que l'État bouge ». Il y a toujours des gens qui souffrent et l'État s'agite sans cesse. L'Amérique est-elle vraiment si différente de la France ?
Une crise du laissez-faire ? Les faits et les statistiques parlent d'eux-mêmes. C'est d'une autre crise qu'il s'agit. Mais laquelle ?
En tentant de répondre à ces questions, Pierre Lemieux nous entraîne dans une exploration des théories macroéconomiques et dans un examen du xxe siècle, dont Mussolini rêvait qu'il fût « le siècle de l'État ». Un livre essentiel pour comprendre la finance, l'Amérique, la France, et la vraie crise qui dépasse à toute vitesse le train à l'arrêt.
L'économie américaine devient-elle japonaise ?
Suit-elle le chemin qui a conduit le Japon dans cette dépression douce où il reste englué depuis dix ans ?
Et va-t-elle vers un inéluctable effondrement ?
Pour répondre à cette question, William Bonner analyse sous l'angle de l'histoire et de la philosophie morale, mais sans négliger l'aspect économique, plusieurs étapes cruciales du développement du monde industriel et explique notamment :
Pourquoi a éclaté la bulle boursière de l'âge de l'information, en examinant la réalité d'entreprises telles qu'Amazon.com, Cisco systems ou Global crossings ;
Pourquoi la consommation galopante des ménages américains, fondée sur le crédit et non sur l'épargne, a surchauffé l'économie US, en l'amenant au bord de l'explosion ;
Pourquoi le miracle économique japonais s'est soudain écroulé, et ne s'est pas relevé malgré une politique monétaire censée y remédier ;
Pourquoi la Guerre de Sécession comme toute guerre en général a conduit à la création d'un système de banque centrale ;
Pourquoi les aventures financières de John Law, au XVIIIe siècle, annonçaient la spéculation autour des dot com à la fin du XXe siècle ;
Pourquoi le vieillissement de l'Occident menace plus notre économie que les politiques gouvernementales.
Tirant les leçons trop négligées des événements passés, William Bonner propose en conclusion des solutions originales et argumentées pour permettre au lecteur de survivre financièrement face à la crise qui vient.
William Bonner est le fondateur et président du groupe international Agora Publishing, qui édite des lettres d'analyse financière comptant un million d'abonnés dans le monde ; il est aussi le créateur et l'éditorialiste du Daily Reckoning, quotidien économique diffusé par internet à 500 000 lecteurs. Américain et amoureux de la France, il vit à Paris et dans le Poitou.
Addison Wiggin est analyste financier.
Avant-propos de Jim Rogers.
Traduit de l'anglais par Françoise Garteiser et Régine Hollander.
Parmi les moments de l'histoire de France ayant le plus marqué nos mémoires figure l'épisode de la banqueroute de mai 1720 (la fameuse «rue Quincampoix» .) qui ruina des milliers de personnes, suite à l'introduction inédite et fracassante du papier-monnaie par John Law (1671-1730), le banquier d'origine écossaise et bref Contrôleur général des finances, réduit à l'exil.
En retraçant avec soin sa fulgurante ascension politique, Nicolas Buat établit que contrairement à sa réputation sulfureuse d'aventurier et de spéculateur sans scrupule, John Law fut un génie de la finance, un remarquable théoricien de l'économie post-mercantiliste qui tenta de résorber l'immense dette publique de l'époque en créant une Banque royale émettrice de billets se substituant à l'or. Le parallèle esquissé avec la crise financière de 2007 n'est pas fortuit : on y retrouve la plupart des ingrédients qui ont fait la réussite et l'échec du système du premier banquier central de notre histoire, qui se brûla les ailes en actionnant les leviers tout neufs de la création monétaire et du soutien à l'économie.
Au fil de ce récit à suspense qui fait revivre l'épisode haut en couleurs de la Régence de Philippe d'Orléans (au cinéma : « Le Bossu », « Que la fête commence ».) dont le tricentenaire interviendra en 2015, on croise aussi le tout jeune Louis XV, le mémorialiste Saint-Simon, Montesquieu et même Casanova : ce n'est pas l'un de ses moindres intérêts.