Peut-être particulièrement dans un pays dont la fête nationale célèbre la prise de la Bastille comme symbole de la Révolution, la prison est une institution qui interroge.
Qui enferme-t-on, et pourquoi ? Peut-on se passer de la prison ? Devrait-on le faire ?
Les luttes féministes et les luttes pour l'abolition du système pénal et de la prison sont souvent présentées, notamment en France, comme étant antagonistes. Ce livre vise à délier ce noeud en explorant les formes de protection que les femmes peuvent attendre du système pénal et en mettant en lumière comment celui-ci, et plus particulièrement la prison, affecte leur existence, qu'elles soient incarcérées ou qu'elles aient des proches en prison. Gwenola Ricordeau articule les analyses féministes et celles de l'abolitionnisme pénal et dénonce la faiblesse de la proposition politique des courants féministes qui promeuvent des réponses pénales aux violences contre les femmes. S'inscrivant dans la critique du « féminisme carcéral », elle plaide pour des formes d'autonomisation du système pénal.
« La nature de l'environnement spatial et social en prison a des répercussions sur les stimulations sensorielles des individus incarcérés. Plus prosaïquement, la prison nique nos sens ».
Nouveaux délits, construction de nouvelles prisons : l'enfermement tend à se normaliser et à créer une masse informe de prisonniers anonymes. Mais la prison n'est pas qu'une restriction des mouvements, elle marque les personnes et les chairs. Ce livre décortique les effets de l'enfermement sur les corps par l'angle original de la perception. Cinq sens, donc cinq chapitres. Mêlant analyse et témoignages, il permet de comprendre la prison depuis l'intérieur, oui, mais depuis l'intérieur du corps.
Créée en 1996, la section française de l'Observatoire international des prisons (OIP) se bat pour le respect des droits et de la dignité dans les prisons françaises et milite pour la réduction du recours à l'emprisonnement. En vingt-cinq ans, l'association est devenue un interlocuteur essentiel pour les détenus mais aussi pour l'ensemble des personnes qui s'intéressent à la question carcérale. Elle est par ailleurs une force de proposition respectée des institutions qui sollicitent régulièrement son analyse. Pourtant, alors que la prison reste un espace de non-droit, l'Observatoire n'a jamais été aussi peu soutenu financièrement par l'État. Au point que son existence est menacée.
C'est pour réaffirmer les valeurs qui sont au fondement de son action que des écrivains s'associent au combat pour sa défense. Leurs textes rappellent à quel point la prison hante nos consciences malgré les mécanismes d'occultation de sa dure et proche réalité. Chacun y raconte, dans une grande diversité de forme et de ton, son lien à ce lieu de relégation et dénonce le scandale de sa persistante inhumanité.
Les bénéfices de ce livre sont reversés à l'OIP
Vous qui tenez ce livre entre vos mains, vous allez découvrir une vingtaine de détenues devenues des écrivantes.
Vous allez partager leurs aspirations et un peu de ce qui se passe entre les murs d'une prison. Derrière les mots de chacune, c'est peu à peu leurs forces, leurs faiblesses, leurs désirs et leurs joies qui transparaissent.
Se dessine le portrait de femmes courageuses qui sont parvenues à s'affranchir de leur passé et à trouver une nouvelle voie.
« La liberté est comme une prise d'air ;
Dans l'immensité d'un désert. » Gladys « Je suis l'espérance ;
Qui résiste parmi les hommes ;
Je suis l'espérance qui nous ;
Libère de toute haine ;
Et nous pousse à aller de l'avant... » Florence ;
Quand on critique l'emprisonnement systématique, on se voit souvent rétorquer : « Que proposez-vous de mieux ? » Sylvain Lhuissier prouve avec cet ouvrage qu'une autre punition est possible.
Car l'objectif ici est de comprendre pourquoi rien ne change gouvernement après gouvernement ; d'identifier comment chaque acteur participe à maintenir le système en place ; mais surtout de questionner comment nous tous, citoyens, représentons à la fois une part de la responsabilité et un levier possible du changement.
Sylvain Lhuissier propose de vider les prisons au lieu d'en construire de nouvelles. Car quand la prison s'applique en grande partie à des milliers de personnes qui n'entrent pas dans la catégorie des criminels, ne faut-il pas revoir collectivement notre copie ?
Dégrader, c'est condamner la personne à perdre sa dignité. L'enquête exceptionnelle de Corinne Rostaing, fruit de trente années de recherche, notamment dans les prisons de femmes, révèle combien, aujourd'hui en France, la détention, malgré les continuelles améliorations, dégrade. Et cet effet ne se limite pas à la durée de l'incarcération ni aux seules personnes détenues.
Assurément, les conditions diffèrent, selon que la personne est incarcérée en maison d'arrêt pour le prévenu (en attente de jugement ou de jugement définitif) ou le condamné à une courte peine, en centre de détention pour les condamnés à des peines plus longues (moins de dix ans généralement) ou en maison centrale pour les condamnés à de longues peines ou nécessitant une surveillance particulière. Mais l'effet de l'enfermement, expérience totale et spécifique, est le même : l'espace limité, l'organisation bureaucratique, la vie artificielle, l'isolement et la promiscuité, l'ennui.
L'incarcération provoque une remise en cause de l'identité et constitue une épreuve morale sans équivalent. Face à la mission de retrancher l'individu de la société, que pèse la mission de réinsertion sociale, du point de vue de l'institution et des personnes incarcérées ? Comment les sortants peuvent-ils s'en sortir ? La prison, réduite à un rôle de gardiennage des individus, ressemble davantage, pour les 200 détenus qui en sortent chaque jour, à une voie sans issue qu'à un nouveau point de départ.
Cet ouvrage formule la question essentielle : quel sens peut-on donner aujourd'hui à la peine et à la prison dans la société démocratique ?
La singularité de cet ouvrage est de laisser pleinement la place à la parole des premiers concernés. Le sens de la peine dans les démocraties libérales est problématique parce qu'il repose sur nombre de logiques hétérogènes, encore plus marquées dans le cas de la probation censée prévenir la récidive par un accompagnement hors de la prison.
À partir de 46 entretiens avec des personnes condamnées, les auteurs, par ce travail de recherche, permettent de mieux appréhender le sens que prend l'éclectisme pénal. Isolement social, menace de l'incarcération, aggravation des conditions d'existence, ineffectivité de la peine. Mais si la peine ne sert à rien, comment peut-elle avoir une utilité sociale ?
Sur un même dossier où n'apparaissent ni preuve ni aveu, un homme de soixante-six ans, après avoir été acquitté en première instance, vient d'être condamné en appel à quinze ans de prison et, du même coup, rayé du monde des vivants. Que l'on «croie» cet homme innocent ou non n'a aucun intérêt:une justice sérieuse et digne, honnête, n'avait simplement pas le droit de l'empêcher de poursuivre librement sa vie, sans raison valable, en faisant mine de s'appuyer sur un dossier qui ne contient que du vide trouble, des inepties, des tricheries.À travers cet exemple, dont il décortique avec la minutie qu'on lui connaît chacun des éléments, Philippe Jaenada dresse un vibrant réquisitoire contre les dysfonctionnements inacceptables d'un système policier et judiciaire qui, par manque de moyens et de détermination, se délite sous nos yeux dans l'indifférence générale.Après les succès remarqués de La Petite Femelle, de La Serpe (prix Femina) et d'Au printemps des monstres, Philippe Jaenada nous offre ici une nouvelle facette de son très grand talent.
Peu après la publication de Surveiller et punir, Michel Foucault est amené à répondre à la question suivante : « Y a-t-il des "alternatives" à la prison ? » Foucault doute que l'imposition croissante de conditions restrictives en dehors de l'enceinte de la prison témoigne d'une rupture avec l'emprisonnement ; le progressisme pénal et le développement de techniques de surveillance sembleraient aller de pair.
Ainsi ne s'agit-il pas tellement d'inventer des « alternatives », mais plutôt de savoir si l'on souhaite diffuser ou faire décroître le contrôle social. La lecture rétrospective d'« Alternatives » à la prison, loin de tarir les questionnements sur l'actualité criminologique, suscite de nombreuses interrogations quant à l'extension d'une société policée. Des textes de Sylvain Lafleur, Toni Ferri et Anthony Amicelle viennent actualiser cette analyse.
Comment la France traite-t-elle ses prisonniers ?
À cette question, il y a ce qui est dit, et ce qui se passe ; il y a la lumière, mais aussi et surtout beaucoup de zones d'ombre. C'est elles que Fabrice Rinaudo a voulu raconter.
À travers quatre itinéraires croisés, il a choisi de montrer ce qui ne se montre pas. Ses personnages, qu'ils soient braqueurs, dealers, cambrioleurs, ou simples gardiens de prison, doivent affronter une réalité brutale où la violence, la détresse et la corruption cohabitent malgré tout avec la débrouille et la solidarité.
Accompagné par Sylvain Dorange et Anne Royant aux dessins, Fabrice Rinaudo nous ouvre les portes d'un milieu clos, sombre, presque secret. Sans concession, il nous dévoile un univers à part entière, ses différents acteurs, ses mécanismes mais aussi ses paradoxes, son absurdité, sa folie.
In fine, un constat : la privation de liberté ne réinsère pas. Elle sanctionne, elle brime, elle humilie, elle favorise le suicide et la récidive. Pendant ce temps, surtout, elle déshumanise. La prison, cette Ogresse, ne protège personne.
Mais plutôt que de le démontrer, cette BD nous le fait éprouver, vivre au travers d'une fiction apre et prenante.
Dans un univers carcéral qui reste, depuis des décennies, le même espace de non-droit aux conditions de vie souvent dégradantes, des questions élémentaires se posent aux personnes détenues : que se passe-t-il à l'arrivée en prison ? Comment recevoir des soins adaptés ? Qui peut bénéficier de réductions de peine ? Comment intenter un recours contre l'administration pénitentiaire en cas de préjudice ? Ce sont quelques-unes des questions auxquelles répond Le Guide du prisonnier. Cette nouvelle édition, entièrement mise à jour et revisitée depuis sa dernière parution en 2012, couvre de nouveaux sujets, notamment les aménagements de peine, l'évaluation et la prise en charge de la radicalisation, les droits des personnes étrangères détenues, etc.
Destiné aux personnes incarcérées, à leurs proches, aux professions judiciaires, aux intervenants en milieu carcéral et à tout citoyen s'interrogeant sur les droits des prisonniers, ce livre accompagne par un jeu de questions-réponses l'intégralité du parcours pénitentiaire, du premier au dernier jour de prison. Les différentes étapes - entrer en prison, vivre en prison, sortir de prison - sont abordées successivement et donnent lieu à une explication claire de la règle de droit, confrontée à sa mise en oeuvre au quotidien et illustrée par des témoignages, analyses et articles de presse.
Véritable outil de défense contre l'inapplication de la loi et les atteintes à la dignité en détention, ce guide est l'ouvrage indispensable pour toute personne liée de près ou de loin au monde carcéral.
Véronique Sousset est directrice d'établissement pénitentiaire. Tirés de son vécu professionnel, ces Fragments de prison répondent au lecteur curieux et traversé d'impressions opposées, entre répulsion et fantasme, quant à ce lieu méconnu qu'est la prison : ses visages, ses histoires singulières, ses missions, ses ombres, ses représentations...
Mettre en mots la prison afin de ne pas laisser le silence dicter sa loi, faire entendre d'autres échos pour mieux comprendre le fonctionnement de l'institution carcérale.
Au travers d'anecdotes, de tranches de vie, de portraits, ce texte nous fait découvrir, au fil des pages, la vie de détenus, hommes et femmes, célèbres ou anonymes, et donne à voir la prison autrement : par le prisme de la rencontre.
Peu de recherches sont consacrées aux femmes incarcérées pour de longues peines : ni sur les violences subies en amont du fait des hommes, ni sur leurs raisons d'être violentes elles-mêmes « par ricochet ». C'est l'analyse de ce continuum de violence, trop peu pris en compte lors de la décision de justice, que propose cet ouvrage. À partir d'une enquête originale, l'auteure montre comment le parcours d'exécution de la peine est façonné par un dispositif disciplinaire où les femmes doivent se conformer à l'ordre social du genre.
Sociologue, Natacha Chetcuti-Osorovitz est l'auteure de nombreux livres, publications et rapports sur les violences de genre, la sociologie carcérale, le féminisme et le lesbianisme.
Jamais l'univers carcéral féminin n'avait été dévoilé de si près. Surveillante au Centre pénitentiaire de Rennes, le seul en France exclusivement réservé aux femmes, Marie-Annick Horel nous raconte 37 années de terrain, la confrontation avec la violence permanente mais aussi son immense fierté d'exercer un métier qu'elle juge pourtant être une « zone d'ombre de la République ».
À 21 ans, Marie-Annick Horel est une jeune recrue qui découvre l'univers de la prison et veut se rendre utile. Son goût du contact, elle le cultivera toute sa carrière, cherchant à instaurer des relations plus humaines avec les détenues. Qu'elles soient mères infanticides, braqueuses, tueuses ou trafiquantes, elle ne les juge pas. Toujours à leur écoute, Marie-Annick Horel a voulu témoigner du désespoir et de la solitude de ces longues peines « qui ne se pardonnent jamais » mais aussi de la drogue, des trafics, de l'ultraviolence du quotidien carcéral et des quelques moments de joie. Elle dessine des portraits poignants : de rares femmes parviennent à s'en sortir, d'autres récidivent ou désespèrent...
Avec sa parole franche et vraie, Marie-Annick Horel livre un témoignage inédit sur la réalité d'un métier dévalorisé, encore tabou, exposé à la gestion de crise continue. Elle dénonce le manque de moyens et de formation d'une profession invisible et fait des propositions pour améliorer la réinsertion des condamnées.
Comment et pourquoi plus de deux millions d'américains sont aujourd'hui derrière les barreaux ? Comment les entreprises font-elles profit du système carcéral ? Quels sont les mécanismes qui conduisent à criminaliser les communautés de couleur et à désaffilier politiquement de larges franges d'électeurs dans les minorités ?
Pour Angela Davis, l'incarcération aux États-Unis, est un instrument de la ségrégation raciale, fondée sur une économie d'exploitation.
Elle critiquait déjà dans Les Goulags de la démocratie un système qui s'obstine à bâtir des complexes pénitenciers gigantesques sur les ruines tenaces d'un passé esclavagiste et d'une idéologie raciste et inégalitaire. Elle démontre ici comment les mouvements sociaux ont transformé ces institutions sociales, politiques et culturelles et ont converti en norme des pratiques intenables. Elle argumente sans détours en faveur de la désincarcération et plaide pour une société unie et sans enfermement.
Peut-être avons-nous honte aujourd'hui de nos prisons. Le XIXe siècle, lui, était fier des forteresses qu'il construisait aux limites et parfois au coeur des villes. Elles figuraient toute une entreprise d'orthopédie sociale.
Ceux qui volent, on les emprisonne ; ceux qui violent, on les emprisonne ; ceux qui tuent, également. D'où vient cette étrange pratique et le curieux projet d'enfermer pour redresser? Un vieil héritage des cachots du Moyen Âge? Plutôt une technologie nouvelle : la mise au point, du XVIe au XIXe siècle, de tout un ensemble de procédures pour quadriller, contrôler, mesurer, dresser les individus, les rendre à la fois «dociles et utiles». Surveillance, exercices, manoeuvres, notations, rangs et places, classements, examens, enregistrements, toute une manière d'assujettir les corps, de maîtriser les multiplicités humaines et de manipuler leurs forces s'est développée au cours des siècles classiques, dans les hôpitaux, à l'armée, dans les écoles, les collèges ou les ateliers : la discipline.
Penser les relations de pouvoir aujourd'hui ne peut se faire sans prendre en compte l'ouvrage de Michel Foucault (1926-1984), devenu aussi indispensable à notre époque que le Léviathan de Hobbes le fut à l'époque moderne.