Pasolini, 1922 – 2022
« Nous avons perdu, avant tout, un poète. Il n’y pas beaucoup de poètes de par le monde, il en est seulement trois ou quatre par siècle. Lorsque ce siècle sera fini, Pasolini sera du petit nombre de ceux qui compteront en tant que poètes. Le poète devrait être sacré. Nous avons donc perdu ce poète prodigieux, qui a créé quelque chose de nouveau et d’extraordinaire en Italie, de la poésie civique de gauche, et qui par conséquent a fait ce que personne n’avait fait avant lui. »
Alberto Moravia, 5 novembre 1975
Pasolini poète, réalisateur, scénariste, journaliste.
Pasolini en colère, engagé, communiste, antifasciste, debout.
Pasolini homosexuel, irrévérencieux, libre, dénoncé.
Pasolini controversé, attaqué en justice, trainé dans la boue, en danger de mort.
Pasolini assassiné.
Plus que jamais : Pasolini vivant !
Écrivain « corsaire », poète de l'opposition et cinéaste « à scandale », Pier Paolo Pasolini a été un infatigable polémiste et l'auteur de prophéties éclatantes sur des phénomènes toujours d'actualité (dérive capitaliste, homologation culturelle, consumérisme du superflu, développement sans progrès). Un siècle après sa naissance et 47 ans après sa mort, Pasolini nous est toujours contemporain et constitue un « cas » politico-culturel auquel on se réfère constamment. Héros de la nouveauté mais attentif aux valeurs du passé, révolutionnaire enclin à la contradiction, dévoué au classicisme mais prêt à expérimenter de nouveaux langages, se montrant la plupart du temps déconcertant et ne connaissant pas la tempérance, il a abordé dans son oeuvre infinie et protéiforme (roman, poésie, cinéma, théâtre, essai politique) des thèmes généraux et éternels tels que le destin de l'homme, le mythe de la Nature et de l'Histoire, le sens sacré de la vie et de la mort, en en faisant des sujets de confrontation, de défi et souvent de provocation.
C'est la force et l'inépuisable vitalité de sa voix qui sont le thème de Tout sur Pasolini, un ouvrage qui, avec la contribution de 50 essayistes, universitaires et critiques militants italiens et français, présente les oeuvres intégrales de l'auteur, en soulignant leur profondeur et leur extraordinaire actualité. Comme l'écrit Hervé Joubert- Laurencin dans son essai : « Pasolini n'a cessé de mourir dans notre dernier demi-siècle, et pourtant il est né et n'a jamais cessé de vivre depuis un siècle, d'abord de son vivant, puis dans sa postérité ».
Tout sur Pasolini, sous la forme encyclopédique d'un dictionnaire-laboratoire divisé en rubriques alphabétiques pour une consultation aisée et fonctionnelle, réunit l'ensemble de l'oeuvre de Pasolini et une vaste représentation actualisée de la pensée critique du poète-réalisateur. Du « A » d'Accattone au « C » de Censure, du « R » de Religion au « S » de Sartre, nous passons dans ce volume de la fiction à la poésie, du cinéma au théâtre, des célèbres invectives de Pasolini publiées dans le Corriere della Sera à sa fructueuse fréquentation d'autres disciplines (sémiologie, structuralisme, anthropologie) et des arts tels que la peinture, la musique et la danse. Conçu non seulement pour un public de spécialistes, mais aussi en espérant une nouvelle génération de lecteurs, Tout sur Pasolini offre une large sélection de textes qui, tout en préservant l'exhaustivité et la qualité, optent pour un ton lisible et délibérément non académique.
« Comme tous les grands artistes, Pasolini demeure éternellement présent. Lorsqu'on a admiré profondément un créateur, on ne change pas de rapport avec lui. Souvent, autour de moi, on dit que Pasolini est dépassé, que son cinéma est daté, que ses poèmes et ses romans sont illisibles... Cela me paraît aberrant. Autant dire que Flaubert est vieillot, que Villon est illisible, que Dante est ennuyeux... Pasolini était une figure active de la vie politique. C'est cela qui donne l'impression qu'il appartient au passé. Mais les grandes oeuvres sont inépuisables... ».
Le poète, le romancier et le polémiste ; le cinéaste, le dramaturge et le peintre ; ses relations aux autres ; la mort... À l'occasion du centenaire de la naissance de Pier Paolo Pasolini (1922-1975), dont la vie s'est tragiquement achevée une nuit de novembre sur une plage d'Ostie dans des circonstances encore mystérieuses, René de Ceccatty rassemble ici un large choix de ses études, articles, entretiens et conférences qu'il n'a cessé depuis quarante ans de consacrer au poète cinéaste.
En 1968, alors que Pasolini terminait le tournage de Theorème, le journaliste Jon Halliday (alias Oswald Stack) interviewe pendant plusieurs semaines le cinéaste et poète pour qu'il approfondisse avec lui une sorte d'autoportrait personnel et intellectuel, et analyse en profondeur sa carrière littéraire et cinématographique et ses positions politiques. Un document exceptionnel sur l'artiste et l'homme.
Pasolini est à un tournant capital de son oeuvre et de sa vie. Sans avoir encore rencontré un très large public (que ses derniers films lui donneront), il est considéré, aux yeux du monde entier comme une figure majeure du cinéma, de la poésie, du roman et de la vie politique italienne, en tant qu'artiste novateur et observateur unique de l'Italie d'après-guerre. Source d'informations irremplaçables, notamment sur son enfance et sur la genèse de tous ses films, cet entretien n'a jamais été traduit, après sa double publication simultanée, en anglais et en italien. Une publication posthume en Italie (1992) ajouta des éléments concernant les films successifs, et notamment un entretien sur les Contes de Canterbury. Le traducteur ajoute un long chapitre en forme de postface qui rend compte des six dernières années de Pasolini, de ses films ultérieurs, de sa mort. De nombreux photogrammes, photos de plateau et photos d'archives illustrent la conversation.
Les textes ici rassemblés, publiés dans des journaux et mis en recueil par Pasolini lui-même, témoignent par leur violence d'une démarche provocatrice. L'auteur de Théorème y examine tour à tour le problème de l'avortement, le fascisme, l'antifascisme et surtout la consommation de masse qui conduit à une déshumanisation de la société et à la destruction de l'identité italienne. Pasolini dévoile ainsi, peu de temps avant de mourir assassiné sur une plage d'Ostie, une nouvelle facette de sa personnalité et de son talent inclassables, livrant à ses contemporains sa révolte nostalgique face au monde qui l'entoure.
Première traduction française du livre-film de 1961. Scénario et textes de Pier Paolo Pasolini, préface de Carlo Levi et 58 photographies. Traductions de l'italien par J.-C. Zancarini et H. Joubert-Laurencin.
Le premier film de Pier Paolo Pasolini, Accattone, est projeté le 31 août 1961 à la Mostra de Venise. Le monde qu'il dépeint, un sous-prolétariat romain majoritairement inconnu des Italiens, avec son lot de maquereaux, voleurs et prostituées, est trop sulfureux pour une Italie encore très traditionnelle : le film sera interdit aux moins de 18 ans par crainte des « conséquences du choc » qu'il pourrait entraîner sur des jeunes gens pas encore tout à fait matures.
Avant d'être un film, Accattone est un scénario d'une grande beauté, d'une puissance exceptionnelle de l'écrivain-poète Pasolini. Son personnage, Accattone (mot que l'on pourrait traduire par « mendiant »), est un proxénète oisif dont la protégée est envoyée en prison. Se retrouvant alors sans gagne-pain, il remarque une jolie jeune fille qu'il va vouloir mettre sur le trottoir, mais conquis par sa pureté, il en tombe amoureux, allant même jusqu'à tenter de travailler pour lui éviter la prostitution.
Le livre-film d'Accattone paraît à Rome en 1961, pour la sortie du film, suivant ainsi la tradition italienne : longtemps, en effet, il fut presque systématique que le film d'un cinéaste digne de ce nom s'accompagnât d'un livre. Or celui d'Accattone a pour particularité d'être entièrement de la main du poète-cinéaste, si l'on met de côté la préface de l'écrivain Carlo Levi. Le scénario est précédé de quatre textes de Pier Paolo Pasolini : deux « Veilles », récits sous forme de journal intime des journées du cinéaste en devenir, ses rencontres, ses incertitudes, les préparatifs et les repérages précédant le tournage, puis deux textes plus théoriques et stylistiques : « Cinéma et littérature. Notes après Accattone », sorte de dissertation sur les figures de style appliquées au langage du cinéma et enfin « Sens d'un personnage. Le paradis d'Accattone » dans lequel l'auteur prévoit et écarte par avance les interprétations catholiques qui furent effectivement faites de son oeuvre. Les textes de Pasolini sont saisissants, intenses, parfois rageurs ou nostalgiques, toujours magnifiques.
Cette traduction française reprend intégralement le livre-film d'Accattone paru à Rome aux éditions FM en 1961, avec les 58 photographies qui l'accompagnaient.
Volume II - Dossier Accattone, une plongée passionnante dans l'univers du grand poète-cinéaste.
Avec des textes inédits de H. Joubert-Laurencin, Ph.-A. Michaud, F. Galluzzi et Ch. Caujolle, un regard de Pasolini sur la disparition de cette culture des borgate si bien dépeinte dans Accattone, des critiques contemporaines de la sortie du film en France, une riche documentation et 64 illustrations (photogrammes, photographies de plateau et de repérage).
Ce Dossier qui accompagne la publication du scénario d'Accattone, réalisé par Pier Paolo Pasolini en 1961, regroupe un ensemble d'analyses consacrées à la genèse du film, à ses enjeux figuratifs et formels, aux relations qu'il entretient avec la peinture (celle de Masaccio, celle de Caravage) qui déterminent le style cinématographique, délibérément antinaturaliste, de l'écrivain-cinéaste.
Une documentation sur les archives d'Accattone et ce qu'elles nous apprennent des différentes étapes du film, une bibliographie et une fiche technique complètent ce volume.
Sur la route de Pier Paolo Pasolini est une trilogie, inspirée du récit de voyage de Pier Paolo Pasolini, La longue route de sable, cette route longeant le littoral italien qu'il parcourut au volant de sa Millecento, durant l'été 1959.
Cet écrit peu connu recèle déjà toute la poésie de Pasolini, ses remarques authentiques, incisives parfois, sur l'état de son pays, son amour pour celui-ci... Chantal Vey a repris cet itinéraire, seule au volant de sa camionnette, revisitant les lieux qu'il décrivait, soixante ans auparavant.
Cette exploration du territoire italien a amené Chantal Vey à parcourir des milliers de kilomètres, à collecter des photographies, des vidéographies, des sons, des mots... Comme pour Pasolini, cette quête a une valeur poétique, bien plus qu'un témoignage documentaire.
Sur la route de Pier Paolo Pasolini est composé en trois chapitres selon la chronologie des itinérances, et se déploie au plus près de l'aventure en écho aux paroles du poète Italien. Celle-ci se dévoile sous différents angles de vue, au travers de photographies, de photogrammes, de textes, de dessins et de citations... De pages en pages, le désir est d'amener le lecteur, le regardeur, à voyager dans cette Italie d'aujourd'hui, et attiser ou réveiller sa curiosité sur cet illustre artiste, qu'est Pier Paolo Pasolini.
Le livre est traversé par le journal de bord tenu par Chantal Vey, permettant au lecteur de suivre pas à pas les découvertes, sensations, rencontres que l'artiste a faites tout au long de de son périple.
«Ceux qui comme moi ont eu le destin de ne pas aimer selon la norme finissent par surestimer la question de l'amour. Quelqu'un de normal peut se résigner - quel mot terrible - à la chasteté, aux occasions manquées:mais chez moi la difficulté d'aimer a rendu obsessionnel le besoin d'aimer:la fonction a hypertrophié l'organe, alors que, dans mon adolescence, l'amour me semblait être une chimère inaccessible.» La vie de Pier Paolo Pasolini (1922-1975), cinéaste, romancier, théoricien de l'art et de la littérature, se déroula à la fois comme un destin tragique et comme le symbole de la plus noble des libertés. Ce courage, il le paya très cher:scandales, procès, assassinat mystérieux enfin dont il fut la victime, sur une plage d'Ostie, une nuit de novembre.
Dans le but d'asseoir sa réputation auprès des voyous d'un quartier romain, Tommasino s'adonne à la violence. Devenu un de ces vitelloni, il mène une existence fulgurante. La prison puis la maladie sauront-elles le guider sur le chemin de la rédemption ? Le choix du réalisme, chez Pasolini, est moral et politique : la fugacité de ce destin, la brutalité d'une jeunesse égarée, interrogent le devenir de toute l'Italie d'après-guerre.
Ces entretiens, pour la plupart inédits en français, et édités par Maria Grazia Chiarcossi pour le public hexagonal, offrent un complément indispensable à la découverte de l'un des artistes majeurs du siècle passé et dont la profondeur de réflexion nous est devenue désormais indispensable, vitale. On retrouvera les thèmes essentiels chers au poète italien, qui partent des recherches menées sur la langue et le style pour aboutir à la défense poétique de l'humanité ravagée par le néocapitalisme. On y lira aussi des réflexions sur marxisme et christianisme, sur son enfance, sur la révolte des étudiants de 1968 vue comme lutte interne à la bourgeoisie, sur son engagement communiste et humaniste, sur les ravages du développementisme au détriment du progrès.
« Il s'agissait d'une armada de gamins qui couraient comme des scélérats. » Dans la Rome crépusculaire d'après guerre, une bande d'adolescents vit de petits larcins et de crimes divers. Cherchant la bonne combine qui leur fera gagner quelques lires, ils survivent tant bien que mal dans les faubourgs. Grand texte politique et moral, Les Ragazzi leur donnent la parole à travers la voix prodigieuse de Pier Paolo Pasolini.
Aussi bien « encyclopédie personnelle de la littérature » que « laboratoire de création », Descriptions de descriptions est un livre unique dans l'oeuvre de Pasolini car il se positionne en son plein coeur. Se trouvent ici non seulement exposés les vues de Pasolini sur un pan considérable de la littérature mondiale de toute époque (aussi bien Pétrarque, Manzoni, Moravia, Italo Calvino, Elsa Morrante, que Balzac, Flaubert, Dostoïevski, Ezra Pound ou Joseph Roth, la liste continue) mais aussi le décor intellectuel et sensible dans lequel voient le jour les propres oeuvres de Pasolini en gestation, comme Les Mille et Une Nuits, Salò ou Pétrole. Paru initialement en français chez Rivage en 1984, Descriptions de descriptions reparaît aux éditions Manifeste !, à l'occasion du centenaire de la naissance de Pasolini, avec le même traducteur et augmenté de plus d'un tiers d'inédits.
Un jeune homme fait irruption chez de riches bourgeois milanais. Il est la grâce, la beauté mêmes. Et sa visite est davantage une visitation, qui s'accomplit dans et par la possession physique. La servante Émilie, puis Pierre, le fils de famille, puis la mère et Odette, la fille, enfin le père, tous connaîtront le visiteur, au sens biblique du terme. Mais après son brusque départ, rien ne restera du message laissé. Seule l'humble servante connaîtra le salut car, à la différence des bourgeois selon Pasolini, elle n'a pas substitué de conscience à son âme, ni de morale à son sens du sacré.Conçu comme pièce en vers dont il reste des extraits, puis écrit parallèlement au film, séquence par séquence, Théorème est une parabole, d'un genre littéraire unique et inclassable.
"Poème filmique" en prose et vers, La Rage est le scénario intégral du film sorti en 1963 (dans une version raccourcie). Un commentaire lyrique qui mélange l'analyse sociale et politique à l'invective, l'élégie à l'épique, en les tissant avec des images des actualités, des matériaux d'archives et des photographies des faits marquants de son époque.
En interrogeant la société de son temps, le poète-réalisateur interroge aussi la nôtre. Dans ce texte, d'une brûlante actualité, on y retrouve le Pasolini le plus politique, le plus âpre et le plus clairvoyant.
« Pourquoi notre vie est-elle domine´e par le me´contentement, l'angoisse, la peur de la guerre, la guerre ? C'est pour re´pondre a` cette question que j'ai e´crit ce film, sans suivre un fil chronologique, ni me^me peut-e^tre logique. Mais pluto^t mes raisons politiques et mon sentiment poe´tique ».
Pier Paolo Pasolini.
Introduction de Roberto Chiesi.
Postface de Jean-Patrice Courtois.
«La religion de mon temps» sort en mai 1961, au moment Pasolini commence sa carrière cinématographique. Il revient d'Inde où il s'est rendu avec Alberto Moravia et où l'a rejoint Elsa Morante. C'est à elle qu'il le dédie. Son amie est mystique, et même catholique. Il a, lui, avec la religion un rapport plus complexe, dont témoigne en particulier ce recueil. Comme dans tous ses recueils, Pasolini utilise la poésie de plusieurs façons : intime, politique, descriptive, sociale, provocatrice, réflexive. Invectives et prières, clamées ou murmurées, confessions et dénonciations, contemplations et méditations, récits et dialogues alternent dans ces poèmes animés comme il aimera le dire plus tard d'une « vitalité désespérée ». Témoin, compagnon, amoureux des pauvres, il tente de décrire un monde de la nuit et de la misère, riche d'une lumière qu'il ne sait pas avoir.
Manifesto per un nuovo teatro paraît dans le numéro 9, janvier-mars 1968, de la fameuse revue romaine Nuovi Argomenti (revue littéraire trimestrielle dirigée par Alberto Carocci, Alberto Moravia, Pier Paolo Pasolini).
Manifeste programmatique pour un théâtre de Parole, ce texte est une déclaration extrême et extrémiste du plus excessif des écrivains italiens du XXe siècle. Une déclaration de guerre à la culture bourgeoise par la critique de la notion de culture et de bourgeoisie. Cela est possible grâce à une lutte littéraire et politique qui se passe au théâtre - un nouveau théâtre - le théâtre de la Parole. Toute la force nécessaire pour cette critique radicale est à chercher dans la puissance de la parole c'est-à-dire dans le poème. On retrouve ici un concept majeur de la pensée de Pasolini (présent dans toutes ses oeuvres, qu'elles soient cinématographiques, littéraires, critiques...) : l'action de la parole est maximale quand la parole est écrite dans la langue de la poésie, c'est-à-dire quand toutes ses propriétés et possibilités, sont engagées pour réinventer le langage et l'humain.
Ce manifeste est donc un texte littéraire, politique, théorique & pratique, de critique théâtrale mais surtout de critique sociale.
En 43 points, sur moins de trente pages, Pasolini lance un défi à tous et à chacun, mais spécialement aux intellectuels (de métier ou dilettantes), un défi qui est toujours terriblement d'actualité.
Durant l'année 1975, dernière de sa vie, pasolini, âgé de 53 ans, s'adresse dans le quotidien il corriere della sera, à un jeune homme imaginaire pour faire son éducation sociale et politique.
Ce dialogue ouvert prend de l'ampleur, et devient un véritable " petit traité pédagogique " au sujet de la presse, la sexualité, l'anticonformisme, la liberté, l'école, la télévision... il se prolonge par un poème et par différentes interventions dans lesquelles le cinéaste-écrivain exprime sa conception du monde et de la création, de la vie littéraire et de la participation politique. paradoxes ou déclarations provocantes alternent dans cet essai vibrant, où pasolini prend aussi le temps d'analyser en profondeur la vie sociale italienne.
Véritable bréviaire de la révolte, les lettres luthériennes s'inscrivent dans une lignée d'essais comme les écrits corsaires, l'expérience hérétique, descriptions de descriptions.
«Ce sont les premières heures de ma présence en Inde et je ne sais pas dominer la bête assoiffée, en moi emprisonnée, comme en cage. Je persuade Moravia de faire quelques pas et de respirer quelques bouffées de cet air, d'une première nuit en Inde...» En 1961, Pasolini fit un voyage avec Alberto Moravia et Elsa Morante. Le livre intensément lyrique qu'il en rapporta n'est pas vraiment un récit, mais une «odeur» respirée au cours de ses errances nocturnes. Les visions de l'extrême misère, les spectacles d'une étrange spiritualité sont pour lui comme autant d'étapes d'une descente au sein d'une humanité primitive, moins éloignée qu'on pourrait le croire du décor des Ragazzi ou d'Une vie violente.
L'auteur fait le point sur son oeuvre en évoquant souvenirs d'enfance, relations avec la presse et la justice. Il livre des clés sur son passage de l'écrit au cinéma, et sur quelques-uns de ses désirs les plus profonds.
«J'ai beaucoup risqué en écrivant Actes impurs et Amado mio. Je ne sais pas si les sujets si scabreux de ces deux récits sont suffisamment nécessaires et objectivés ; je suppose même que certains, si je disais le nom du péché... ne liraient peut-être même pas la première page du livre. Paolo et Desiderio luttent-ils assez contre leur amour ? Il est vrai, tant que la passion les consume, leur péché se consume avec eux ; mais au-delà de cette passion, où il n'y a que sensualité, qu'est-ce qui les justifie ? L'anormalité de leur amour est déjà une peine assez lourde, une condamnation à vie, c'est vrai ; mais suffit-il de souffrir pour se racheter ? »
Joubert-Laurencin, avec qui nous avons publié les deux volumes du critique de cinéma André Bazin en 2018 et Accattone de Pier Paolo Pasolini, scénario et dossier, en 2015. Il s'agit d'un travail de fond, mené depuis de nombreuses années par l'un des plus grands spécialistes de Pasolini, qui permet au lecteur de suivre l'extraordinaire production d'abord littéraire puis cinématographique d'un artiste à l'écriture polymorphe. Organisé de façon chronologique, l'ouvrage révèle comment la poésie et la littérature ont nourri les films de Pasolini en mettant au jour un système qui s'apparente à de l'orfèvrerie - à la manière d'un vitrail dont les détails de fabrication de chaque couleur nous seraient exposés. Si de nombreux livres existent sur Pasolini, celui-ci est unique en ce qu'il entreprend de saisir toute la vie et l'oeuvre de l'artiste. Ce projet d'envergure s'inscrit dans les célébrations du centenaire de la naissance de l'artiste en 2022.